Qu’est-ce que le modèle économique fondé sur la surveillance des géants du numérique ?

google facebook

Vous avez peut-être déjà lu ou entendu que le modèle économique de Google et de Facebook est fondé sur la collecte et la monétisation de quantités colossales de données personnelles mais qu’est-ce que cela signifie exactement ?

Les services de Google et de Facebook dominent Internet : ces entreprises déploient des navigateurs (Chrome), des systèmes d’exploitation mobile (Android), des plateformes de partage de vidéos (YouTube), des services de messagerie (WhatsApp), des réseaux sociaux (Facebook, Instagram), ou encore des services tels que Google Maps, Google Search, Google Calendar et Google Photos.

Les publicitaires sont prêts à payer davantage pour des déductions et des prédictions détaillées à propos des utilisateurs. Ainsi, Google et Facebook cherchent constamment à découvrir de nouvelles informations nous concernant afin d’établir un profil aussi précis que possible. À partir de nos profils, il est possible de prédire notre état d’esprit, nos origines ethniques, notre orientation sexuelle, nos opinions politiques et nos faiblesses. En résumé, plus une publicité sera ciblée par rapport à votre profil, plus Facebook et Google gagneront d’argent.

Beaucoup d’entre nous ne voient pas d’inconvénient à fournir certaines informations à Google et à Facebook en échange de l’accès à leurs plateformes. Ce qui pose problème, c’est qu’en réalité ces entreprises nous pistent de manière bien plus intrusive que ce que nous croyons et exercent de la sorte une surveillance ubiquitaire de nos vies numériques.

Jusqu’où vont Google et Facebook dans leurs activités de pistage ?

Si Facebook et Google sont en mesure de nous pister de manière aussi intrusive, c’est en partie parce que ces deux géants dominent le monde numérique, ce qui signifie qu’il est presque impossible d’échapper à leur suivi.

Par exemple, la plupart des smartphones fonctionnent avec le système d’exploitation Android de Google. Une étude [1] a révélé qu’en veille, un téléphone Android envoie 900 points de données à Google en 24 Une étude de 2018 [2] a révélé que les traceurs de Facebook sont intégrés dans près de la moitié des applications Android gratuites. Les traceurs de la société mère de Google, Alphabet, sont intégrés dans près de 90 % des applications Android gratuites. Les deux entreprises contrôlent en permanence la navigation des utilisateurs sur les sites Web : une étude de 2020 [3] indique que des traceurs de Google sont intégrés à 86 % de 50 000 principaux sites web.

Quels sont les types de données collectées ?

En créant un compte Google, vous fournissez certaines informations personnelles à Google, telles que votre nom et votre mot de passe. Cependant, Google suit également tout un éventail d’activités : les lieux où vous vous rendez, vos achats, toutes vos activités sur la toile au moyen de Chrome, toutes les recherches effectuées en étant connecté à Google, toutes les activités au sein des applications de Google, toutes les commandes à l’assistant Google, et les recherches et l’historique des vidéos que vous avez consultées sur YouTube.

« Google suit également tout un éventail d’activités : les lieux où vous vous rendez, vos achats, toutes vos activités sur la toile au moyen de Chrome »

Par défaut, Google enregistre l’historique des recherches (y compris les recherches supprimées) sur tous les appareils d’un utilisateur, des données sur toutes les applications et extensions utilisées et tout son historique YouTube.

De la même manière, Facebook collecte une quantité colossale de données au sujet des utilisateurs de sa plateforme, notamment en lien avec les contenus publiés, telles que la localisation d’une photo ou la date à laquelle un dossier a été créé. Selon la politique relative à la vie privée de Facebook, l’entreprise collecte également des données relatives aux personnes avec lesquelles les utilisateurs communiquent le plus et les pages, les comptes, les hashtags et les groupes avec lesquels ils ont un lien.

