Rapport annuel 2017

Bulgarie

République de Bulgarie
Chef de l’État : Rossen Plevneliev
Chef du gouvernement : Boïko Borissov

La Bulgarie ne fournissait pas aux migrants et aux réfugiés, de plus en plus nombreux sur son territoire, tous les services nécessaires. Elle ne leur permettait pas non plus de bénéficier d’une procédure adéquate. Elle n’a pas répondu aux allégations faisant état de renvois forcés illégaux et sommaires, ainsi que d’atteintes aux droits humains aux frontières. Le climat ambiant de xénophobie et d’intolérance s’est fortement aggravé. Les Roms étaient toujours exposés à des discriminations dans tous les aspects de leur vie. Le Parlement a adopté en première lecture une nouvelle loi contre le terrorisme.

Droits des réfugiés et des migrants

En réaction aux décisions prises par la Serbie et la Hongrie de renforcer les mesures de contrôle à leurs frontières, les autorités bulgares ont adopté une politique qui visait à limiter le nombre de migrants et de réfugiés cherchant à gagner l’Union européenne (UE) en passant par la Bulgarie. Les organisations de défense des droits humains ont signalé de fréquentes allégations de renvois forcés illégaux, de brutalités et de vols mettant en cause des membres de la police des frontières. Sans aller jusqu’à approuver les renvois forcés illégaux, le Premier ministre Boïko Borissov a reconnu que son gouvernement avait adopté une « approche pragmatique » de la crise des réfugiés. Il a déclaré que plus de 25 000 personnes avaient été renvoyées en Turquie et en Grèce entre janvier et août.

Les auteurs des abus dénoncés aux frontières continuaient de jouir de la plus totale impunité. Au mois de juillet, le parquet de la région de Bourgas a classé la procédure ouverte à la suite du décès, en octobre 2015, d’un Afghan non armé abattu par la police des frontières.

La majorité des migrants et des réfugiés continuaient d’être placés systématiquement en détention administrative, souvent pour une durée dépassant de plusieurs mois la durée légale autorisée. Le fait de tenter à deux reprises de franchir illégalement la frontière, que ce soit pour entrer ou pour sortir du pays, constituait une infraction pénale. Des migrants et des réfugiés appréhendés alors qu’ils tentaient de quitter la Bulgarie en dehors d’une procédure régulière ont ainsi été poursuivis en justice et incarcérés, dans certains cas pendant plus d’un an.

Enfants

Les autorités n’avaient toujours pas renoncé à la pratique illégale consistant à placer en détention des mineurs isolés. Pour contourner l’interdiction d’emprisonner des mineurs non accompagnés, les services chargés des migrations confiaient arbitrairement des enfants arrivés seuls à la « garde » d’adultes avec lesquels ils n’avaient aucun lien de parenté.

Les centres d’accueil ne disposaient pas des conditions nécessaires pour accueillir des enfants non accompagnés. Les autorités ne veillaient généralement pas à ce que ces mineurs aient accès aux services d’un avocat et d’un traducteur. Elles n’assuraient pas davantage leur accès aux services de santé et à l’éducation, à un soutien psychologique et à un cadre dans lequel ils seraient et se sentiraient en sécurité. En l’absence d’infrastructures spécialement destinées aux mineurs, de nombreux enfants non accompagnés étaient détenus en compagnie d’adultes, hors de toute surveillance professionnelle adéquate, ce qui les exposait tout particulièrement à d’éventuels sévices sexuels, à la drogue et à la traite.

Discrimination

Xénophobie

Plusieurs organisations de défense des droits humains ont tiré la sonnette d’alarme concernant la montée de la xénophobie et de l’intolérance vis-à-vis de certains groupes, et notamment des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants, qui restaient particulièrement vulnérables aux actes de violence et de harcèlement. Les pouvoirs publics ne faisaient rien pour dénoncer ce climat d’intolérance, et certains représentants de l’État ont tenu à de nombreuses reprises des discours discriminatoires ou xénophobes.

Les médias nationaux et étrangers ont diffusé en avril des images montrant de soi-disant « patrouilles volontaires des frontières » regroupant et retenant prisonniers des migrants irakiens et afghans qui tentaient de franchir la frontière depuis la Turquie voisine, pour ensuite les remettre à la police. Les auteurs de ces « arrestations citoyennes » illégales ont été dans un premier temps encensés par les autorités et une partie de la population. Toutefois, à la suite de plaintes déposées par le Comité Helsinki de Bulgarie, la police a arrêté plusieurs membres de ces « patrouilles » et le ministère de l’Intérieur a diffusé des communiqués dans lesquels il demandait aux citoyens de ne pas arrêter eux-mêmes des réfugiés, des demandeurs d’asile ou des migrants.

