Ouganda : La communauté internationale a abandonné les réfugiés sud-soudanais Khairunissa Dhala, spécialiste des droits des réfugiés et des migrants à Amnesty International.

Malgré une aide financière limitée de la part des organisations internationales, l’Ouganda accueille les réfugiés à bras ouverts.

À seulement 37 ans, Joyce a déjà tout vu. Son expérience lui a montré que la cruauté humaine était sans limites, mais elle a survécu et peut aujourd’hui témoigner. En septembre 2016, des militaires ont fait irruption à son domicile de Kajo-Keji (Soudan du Sud), où elle vivait avec son mari et leurs enfants. Ils ont attaché son mari les bras dans le dos et lui ont asséné des coups de couteau jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Se retrouvant seule avec neuf enfants à charge, Joyce a décidé de fuir les violences auxquelles son pays natal était en proie. Elle a donc rejoint les centaines de milliers de Sud-Soudanais qui marchaient sur le chemin de l’exode vers l’Ouganda, au sud.

Certes, le risque pour elle d’être abattue ou violée par des militaires ou des rebelles est désormais moindre mais sa vie demeure une épreuve au quotidien. Des éléments de première nécessité, comme la nourriture, l’eau et le logement, lui font encore défaut.

Malheureusement, elle n’est pas la seule dans ce cas. Des milliers et des milliers de réfugiés sud-soudanais en Ouganda – dont près des deux tiers sont des enfants – vivent dans des conditions déplorables parce que la communauté internationale ne finance pas l’assistance aux réfugiés dans ce pays, qui continue pourtant d’en accueillir malgré ses ressources limitées.

Les pays les plus riches du monde n’en font pas assez pour aider ces personnes.

Les appels lancés par les Nations unies permettent de lever des fonds encore bien insuffisants pour améliorer le sort de millions de réfugiés et les possibilités de réinstallation offertes sont minimes, ce qui est contraire aux obligations internationales en matière de partage des responsabilités entre États.

La communauté internationale se doit de redoubler d’efforts pour aider l’Ouganda et les réfugiés que ce pays a accueillis à bras ouverts, et de leur témoigner son soutien. Des vies en dépendent.

Plus de 900 000 réfugiés sud-soudanais se trouvent déjà sur le territoire ougandais et des milliers d’autres arrivent chaque jour. L’Ouganda doit faire face à l’une des plus graves crises de ce type au monde.

Reconnu et félicité pour sa politique progressiste en faveur des réfugiés, ce pays ne leur a pas fermé ses frontières malgré les difficultés financières, mais il ne peut plus résister à une telle pression et a besoin d’un appui mondial.

Sa démarche consiste à offrir aux réfugiés des parcelles de terre où vivre et cultiver et à leur permettre d’accéder à des services essentiels, notamment les soins médicaux et l’éducation, au même titre que les Ougandais. Par ailleurs, les réfugiés sont autorisés à travailler et à créer des entreprises.

L’objectif de l’État est de faire en sorte que les réfugiés deviennent autosuffisants en cinq ans et ne soient plus dépendants des organismes d’aide.

Cependant, la communauté internationale n’a pas prêté un appui suffisant à l’Ouganda ni à ses réfugiés. En mai 2017, le plan d’action en faveur des réfugiés sud-soudanais en Ouganda n’était financé qu’à 15 pour cent. En 2016, il a été couvert à 51,4 pour cent.

L’insuffisance des ressources compromet la pérennité de la politique de l’Ouganda en faveur des réfugiés mais a aussi un effet dévastateur plus direct sur la vie de ces personnes.

Dans le cadre de l’élaboration d’un rapport, des représentants d’Amnesty International se sont entretenus récemment avec plus de 80 réfugiés sud-soudanais installés dans quatre districts du nord de l’Ouganda ; ces personnes ont toutes donné un récit atroce faisant état des atteintes aux droits humains, y compris les homicides, les viols et les actes de torture, auxquelles elles avaient voulu échapper. Certaines d’entre elles, à l’instar de Joyce, ont assisté au meurtre de leurs proches.

Au lieu d’obtenir le soutien sans réserve qui leur permettrait de vivre dignement en Ouganda, ils se retrouvent livrés à eux-mêmes. Même les personnes les plus fragiles comme les victimes de traumatisme, auxquelles il est nécessaire d’apporter une aide psychologique d’urgence, sont négligées.

Plus de 64 pour cent des réfugiés sud-soudanais en Ouganda sont âgés de moins de 18 ans. Beaucoup sont en danger et ont besoin d’une assistance immédiate.

Malheureusement, les appels lancés par l’État ougandais, les Nations unies et les organismes d’aide sont restés lettre morte.

Il n’est toutefois pas trop tard.

Les donateurs, parmi lesquels figurent les États-Unis, l’Union européenne et ses États membres, l’Australie, le Canada, la Chine et le Japon, ont la possibilité d’influencer l’avenir au Sommet de la solidarité pour les réfugiés, qui se tient à Kampala. La communauté internationale se doit de redoubler d’efforts pour aider l’Ouganda et les réfugiés que ce pays a accueillis à bras ouverts, et de leur témoigner son soutien. Des vies en dépendent.

Khairunissa Dhala, spécialiste des droits des réfugiés et des migrants à Amnesty International.

Cet article a été publié à l’origine par Al Jazeera.

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