SWAZILAND - Les forces de police ne sont toujours pas tenues de rendre compte de leurs actes

Index AI : AFR 55/001/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Ce vendredi 20 janvier 2006, Amnesty International a une nouvelle fois demandé au gouvernement du Swaziland de prendre sans délai des mesures concrètes afin de prévenir les actes de torture et les exécutions illégales dont se rendent responsables les forces de police à l’encontre de suspects de droit commun et d’opposants politiques.

Dans une lettre adressée au chef de l’État, le roi Mswati III, Amnesty International s’est déclarée préoccupée par le manque de détermination dont continue de faire preuve le gouvernement dans la lutte contre la torture, au mépris des obligations qui incombent au Swaziland en vertu des traités régionaux et internationaux relatifs aux droits humains qu’il a ratifiés et de la nouvelle Déclaration des droits inscrite dans la Constitution. Certains détenus actuellement jugés pour trahison affirment avoir été torturés, ce qui met une nouvelle fois en évidence l’inaction du gouvernement qui persiste à ne pas amener les policiers à rendre compte de leurs actes.

En s’abstenant de prendre des mesures afin de prévenir la torture et les mauvais traitements, de mener dans les meilleurs délais des enquêtes impartiales sur les allégations de torture et de mauvais traitements ou de traduire les responsables présumés en justice, le gouvernement fait fi de la nouvelle Déclaration des droits, des conclusions des experts indépendants et des coroners (officiers de justice chargés de faire une enquête en cas de mort violente, subite ou suspecte), des critiques des représentants de l’appareil judiciaire sur la conduite des policiers, et des décisions de justice reconnaissant le bien-fondé des demandes de réparation soumises par les victimes d’atteintes aux droits humains. En outre, il reste sourd aux appels des organisations de la société civile, qui demandent que les forces de police respectent les normes internationales relatives aux droits humains.

Par ailleurs, les assurances données à Amnesty International par le Premier ministre, Absalom Themba Dlamini, au cours d’une réunion en février 2005 à Londres, sont restées lettre morte. Il avait reconnu l’existence de violences policières et déclaré que le gouvernement s’appuierait sur les recommandations, alors tout juste rendues publiques, de la coroner qui avait enquêté sur la mort en garde à vue de Mandlenkhosi Ngubeni. La coroner avait prouvé que cet homme, entre autres, avait été torturé, notamment en étant asphyxié. À la connaissance d’Amnesty International, aucune investigation complémentaire n’a été menée et aucune poursuite n’a été engagée contre les auteurs présumés. Au contraire, le gouvernement a nié toute responsabilité dans la mort de Mandlenkhosi Ngubeni lorsque sa famille a intenté une action civile.

Dans sa lettre à Mswati III, Amnesty International a admis que son gouvernement se devait d’assurer la sécurité publique et d’enquêter sur les crimes, y compris sur la série d’attaques au cocktail Molotov menées contre des infrastructures gouvernementales fin 2005. L’organisation s’est adressée dans les mêmes termes au Premier ministre dans une lettre datée du 16 décembre 2005. Cependant, elle a souligné que, si ces événements avaient causé des préjudices corporels et matériels, cela ne donnait pas carte blanche au gouvernement ni à la police pour fouler aux pieds l’interdiction de la torture inscrite dans la nouvelle Constitution et les traités relatifs aux droits humains. En vertu du droit international relatif aux droits humains, l’interdiction de la torture ou de tout autre mauvais traitement est absolue. Aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture ou les mauvais traitements.

Au mépris de ces obligations, le gouvernement du Swaziland s’est abstenu de surveiller efficacement le système de maintien de l’ordre, de mener systématiquement et dans les meilleurs délais, pour toute plainte, une enquête impartiale et de poursuivre en justice les policiers soupçonnés d’actes de torture, de fautes lourdes ou d’exécutions illégales. Aussi les policiers ont-ils été encouragés à agir, dans le cadre de leurs enquêtes judiciaires, de manière irresponsable et avec un sentiment d’impunité. Dans cette situation, le gouvernement ne protège pas les droits fondamentaux de ses citoyens.

La vague d’arrestations qui a démarré en décembre a débouché sur l’incarcération et l’inculpation de 16 personnes pour trahison et tentative de meurtre concomitantes aux attaques. La police aurait torturé certains prisonniers, allant jusqu’à les blesser - mortellement pour l’un d’entre eux. Certains ont dénoncé ces brutalités policières lors du procès, amenant au moins un magistrat à ordonner aux policiers de conduire la victime à l’hôpital pour qu’elle soit examinée et soignée. Les prisonniers ont notamment été asphyxiés, au moyen d’un tuyau en caoutchouc, méthode que la coroner avait condamnée un an auparavant dans ses conclusions sur l’affaire de Mandlenkhosi Ngubeni. Toutefois, rien n’indique que le gouvernement a décrété l’ouverture d’une enquête indépendante, impartiale et devant être rendue publique sur ces allégations. Il ne semble pas non plus avoir ordonné une enquête du coroner sur la mort d’une jeune détenue, Fikile Fakudze, maintenue en garde à vue et décédée peu après sa remise en liberté.

Amnesty International a fait part au roi de son inquiétude, des preuves arrachées sous la torture ou d’autres mauvais traitements risquant d’être retenues par le tribunal qui examinera l’affaire des 16 accusés. Aux termes du droit international, tout élément de preuve - y compris les « aveux » des accusés - obtenu par la torture ou tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant ne peut être invoqué dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture. En outre, comme l’a fait valoir le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, « lorsqu’un accusé formule des allégations de torture ou d’autres formes de mauvais traitements au cours de son procès, la charge de la preuve revient au ministère public qui devra prouver au-delà de tout doute raisonnable que les aveux n’ont pas été obtenus par des méthodes illégales, y compris la torture et des mauvais traitements analogues ».

Dans ses lettres adressées au roi et au Premier ministre, Amnesty International a rendu hommage à un haut gradé de la police qui a contribué à faire respecter les droits internationalement reconnus de la famille de Charles Mabuza, jeune homme victime en mai 2005 d’une exécution illégale imputable à la police. Celle-ci avait alors rejeté la responsabilité de sa mort sur son frère. L’autopsie officielle avait été menée en toute hâte et sous la pression de la police, en ignorant le droit de la famille d’être tenue informée et de déléguer un représentant lors de la procédure. Quelques jours plus tard, ce policier de haut rang a veillé à ce que la famille, par le biais de son représentant, puisse faire procéder à une seconde autopsie par un spécialiste indépendant. D’après les résultats, les policiers étaient responsables de la mort de Charles Mabuza. À la connaissance d’Amnesty International, le gouvernement n’a toujours pas déféré à la justice les responsables présumés, pas plus qu’il n’a accordé à la famille une réparation juste et adaptée.

Enfin, Amnesty International a engagé le roi et son gouvernement à condamner clairement les actes de torture et les traitements ou sanctions cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que les exécutions illégales, dont se rendent responsables les policiers. Les autorités doivent veiller à ce que les opérations policières soient menées dans le respect des obligations qui incombent au Swaziland de promouvoir et protéger les droits humains - ce qui leur permettra aussi d’assurer plus efficacement la sécurité de la population.

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