Swaziland. La loi sur la suppression du terrorisme représente un danger pour les droits humains

Déclaration publique

AFR 55/002/2009 (Public) -
ÉFAI

Amnesty International et l’Institut des droits humains de l’Association internationale du barreau (HRI-IBA) ont rendu public ce jeudi 8 janvier 2009 un rapport demandant l’abrogation ou la modification immédiate de la Loi relative à la suppression du terrorisme au Swaziland. Le gouvernement a commencé à appliquer cette nouvelle loi en novembre 2008, après une tentative d’attentat au Lozitha Bridge le 20 septembre.

Plusieurs dispositions de la loi sont imprécises et recouvrent un grand nombre de choses. Ajoutées aux avertissements du gouvernement qui a menacé de lourdes sanctions toute personne qui « s’associerait » à certains groupes, déclarés le 14 novembre « entités » terroristes au regard de la loi, elles contribuent à susciter une atmosphère d’incertitude et d’intimidation dans les rangs de nombreuses organisations de la société civile.

Amnesty International et le HRI-IBA s’inquiètent de constater que certaines dispositions clés de cette loi antiterroriste, par leur caractère intrinsèquement répressif, bafouent les obligations du Swaziland au regard du droit international et régional relatif aux droits humains et conduisent d’ores et déjà à la violation du droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion.

Les États ont le devoir de protéger toutes les personnes se trouvant sous leur juridiction, notamment en prenant des mesures pour empêcher que la population civile ne soit attaquée et pour la protéger. Le Swaziland a pris part à l’adoption, par l’Assemblée générale des Nations unies, de la Stratégie antiterroriste mondiale, condamnant fermement toutes les formes de terrorisme. La tentative d’attentat qui a eu lieu au pont Lozitha, au cours de laquelle deux des hommes impliqués ont été tués, est un objet légitime de préoccupation pour le gouvernement et une enquête approfondie ainsi qu’une procédure pénale devraient être engagées.

Amnesty International et le HRI-IBA soulignent également la nécessité absolue pour les États de veiller à ce que toutes les mesures antiterroristes soient appliquées conformément au droit international relatif aux droits humains. Cette exigence a été soulignée à de nombreuses reprises dans les déclarations et les rapports du Conseil de sécurité des Nations unies et des organes des Nations unies chargés de la question des droits humains.

Le rapport rendu public ce jeudi 8 janvier analyse certaines dispositions de la Loi relative à la suppression du terrorisme dans le cadre des obligations internationales et régionales du Swaziland en matière de droits humains.Les deux organisations concluent à l’incompatibilité de la loi avec les obligations du pays en matière de droits humains pour les raisons suivantes :

  l’absence de restriction de la définition d’ « acte terroriste » à la menace ou à l’usage effectif de violence contre des civils, ou à des actions entreprises avec un but politique ou idéologique sous-jacent, absence qui affecte la plupart des autres dispositions de la loi dont beaucoup dépendent de la définition ;

  la définition de ce qu’est un acte terroriste ne répond pas aux critères de légalité, c’est-à-dire qu’elle n’est pas consultable par tous, qu’elle n’est pas précise, qu’elle ne s’applique pas uniquement aux actes terroristes, qu’elle ne répond pas aux critères de non-discrimination et non-rétroactivité ;

  les infractions sont définies de façon si large et avec une telle imprécision qu’un grand nombre de droits fondamentaux - tels que la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’opinion et d’expression, la liberté d’association et de la liberté de réunion – s’en trouvent excessivement restreints – sans que ne soient respectés les critères de proportionnalité démontrable et de nécessité ;

  le renversement de la charge de la preuve pour les allégations d’appartenance à un groupe terroriste ;

  l’absence de voies de recours judiciaires effectifs et de garanties de procédure en réponse à des actions de l’exécutif, ce qui porte atteinte aux droits de la défense lors d’un procès équitable ;

  les restrictions imposées au rôle des tribunaux en lien avec la révision de la proscription de certaines organisations ;

  la disposition autorisant une détention au secret pouvant aller jusqu’à sept jours sans inculpation ni jugement, avec les risques de torture ou autres traitements cruels, inhumains et dégradants ainsi que les risques de disparition forcée que cela implique ;

  l’absence de garanties effectives dans la loi pour empêcher ces atteintes aux droits humains ; et

  la disposition accordant le pouvoir d’ordonner le renvoi du Swaziland d’une personne soupçonnée d’avoir enfreint la loi, sans garantie de procédure.

Au vu de ces conclusions, les deux organisations demandent instamment au gouvernement du Swaziland d’abroger ou de modifier immédiatement la Loi relative à la suppression du terrorisme et de protéger pleinement et de respecter les droits fondamentaux des personnes dans ses réponses aux actes de violence, y compris les actes que l’on soupçonne être des actes terroristes.

Les deux organisations recommandent également que les autorités prennent des mesures visant à améliorer le système juridique pénal préexistant et sa capacité à poursuivre les auteurs présumés d’actes de violence dans le respect des droits humains. S’il reste une nécessité démontrée d’établir une législation spécifique antiterroriste, le gouvernement devra s’assurer que la loi telle qu’elle aura été remaniée n’inclura que les mesures nécessaires et proportionnées à ce besoin spécifique et qu’elles seront consistantes avec les obligations du Swaziland en matière de droits humains. Elles ne devront être mises en œuvre qu’après une large consultation et des débats publics.

Enfin, les deux organisations encouragent le gouvernement à envisager de rechercher la coopération, les conseils et l’assistance technique du rapporteur spécial sur la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et d’autres organes similaires, afin de s’assurer que le Swaziland se conforme à ses obligations en matière de droits humains tout en remplissant ses autres obligations au titre de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations unies.

Amnesty International et le HRI-IBA ont envoyé leur rapport au gouvernement du Swaziland pour information et réponse avant publication. Dans un courrier envoyé le 7 janvier, le gouvernement a répondu en déclarant que sa Loi relative à la suppression du terrorisme était basée sur les dispositions législatives modèles élaborées par le secrétariat du Commonwealth avec l’accord du Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité des Nations unies. Amnesty International et le HRI-IBA, toutefois, maintiennent dans leurs conclusions que la Loi du Swaziland relative à la suppression du terrorisme n’est pas conforme aux obligations du pays au regard du droit international relatif aux droits humains. Comme cela est souligné dans la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations unies, les « mesures garantissant le respect des droits de l’homme et la primauté du droit [sont] la base fondamentale de la lutte antiterroriste. »

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