UE : Le projet de code de conduite pour les sauvetages en mer menace des vies

Des milliers de réfugiés et migrants supplémentaires pourraient risquer de se noyer en mer si un aberrant code de conduite pour les organisations non gouvernementales menant des opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale est appliqué, ont déclaré le 12 juillet 2017 Amnesty International et Human Rights Watch, après avoir examiné une version divulguée du texte.

« Le pire est que la proposition de code de conduite pour les ONG qui sauvent des vies en Méditerranée pourrait mettre des vies en danger. Les tentatives de limiter les opérations vitales de recherche et de sauvetage risquent de menacer des milliers de vies, en empêchant les navires de sauvetage d’accéder aux eaux dangereuses près de la Libye », a déclaré Iverna McGowan, directrice du bureau d’Amnesty International auprès des institutions européennes.

Le code de conduite rédigé par l’Italie avait d’abord été proposé lors d’une réunion informelle du Conseil Justice et affaires intérieures de l’Union européenne le 6 juillet 2017.

Le projet de code de conduite entraverait le travail des ONG menant des opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale car :

• Il les empêcherait d’accéder aux eaux territoriales libyennes pour y mener des sauvetages

• Il leur interdirait d’utiliser des signaux lumineux pour indiquer leur position aux embarcations risquant de sombrer

• Il les forcerait à retourner au port pour débarquer les réfugiés et les migrants, au lieu de leur permettre de transférer les personnes sauvées vers d’autres navires en mer si nécessaire. Cela forcerait les équipes de recherche et de sauvetage des ONG à se retirer pour de longues périodes des zones où leur intervention est nécessaire, ce qui exposerait encore plus de personnes à des risques de se noyer en Méditerranée centrale

Le projet menace d’empêcher les navires d’ONG de débarquer en Italie si elles ne signent pas le code ou ne respectent pas ses dispositions.

Tout code de conduite, s’il est nécessaire, doit avoir pour objectif de rendre les opérations de sauvetage en mer plus efficaces pour sauver des vies, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch. Il doit être adopté en consultation avec les groupes participant aux opérations de recherche et de sauvetage en mer, doit être appliqué à tous les navires menant des opérations de sauvetage en Méditerranée, et ne doit pas concerner le débarquement.

Amnesty International et Human Rights Watch pensent que le code de conduite pourrait, dans certains cas, entraver les opérations de sauvetage et retarder les débarquements dans des lieux sûrs dans un délai raisonnable, ce qui bafoue les obligations des États et des capitaines de navires au titre du droit international de la mer.

Le code de conduite pour les ONG proposé par l’Italie intervient alors qu’une campagne de diffamation a été lancée contre ces groupes, et coïncide avec la demande de l’Italie réclamant un plus grand partage des responsabilités en matière de sauvetage et de débarquement entre les États membres de l’Union européenne. L’UE et ses États membres n’ont pas fourni à l’Italie et à d’autres pays en première ligne le soutien et l’aide dont ils ont besoin. Au lieu de cela, l’UE s’est concentrée sur l’entraînement des gardes-côtes libyens, avec l’appui du gouvernement d’union nationale soutenu par les Nations unies, afin de renforcer leurs capacités à intercepter les embarcations. Amnesty International et Human Rights Watch ont recueilli des informations sur les comportements dangereux et violents des gardes-côtes libyens.

« Les ONG sauvent des gens en Méditerranée parce que l’UE ne le fait pas », a déclaré Judith Sunderland, directrice adjointe du programme Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Étant donné l’ampleur des tragédies en Méditerranée et les terribles violences dont sont victimes les migrants et les demandeurs d’asile en Libye, l’UE devrait travailler avec l’Italie pour renforcer les opérations de recherche et de sauvetage en mer au large des côtes libyennes, pas pour les limiter. »

Complément d’information

Le 12 juillet, la Commission des Libertés Civiles du Parlement européen a organisé un « échange de points de vue sur les recherches et le sauvetage en Méditerranée » entre des membres du Parlement européen, les gardes-côtes italiens, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX) et des ONG.

Plus de 2 000 personnes sont mortes en Méditerranée centrale depuis janvier 2017 d’après l’Organisation internationale pour les migrations.

La semaine dernière, Amnesty International a publié un nouveau rapport (en anglais) intitulé A Perfect Storm, expliquant que les politiques défaillantes de l’UE contribuent à cette augmentation du nombre de morts et aux violences dont sont victimes des milliers de réfugiés et de migrants dans les centres de détention libyens. Le 19 juin, Human Rights Watch a publié un rapport détaillé sur le manque de moyens des gardes-côtes libyens pour mener de manière sûre des opérations de recherche et de sauvetage.

Depuis la fin de l’opération italienne « Mare Nostrum » en 2014, les ONG ont secouru plus de 80 000 réfugiés et migrants traversant la Méditerranée entre la Libye et l’Italie.

Lors d’une conférence de presse à Bruxelles le mardi 4 juillet, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations ont critiqué la proposition de code de conduite pour les ONG.

Deux commissions parlementaires en Italie ont mené des études cette année et ont conclu que les ONG n’avaient pas commis de faute en menant leurs opérations de recherche et de sauvetage et en contribuant aux activités de recherche et de sauvetage. Les gardes-côtes italiens et la Marine italienne ont indiqué estimer que les ONG les avaient aidés et avaient coopéré avec eux.

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