Tanzanie, les personnes physiques ne peuvent plus saisir la Cour africaine

L’État tanzanien a retiré aux personnes physiques et aux organisations non gouvernementales (ONG) le droit de saisir directement la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples siégeant à Arusha, a établi Amnesty International.

Ce retrait privera les particuliers et les ONG de Tanzanie d’un accès vital à la justice, dans un pays où le système judiciaire est profondément défaillant.

«  Cette mesure empêche concrètement les personnes physiques et les ONG du pays de saisir directement la Cour pour obtenir réparation en cas de violations des droits humains, ce qui relève d’une tentative évidente et cynique de la part de l’État d’échapper à son obligation de rendre des comptes, a déclaré Japhet Biegon, coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique à Amnesty International.

« C’est une preuve de plus de l’hostilité croissante du gouvernement tanzanien à l’égard des droits humains et de leurs défenseur·e·s. Cela porte atteinte à l’autorité et à la légitimité de la Cour africaine et trahit purement et simplement la démarche de l’Afrique visant à instaurer un organe régional de protection des droits humains fort et crédible qui soit capable d’administrer la justice et de rendre des comptes. »

La Tanzanie est le deuxième pays après le Rwanda à retirer aux personnes physiques et aux ONG le droit de saisir directement la Cour africaine, organe judiciaire capital sur le continent face à l’ingérence des États dans les systèmes judiciaires nationaux.

De plus, elle est celui qui fait l’objet du plus grand nombre d’affaires introduites par des particuliers et des ONG et de jugements défavorables prononcés par la Cour africaine. Sur les 70 décisions rendues par cette juridiction jusqu’en septembre 2019, 28 (soit 40 %) concernaient la Tanzanie.

De même, la plupart des affaires pendantes devant la Cour africaine mettent en cause la Tanzanie et portent sur des violations présumées du droit à un procès équitable, ce qui met en évidence un problème systémique en matière de justice dans ce pays.

Le 28 novembre, la Cour africaine a statué qu’une section du Code pénal tanzanien, prévoyant une condamnation automatique à la peine de mort pour certaines infractions, non seulement bafouait le droit à un procès équitable et sapait l’indépendance du pouvoir judiciaire mais constituait également une violation du droit à la vie.

« Les nombreuses procédures engagées à l’encontre de la Tanzanie devant la Cour africaine montre que ce pays ne fournit absolument pas de recours adapté et efficace aux victimes de violations des droits humains à l’échelon national, a déclaré Japhet Biegon.

« Étant donné qu’elle accueille le siège de la Cour africaine, la Tanzanie doit montrer l’exemple et revenir sur sa décision de retirer sa déclaration, ce qui témoignerait de son appui et de son engagement en faveur de la réussite de cette juridiction. Il faut également qu’elle renforce son système judiciaire afin que les victimes de violations des droits humains aient accès à la justice au niveau national. »

Complément d’information

Le ministre tanzanien des Affaires étrangères et de la Coopération en Afrique de l’Est, Palamagamba Kabudi, a signé l’avis de retrait de la déclaration relevant de l’article 34(6) du Protocole relatif à la Cour africaine le 14 novembre 2019. La notification a été envoyée à l’Union africaine le 21 novembre.

La décision de la Tanzanie de retirer sa déclaration intervient à peine un mois après qu’Amnesty International a publié un rapportindiquant une intensification de la répression exercée par le régime du président John Magufuli.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit