Somalie : Expulsions forcées de milliers de personnes ayant fui le conflit et la sécheresse

Amnesty International a analysé récemment des images satellites qui fournissent la première vue d’ensemble des démolitions qui ont eu lieu fin décembre dans la banlieue de la capitale somalienne, Mogadiscio, pendant des expulsions forcées. Des milliers de structures, y compris des écoles, avaient alors été détruites et plus de 4 000 familles s’étaient retrouvées subitement sans abri.

Aucun avertissement n’a été lancé avant que des bulldozers, accompagnés d’hommes armés, ne rasent les lieux les 29 et 30 décembre 2017, selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et Save the Children [1]. Des organismes des Nations unies ont indiqué que ces expulsions forcées avaient privé de logement plus de 24 000 personnes déplacées, dont 3 000 enfants.

Amnesty International a analysé des images satellites prises avant, pendant et après les démolitions, qui montrent clairement que des milliers de structures ont été réduites à l’état de gravats en deux jours. Un membre du personnel des Nations unies spécialisé dans l’humanitaire a déclaré que des infrastructures de base, comme des latrines, des écoles et des maisons de quartier, avaient été détruites.

" Ces images satellites donnent une vue aérienne qui fait apparaître l’ampleur choquante des expulsions forcées qui ont détruit les biens, les habitations et les moyens d’existence de milliers de familles fragiles, a déclaré Sarah Jackson, directrice adjointe du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnesty International.

" Les expulsions forcées constituent toujours une violation des droits humains et exposent inévitablement des personnes qui se trouvent déjà dans une situation extrêmement précaire à des risques encore plus grands. Ces démolitions sont d’autant plus cruelles que, parmi les milliers de personnes concernées, nombreuses sont celles qui ont trouvé refuge tout récemment à Mogadiscio, après avoir fui l’insécurité, la sécheresse et la famine imminente dans d’autres régions de Somalie. "

Les expulsions forcées sont un problème de longue date sur l’ensemble du territoire. D’après les chiffres cités par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) [2] , 155 000 personnes en moyenne ont été expulsées chaque année depuis 2015. En général, ces expulsions ne font suite à aucun préavis ni consultation et aucune solution de relogement n’est prévue.

Le 17 janvier, Gamal Hassan, ministre somalien de la Planification, des Investissements et du Développement économique, a annoncé qu’une enquête serait menée sur les expulsions forcées qui ont eu lieu récemment.

" Il est encourageant de voir que les autorités somaliennes se sentent concernées et de les entendre promettre une enquête. Il n’en demeure pas moins nécessaire qu’elles en fassent davantage pour mettre fin au cauchemar récurrent que les expulsions forcées font vivre aux personnes déplacées en Somalie, a déclaré Sarah Jackson.

" Si des personnes déplacées doivent être relocalisées, cela ne peut être qu’une fois toutes les autres solutions étudiées, en véritable concertation avec les intéressés, et à condition que des logements convenables et sûrs soient fournis en remplacement. "

Amnesty International appelle l’État somalien à empêcher toute expulsion tant que les garanties requises ne seront pas en place, conformément à ses obligations au titre de la Convention de Kampala et d’autres traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains qu’il a ratifiés. Il faut que les victimes d’expulsions forcées antérieures obtiennent réparation pour les violations des droits humains qu’elles ont subies, notamment une indemnisation suffisante et un nouveau logement.

Des vies brisées par le conflit et la sécheresse

La Somalie est déchirée par un conflit depuis plusieurs décennies. Entre janvier 2016 et octobre 2017, la Mission d’assistance des Nations unies en Somalie (MANUSOM) [3] » a dénombré quelque 4 585 victimes. Le groupe armé Al Shabaab contrôle une partie importante du territoire et mène des attaques sans discrimination, qui ont fait des centaines de morts et de blessés parmi la population civile rien que l’année passée.

Dans ce contexte d’insécurité, la situation humanitaire en Somalie continue de se détériorer. Le pays est en proie à une terrible sécheresse et la famine continue de menacer. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), plus de la moitié de la population a besoin d’une aide humanitaire.

Ces différents facteurs ont déclenché des déplacements massifs de population. En janvier 2018, on comptait en Somalie 2,1 millions de personnes déplacées. Beaucoup s’entassent dans des zones urbaines, soumettant les ressources à une forte pression. Par ailleurs, le manque d’eau potable a déclenché une épidémie de choléra qui a fait au moins 1 155 victimes entre janvier et juillet 2017.

Complément d’information

Dans plusieurs rapports, Amnesty International a réuni des informations sur des expulsions forcées de personnes déplacées qui s’étaient déroulées à grande échelle à Mogadiscio (septembre 2013) et a décrit la perspective sombre de l’insécurité, de la sécheresse et de la faim qui attendait les personnes contraintes sous la pression à quitter le camp de réfugiés de Dadaab, au Kenya voisin, pour retourner en Somalie (décembre 2017).

La Somalie a pourtant ratifié un certain nombre de traités concernant les droits humains, comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui à la fois garantissent les droits économiques, sociaux et culturels et interdisent les expulsions forcées.

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