Communiqué de presse

Somalie : des milliers de déplacés dans une situation de plus grande vulnérabilité après les expulsions forcées à Mogadiscio

Plusieurs milliers de personnes sont expulsées par la force de campements de fortune installés à Mogadiscio, dans le cadre des projets d’assainissement de la capitale que continue de mettre en œuvre le gouvernement, a déclaré Amnesty International dans un rapport rendu public vendredi 13 septembre. Les expulsions forcées se sont poursuivies et se sont même accélérées ces derniers mois alors que les autorités se sont montrées incapables de proposer un autre lieu sûr où reloger ces personnes.

« Il est absolument inacceptable que des personnes qui ont rejoint la capitale en quête de protection soient expulsées de force. Cette situation s’est traduite par de très nombreuses atteintes aux droits fondamentaux. Le gouvernement a le devoir de protéger ce pan vulnérable de la société et d’assurer sa sécurité », a déclaré Gemma Davies, chercheuse d’Amnesty International sur la Somalie.

En raison de la sécheresse cyclique, de la famine et du conflit armé qui dure depuis 20 ans et qui a déjà fait plusieurs centaines de milliers de victimes, plus de 300 000 personnes ont trouvé refuge dans des campements, à Mogadiscio.

En janvier 2013, le gouvernement somalien a annoncé un plan de réinstallation de plusieurs centaines de milliers de personnes déplacées dans le pays qui vivent actuellement à Mogadiscio vers des camps situés en périphérie de la capitale, dans le but de libérer de l’espace pour des projets de reconstruction et d’aménagement urbains.

Ce plan présentait de nombreuses carences en termes de processus, de calendrier et de choix des zones de réinstallation, qui n’étaient pas des zones sûres.

« Même si la sécurité s’est quelque peu améliorée, de vastes zones de Mogadiscio restent très dangereuses, en particulier celles que le gouvernement n’a pas réussi à reprendre entièrement sous sa coupe. Et les sites de réinstallation des personnes déplacées se trouvent dans ces zones », a expliqué Gemma Davies.

Les travaux d’aménagement entrepris à Daynille, site de réinstallation situé au nord de la ville, ont été suspendus en raison de préoccupations en matière de sécurité. Pourtant, les expulsions forcées n’ont pas cessé et sont même allées crescendo ces dernières mois, même si aucun autre lieu de relogement sûr n’a été trouvé.

Ces dernières semaines, les chercheurs d’Amnesty International à Mogadiscio se sont entretenus avec plusieurs dizaines de personnes déplacées qui avaient été expulsées des campements situés dans le centre-ville de la capitale, sans préavis suffisant et souvent par la force.

Âgée de 60 ans, Fatima travaille au marché de Bakara, dans le centre-ville de Mogadiscio. Elle a raconté à Amnesty International ce qui s’était passé.

« Vers 8 heures du matin, mes enfants m’ont appelée pour me dire que notre abri avait été détruit et qu’ils étaient dehors. Lorsque je suis arrivée, il ne restait plus rien. Il y avait encore quatre hommes armés sur place, mais tout avait été démoli. Je me suis assise par terre, je ne savais pas quoi faire. J’ai pratiquement tout perdu. J’ai reconstruit un abri de fortune, dans la même zone. Je ne sais pas quoi faire. Je n’ai nulle part où aller », a-t-elle expliqué.

À Mogadiscio, les délégués d’Amnesty International ont pu constater qu’un grand nombre d’abris avaient été détruits : le sol était jonché de morceaux de toiles et de bâches plastique utilisées pour construire ces abris.

Le 14 août 2013, un enfant de 8 ans et une mère de 9 enfants ont été tués lorsque des membres des forces armées ont ouvert le feu en réponse à une manifestation organisée par des habitants menacés d’expulsion.

Amnesty International engage le gouvernement somalien à suspendre toutes les expulsions tant que les garanties nécessaires ne seront pas en place, conformément aux obligations qui sont les siennes au regard du droit international relatif aux droits humains. Lorsque des personnes déplacées doivent être réinstallées, il est impératif que des solutions de relogement sûres et satisfaisantes leur soient proposées.

« Depuis plusieurs dizaines d’années, les Somaliens sont forcés à se déplacer d’un endroit à l’autre à cause du conflit, de la famine et de la sécheresse, a expliqué Gemma Davies.

« Aujourd’hui, le pays dispose enfin d’un gouvernement central – il est grand temps qu’il concentre ses efforts sur une solution durable pour les déplacés dans le pays, solution qui permette à ces personnes d’être incluses dans le processus de reconstruction de la Somalie. »

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