Suriname : Un projet de loi d’amnistie risque de compromettre le procès du président pour violations des droits humains

Le Parlement du Suriname doit rejeter un projet de loi d’amnistie qui permettrait au président du pays de se soustraire à une enquête portant sur des violations flagrantes des droits humains commises par le passé, a déclaré Amnesty International vendredi 23 mars.

Le procès du président Dési Bouterse, qui est accusé de l’enlèvement et du meurtre d’opposants – datant de décembre 1982, alors qu’il était chef des armées –, pourrait être abandonné si cette loi d’amnistie est adoptée. Le projet devait faire l’objet de débats au Parlement vendredi 23 mars.

Dési Bouterse a été élu président en 2010 mais est accusé de violations des droits humains, commises lors de ses deux passages précédents à la tête de l’État, entre 1980 et 1991.

Le projet de loi, soumis par le gouvernement de coalition de Dési Bouterse, prévoit l’immunité pour les violations commises « dans un contexte de défense de l’État » alors qu’il était au pouvoir pour la première fois.

« Ceci est une tentative flagrante du président Bouterse de se soustraire à l’enquête sur les atteintes aux droits humains perpétrées sous son régime et de priver de justice ses victimes et leur famille », a déploré Javier Zuñiga, conseiller spécial d’Amnesty International.

« Ce projet de loi est contraire au droit international, qui dispose que les amnisties ne sauraient s’appliquer aux responsables de violations flagrantes des droits humains, notamment les exécutions judiciaires. »

Des membres de son parti de coalition, Méga Combinaison, ont présenté le texte lundi 19 mars et annoncé qu’il serait adopté par le Parlement avant la fin de la semaine.

Amnesty International estime qu’il doit être abandonné ou modifié de sorte que les crimes de droits international et les violations des droits humains ne soient pas inclus.

« Les crimes de droit international ne doivent pas faire l’objet d’amnisties. Et faire adopter une loi d’amnistie pour des violations de droits humains avant un procès revient à s’auto-amnistier, ce qui est inacceptable », a indiqué Javier Zuñiga.

« Le Suriname a l’obligation d’enquêter sur ce type de crimes et de poursuivre les personnes dont la responsabilité pénale serait engagée. »

Une procédure a été ouverte contre Dési Bouterse et 24 de ses collaborateurs en novembre 2007, mais elle a enregistré de nombreux retards.

Les accusés se voient reprocher l’exécution extrajudiciaire de 15 opposants au régime militaire, en décembre 1982. Certaines informations reçues par Amnesty International à l’époque indiquaient que les victimes avaient été abattues après avoir été torturées.

Dési Bouterse a nié avoir ordonné ces homicides mais sa version des faits a été contredite par l’unique rescapé, le syndicaliste Fred Derby, qui est mort en mai 2001.

Dési Bouterse est arrivé au pouvoir une première fois en 1980 à la faveur d’un coup d’État. Il a permis le rétablissement d’un régime civil en 1987, mais a mené un second coup d’État en 1990 – s’arrogeant le pouvoir pour une année supplémentaire.

Un tribunal néerlandais l’a reconnu coupable en 1999 de trafic de cocaïne entre le Suriname et les Pays-Bas, mais il a évité une peine de prison car, aux termes du droit surinamien, il ne peut être extradé.

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