SLOVAQUIE : Troubles en Slovaquie orientale

Index AI : EUR 72/002/2004
ÉFAI

Lundi 8 mars 2004

Devant les troubles récents survenus en Slovaquie orientale et impliquant
des membres de la communauté rom, Amnesty International a exprimé son
inquiétude au Premier ministre MikulበDzurinda : ces événements n’auraient
pas seulement été provoqués par des changements de politique sociale, mais
aussi par l’inertie des autorités slovaques dans la lutte contre la
discrimination anti-rom. Amnesty International s’inquiète particulièrement
des allégations persistantes de torture et de mauvais traitements infligés
aux Roms par les agents du maintien de l’ordre, mais aussi des cas de
violence raciste contre laquelle les Roms n’ont pas reçu de protection
adéquate. Dans une lettre adressée au gouvernement slovaque le 5 mars 2004,
Irene Khan a rappelé que l’organisation lui avait à plusieurs reprises
exprimé ses préoccupations devant l’impunité apparente dont jouissent les
policiers commettant des violences au cours d’opérations dans des campements
roms ; cette impunité encourage d’autres violations des droits humains ; en
ne condamnant pas publiquement un tel comportement policier, le gouvernement
crée une atmosphère favorable à la violence raciste, cette grave violation
des droits humains qui affecte les Roms et autres ressortissants étrangers
en Slovaquie.

Amnesty International s’est également inquiétée de voir que très peu
d’enquêtes sont menées sur de tels événements, avec la promptitude,
l’indépendance, l’exhaustivité et l’impartialité requises par l’article 12
de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’organisation estime que
l’impunité policière contribue à donner à de nombreux Roms vivant en
Slovaquie le sentiment qu’ils ne bénéficient pas d’une protection égale aux
yeux de la loi. Amnesty International se demande avec inquiétude si cette
impunité n’aurait pas également contribué aux frustrations dont ont témoigné
plusieurs manifestations de Roms récentes, dont certaines ont dégénéré en
émeutes et pillages. Amnesty International n’approuve pas de tels actes
violents et illégaux, mais a rappelé qu’aucune situation ne justifie, a
fortiori de la part de responsables de l’ordre public, le recours aux
mauvais traitements, à un usage excessif de la force et à des injures
racistes. De même, les personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction
pénale au cours de ces troubles et détenues à ce titre ne doivent pas être
privées de leurs droits fondamentaux, notamment ceux d’informer un proche ou
un tiers de l’endroit où elles se trouvent, de prendre contact avec un
avocat et d’être examinées par un médecin de leur choix.

Selon des informations provenant du Centre européen du droit des Roms et du
Centre pour les droits des Roms en Slovaquie, 250 policiers environ sont
arrivés à Trebi‰ov aux petites heures de la matinée, le 24 février 2004.
Leur objectif déclaré était d’appréhender les personnes soupçonnées de vol,
de destruction de propriété et d’agression contre la police au cours des
troubles s’étant produit en ville lors de la soirée précédente. Cependant,
la police aurait également voulu intimider et harceler des membres de la
communauté rom. Pendant la journée, des policiers seraient entrés dans des
domiciles roms sans raison particulière, sans présenter de mandat de
perquisition, et sans autre raison juridique valable. Ils auraient agressé
physiquement, notamment à coups de pied, de matraque et de matraque
électrique, des hommes, des femmes et des enfants, sans se soucier de leur
âge ou de leur condition physique et/ou mentale. Certains policiers auraient
lancé des insultes racistes à leurs victimes. Celles-ci auraient été
tellement intimidées par cette action policière et les mesures sécuritaires
prises dans la communauté à la suite de ces événements, qu’elles n’ont pas
demandé à subir un examen médical attestant des mauvais traitements, ni
porté plainte de manière officielle. Des photographies d’un certain nombre
de Roms blessés sont parues dans la presse slovaque le 25 février 2004.