Les Roms

Les Roms étaient toujours victimes de l’exclusion et de très fréquentes discriminations. Le Comité des droits de l’enfant [ONU] s’est dit préoccupé par le fait que les enfants roms n’avaient toujours qu’un accès limité à l’éducation, aux services de santé et à un logement décent. Les Roms étaient toujours très largement surreprésentés dans les écoles « spéciales », les établissements de santé mentale et les centres de détention pour jeunes délinquants. Les autorités ont poursuivi les expulsions forcées sans proposer de solutions de relogement décentes, jetant de fait de nombreuses familles à la rue.

Les femmes musulmanes

Au mois de septembre, l’Assemblée nationale a adopté une loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public. Cette loi faisait partie d’un ensemble de textes soumis par le Front patriotique, membre de la coalition au pouvoir, et qui étaient destinés, selon leurs promoteurs, à prévenir la « radicalisation ». Les autres propositions de loi, qui étaient toujours en cours d’examen à la fin de l’année, envisageaient un certain nombre de mesures susceptibles d’avoir de larges répercussions, comme la prohibition de « l’islam radical », une interdiction totale de tout financement étranger des groupes religieux, quelle que soit la confession, ou encore l’usage obligatoire du bulgare dans la liturgie. Quelques mois plus tôt, plusieurs capitales régionales, dont la ville de Pazardjik, avaient interdit le port du voile intégral en public. Les femmes qui portent le voile intégral ou la burka sont très peu nombreuses en Bulgarie, mais cette interdiction nationale pourrait avoir des effets discriminatoires sur les femmes de la minorité turque et de la minorité rom de confession musulmane.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

En juillet, l’Assemblée nationale a rapidement adopté une nouvelle loi de lutte contre le terrorisme, qui définit la notion « d’acte terroriste » en des termes vagues et beaucoup trop généraux1. Ce texte permet au président de la République de décréter, avec l’accord de l’Assemblée nationale, l’« état d’urgence » à la suite d’un acte « terroriste » perpétré contre le territoire bulgare. Or, pendant l’état d’urgence, les pouvoirs publics peuvent interdire de manière générale l’ensemble des rassemblements, réunions ou manifestations, en dehors de tout contrôle effectif et indépendant. Cette loi prévoit en outre toute une série de mesures de surveillance administrative (interdiction de quitter le lieu de résidence, restriction du droit de circuler librement et du droit d’association, etc.) applicables à toute personne soupçonnée de « préparer ou de programmer un acte terroriste ».

Non-refoulement

La police bulgare a arrêté en août un ressortissant turc, Abdullah Buyuk, qui résidait en Bulgarie depuis fin 2015, pour ensuite le remettre en secret aux autorités turques, au mépris du principe de « non-refoulement » inscrit dans le droit international. Les autorités ont agi sur la foi d’un mandat d’arrêt émis par Interpol à la demande du gouvernement turc, qui souhaitait obtenir l’extradition d’Abdullah Buyuk. Ce dernier avait été inculpé dans son pays d’origine de blanchiment d’argent et de terrorisme en association avec le mouvement Gülen. Selon son avocat, Abdullah Buyuk n’a pas eu la possibilité de le contacter, pas plus que sa famille, et n’a pas pu contester la légalité de son extradition. La demande d’asile en Bulgarie d’Abdullah Buyuk avait été rejetée quelques jours auparavant. Il a été remis aux autorités turques alors que deux décisions de justice s’étaient précédemment opposées à son extradition. En mars 2016, le tribunal de la ville de Sofia et la Cour d’appel de Bulgarie avaient estimé qu’Abdullah Buyuk ne devait pas être extradé, expliquant que les charges dont il faisait l’objet étaient manifestement motivées par des considérations d’ordre politique et que la Turquie ne pouvait pas garantir qu’il serait jugé équitablement. Les services de la médiatrice de la République ont affirmé dans une déclaration publique que le renvoi d’Abdullah Buyuk en Turquie était contraire à la Constitution bulgare, à la législation nationale et aux obligations de la Bulgarie aux termes du droit international.

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