Facebook peut vous suivre au moyen des navigateurs web, des identifiants d’utilisateur, des ouvertures de session consécutives, de l’heure de connexion et en fonction des onglets de discussion ouverts. Même lorsque vous ne naviguez pas sur Facebook, Facebook surveille ce que vous faites.

« Facebook collecte également les données de personnes qui n’ont même pas de compte Facebook. L’entreprise détient WhatsApp et Instagram et elle peut extraire des données depuis ces plateformes »

Facebook collecte également les données de personnes qui n’ont même pas de compte Facebook. L’entreprise détient WhatsApp et Instagram et elle peut extraire des données depuis ces plateformes. Comme c’est le cas pour Google, le champ d’action de Facebook va bien au-delà de la seule application Facebook. Ces deux entreprises sont au cœur de la publicité numérique, elles pistent les personnes dans tout l’univers numérique et associent les données et les informations obtenues par le biais de leurs plateformes.

Ces entreprises peuvent collecter des informations sur à peu près tous les aspects de nos vies, et elles cherchent en permanence à aller plus loin, y compris en s’immisçant dans nos pensées les plus profondes avec des innovations telles que les interfaces cerveau-machine.

Prédire notre comportement

En mettant en œuvre de telles pratiques en matière de collecte de données, Google et Facebook sont en mesure de déduire des informations nous concernant que nous ne leur avons pas transmises consciemment ou volontairement.

Il s’agit notamment de détails tels que nos loisirs, des informations relatives à notre carrière, nos centres d’intérêt, notre localisation, notre statut amoureux, une estimation de notre poids, nos revenus, les personnes avec qui nous échangeons et l’heure à laquelle nous nous couchons. Cela peut aller jusqu’à des informations extrêmement personnelles et privées [4], tels que le fait d’avoir effectué une recherche relative au soutien possible en cas d’inceste/de violences, à l’incontinence, à l’infertilité, à la santé psychologique ou aux maladies sexuellement transmissibles.

Tous ces détails sont compilés en vue de créer un profil détaillé qui pourra ensuite servir à nous proposer des publicités ciblées.

On peut même être ciblé en fonction de ses faiblesses.

Vous avez cherché « aide financière » sur Google ? Une publicité pour une société de crédit apparaitra sur votre écran.

Vous avez regardé une vidéo sur la santé psychologique sur YouTube ? Une publicité pour des antidépresseurs apparaîtra sur votre écran.

Vous avez récemment indiqué être « célibataire » dans la catégorie « situation amoureuse » de votre profil sur Facebook ? Une publicité pour une application de rencontres apparaîtra sur votre écran.

« [L’] objectif de[s] bénéfices pousse les plateformes à trouver de nouveaux moyens d’obtenir encore davantage d’informations personnelles »

Avec les systèmes d’intelligence artificielle, il n’a jamais été aussi facile pour les entreprises de faire des prédictions nous concernant. En 2018, Facebook a déclaré [5] qu’un de ses cadres d’apprentissage automatique effectuait jusqu’à 200 billions de prédictions par jour. Ces prédictions sont utilisées en vue de nous envoyer des publicités ciblées. Les plateformes comprennent nos comportements et les détails formant notre vie sont utilisés pour générer des bénéfices. Et cet objectif de bénéfices pousse les plateformes à trouver de nouveaux moyens d’obtenir encore davantage d’informations personnelles nous concernant.

Le modèle économique de Facebook et de Google est fondé sur une surveillance ubiquitaire de nos vies numériques, laquelle constitue une attaque à l’encontre de notre droit à la vie privée et menace toute une série d’autres droits. Nos vies sont liées à Internet. Il est donc crucial que nos droits humains soient protégés en ligne.

Au regard des bénéfices colossaux en jeu, on ne saurait compter sur les géants du numérique pour encadrer eux-mêmes leur conduite. Les gouvernements doivent intervenir et veiller à la prise en compte des droits humains lors de l’élaboration de lois ayant une incidence sur le secteur des technologies afin que toute personne puisse accéder à Internet et jouir de ses droits humains.

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