Au moins 26 personnes ont été placées en détention et emmenées en garde à
vue, où elles auraient subi des passages à tabac et des traitements
dégradants. Selon deux hommes relâchés deux heures après leur arrestation,
tous les hommes détenus auraient été dénudés jusqu’à la ceinture, avant de
recevoir l’ordre de se tourner vers le mur et d’être matraqués dans le dos.
Ils auraient aussi reçu des coups de pied à l’arrière des jambes. Les
détenus n’auraient pas eu la permission de contacter un parent ou un tiers
pour les informer de l’endroit de leur garde à vue, ni de contacter un
avocat, ni d’être examinés par un médecin de leur choix.

D’autres mauvais traitements policiers ont été signalés à Caklov, le 25
février 2004, après l’arrivée de policiers qui voulaient arrêter plusieurs
femmes soupçonnées d’avoir volé de la nourriture en ville, dans un magasin
d’État. Les policiers auraient poursuivi les suspectes en brandissant leurs
matraques de manière menaçante. Un policier aurait frappé à la tête G.G.,
âgé de trois ans. Le petit garçon a reçu par la suite des soins médicaux, et
le policier impliqué est retourné au campement pour s’excuser de son
comportement auprès de la famille. Vingt-trois femmes et deux hommes ont été
arrêtés le 25 février, et 14 autres femmes le lendemain. Au cours de ces
arrestations, certains policiers auraient traité les suspectes de « putain
 », « sale Tzigane », et autres injures racistes. Des proches se seraient vu
refuser des renseignements sur le lieu de détention des femmes et des hommes
arrêtés. Le 26 février, un représentant du Centre européen du droit des Roms
a accompagné un homme dont la femme avait été arrêtée, mais le directeur de
la police judiciaire de Vranov nad Topl’ou a refusé de les renseigner sur
l’endroit où elle se trouvait. Après une audience au tribunal, le 27
février, les détenus emmenés du tribunal dans un car ont réussi à indiquer à
leurs proches, au moyen de papiers placés aux vitres, qu’ils se trouvaient à
Levoca.

Pour Amnesty International, les mauvais traitements qui auraient été
infligés aux Roms à Trebi‰ov et Caklov constitueraient des violations de
l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
et de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales. Ces articles stipulent que nul ne
sera soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants.

En tant qu’État partie à la Convention contre la torture, la République
slovaque doit ouvrir une enquête diligente et impartiale chaque fois qu’une
personne fait état d’un recours à la torture ou autre mauvais traitement, ou
même si aucune plainte n’a été déposée, s’il existe des raisons suffisantes
de penser que de tels mauvais traitements ont eu lieu. Amnesty International
a demandé au gouvernement slovaque d’ouvrir promptement une enquête
approfondie, indépendante et impartiale concernant les allégations de
mauvais traitements de membres de la communauté rom à Trebi‰ov et Caklov,
d’en rendre les conclusions publiques et de traduire en justice toute
personne reconnue responsable de violations des droits humains.

En ce qui concerne le respect des droits des détenus, Amnesty International
a rappelé au gouvernement les recommandations du Comité européen de
prévention de la torture, qui ne semblent pas avoir encore été pleinement
mises en œuvre. Dans son rapport sur sa visite d’octobre 2000 en Slovaquie,
le Comité a noté des insuffisances dans l’application des garanties contre
la torture et les mauvais traitements, en particulier pour la notification
de la garde à vue et l’accès à un avocat et à un médecin. Le Comité a
notamment réitéré au gouvernement slovaque ses recommandations : les droits
de se voir notifier sa garde à vue et d’avoir accès à un avocat doivent être
mis en œuvre dès le début de la garde à vue, sans attendre l’interrogatoire
officiel d’un enquêteur. En outre, les détenus ne doivent pas se voir
imposer le choix entre informer soit un parent soit un avocat de leur
situation. Dans de nombreux cas, tous deux doivent être informés, afin
d’assurer une protection adéquate contre les mauvais traitements. Le Comité
a également recommandé que le droit des détenus à être assisté d’un avocat
au cours de leur interrogatoire soit expressément étendu à tous les
interrogatoires/entretiens menés par des policiers.

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