« En tant que femmes, nous devons nous battre pour nos droits »

« Souviens-toi que devant toi, il y a une porte. Si tu ouvres cette porte, tu verras la lumière. Il faut juste arriver à cette porte. » Voilà ce que Soraya, une femme afghane de 24 ans, se répète et répète à ses amis, particulièrement les jours qui paraissent plus sombres que les autres.

De l’Afghanistan à l’Iran, puis à la Grèce

Lorsque nous rencontrons Soraya dans un centre pour les femmes migrantes et réfugiées à Athènes, en Grèce, Mohana, sa fille d’un an, est assise sur ses genoux.

Mohana est née en Grèce, à des milliers de kilomètres de l’Iran, où Soraya a grandi, après que sa famille a fui l’Afghanistan.

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Soraya et sa fille Mohana. © Lene Christensen/Amnesty International

Aujourd’hui, Soraya espère pouvoir s’installer en toute sécurité avec sa famille dans un autre pays. Elle sait qu’elle a encore des jours difficiles devant elle.
Mais le dangereux périple qu’elle a entrepris et son combat pour mettre ses trois enfants en sécurité lui ont appris à ne pas sous-estimer sa force.

« Les femmes ont des droits. Je veux décider de mon avenir. Le plus important est que nous parvenions à cet objectif et que les hommes le comprennent aussi. »

Il y a quelques années, elle ne voulait pas être prise en photo, aujourd’hui, elle regarde directement l’objectif de l’appareil photo. Sa voix est déterminée.

« En tant que femmes, nous devons nous battre pour nos droits ; pour nous et pour nos enfants », a déclaré Soraya.

Le dangereux périple

Certains événements de notre vie nous reviennent en battement de cils. Des souvenirs qui auront toujours le même goût, la même odeur.

Pour Soraya, plusieurs de ces événements ont eu lieu lorsqu’elle, son mari et ses enfants ont entrepris de traverser la mer Égée au péril de leur vie.

Ils avaient pris la lourde décision de fuir l’Iran quelques mois auparavant. Retourner en Afghanistan, leur pays d’origine où la guerre fait rage, était impossible. Pour atteindre l’Europe, où ils espéraient être en sécurité, ils ne voyaient pas d’autre solution que risquer leur vie.

Soraya n’oubliera jamais le bruit assourdissant qu’elle a entendu après avoir marché presque sept heures pour atteindre la côte turque. Le bruit devenait de plus en plus fort, comme s’il venait de grosses machines. Elle pensait voir de grosses usines au prochain tournant.

Mais c’était en réalité le bruit d’énormes vagues qui s’abattaient sur la côte.
C’est par ces eaux déchaînées que Soraya et sa famille devaient passer pour atteindre la Grèce ce soir-là. Un petit bateau les attendait avec des dizaines d’autres personnes qui avaient également fui leur pays d’origine. Les passeurs leur ont dit d’embarquer rapidement.

Il faisait sombre et froid et tout était chaotique.

Soraya est tombée à l’eau trois fois en essayant d’embarquer et de faire embarquer sa famille. La dernière fois, trempée, elle a crié « non ». En pleurs, elle a refusé d’embarquer. « Si nous prenons ce bateau maintenant, nous allons mourir », a-t-elle dit, en larmes.

D’autres personnes ont alors également demandé que la traversée soit annulée. Les passeurs ont finalement accepté d’attendre. Ils se sont regroupés autour d’un petit feu sur la plage, essayant de lutter contre la peur et le froid glaçant. À quatre heures du matin, la mer s’était légèrement calmée et les passeurs avaient trouvé un autre bateau. Cette fois-ci, ils sont partis, entassés, ne pouvant presque pas bouger.

Les images de son fils tremblant et vomissant dans le petit bateau en plastique sont gravées dans sa mémoire à jamais. Mais ils ont survécu. Le 12 mars 2016 au matin, ils ont débarqué sur l’île de Chios.

« Je me félicite toujours d’avoir traversé la mer, parce que je voulais un avenir meilleur pour mes enfants. »

Un autre bateau était parti en mer plus tôt la nuit précédente, sans attendre que les vagues se calment. Le lendemain, Soraya a appris que toutes les personnes à bord de ce bateau étaient mortes.

Changement d’avis

Après avoir vécu dans des abris de fortune et différents camps de réfugiés pendant un an, la famille a été transférée dans un appartement à Athènes.

En arrivant en Grèce, leur objectif était de continuer leur route et de demander l’asile dans un autre pays européen.

« Mais j’ai alors rencontré de nombreux Grecs à Athènes et j’ai vu à quel point ils étaient gentils avec les réfugiés », a déclaré Soraya.

L’accueil chaleureux des habitants lui a donné espoir. Elle veut apprendre le grec et peut-être, lorsque sa demande d’asile aura été traitée, être chez elle en Grèce.

À Athènes, elle a rencontré de nombreuses autres femmes qui ont fui leur pays et qui sont également confrontées à l’incertitude effrayante de ne pas savoir ce que l’avenir leur réserve. Certaines d’entre elles se tournent vers le réseau Melissa, un centre d’accueil destiné exclusivement aux femmes, où Soraya suit des cours de langue et bénéficie d’un soutien depuis presque deux ans.

D’après Soraya, partager leurs expériences leur donne de la force. De plus, elle nous a dit que sa façon de penser avait progressivement changé ces dernières années. Quelque chose en elle a changé cette nuit sur la côte turque. En s’opposant aux passeurs, elle a réalisé qu’elle méritait d’être écoutée.

Aujourd’hui, elle veut que d’autres femmes comprennent qu’elles ont des droits pour lesquels elles doivent se battre et qu’elles devraient toutes pouvoir exprimer leur opinion.

« Ce dont je rêve pour moi et pour toutes les femmes, c’est que nous ayons la liberté de prendre nos propres décisions ».

Depuis mars 2017, Amnesty International s’est entretenue avec plus de 100 femmes et filles qui ont fui leur pays et vivent dans des camps et des appartements sur les îles grecques ou sur la péninsule grecque.

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Soraya veut un avenir sûr pour elle et sa famille. © Lene Christensen/Amnesty International
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