Sénégal. Les autorités doivent protéger neuf hommes risquant d’être victimes d’agressions homophobes

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International a appelé ce 27 avril le gouvernement sénégalais à veiller à la sécurité de neuf hommes risquant de faire l’objet d’agressions homophobes. Ces neuf hommes, emprisonnés sur la base de présomptions concernant leur comportement sexuel, ont été libérés la semaine dernière.

« Ces neuf hommes étaient des prisonniers d’opinion, uniquement condamnés en raison de leur comportement sexuel présumé, et qui n’auraient jamais dû être incarcérés du tout », a déclaré Véronique Aubert, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International.

« La décision de la Cour d’appel de Dakar de les relâcher alors qu’ils avaient dans un premier temps été condamnés à huit années de prison est positive. Mais il faut qu’elle soit suivie d’actions concrètes de la part des autorités afin de garantir que ces hommes soient à l’abri des agressions homophobes. »

Depuis leur libération le 20 avril, les médias et une organisation islamique ont diffusé des déclarations homophobes décrivant les neuf hommes comme des « vicieux » ou des « pervers » propageant le sida. Des programmes de radio ont transmis des messages appelant la population à s’en prendre à quiconque est soupçonné d’« être un homosexuel », notamment en lui jetant des pierres. Ces déclarations s’apparentant à un appel à la haine constituent une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence.

Ces neuf hommes ont été arrêtés à Dakar le 19 décembre 2008 après avoir été la cible d’accusations anonymes relatives à leur vie sexuelle. Des policiers ont également effectué une descente au domicile du secrétaire général d’AIDES Sénégal, organisation engagée dans la prévention du sida auprès des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.

Ils ont été condamnés à huit années de prison après avoir été déclarés coupables de « conduite indécente, d’actes contre nature et d’association de malfaiteurs ». Ils ont été libérés après l’annulation des condamnations par la Cour d’appel de Dakar.

Ces hommes ont décrit aux délégués d’Amnesty International qui les ont rencontrés au Camp pénal de Dakar en avril comment ils ont été persécutés à la suite de leur arrestation, dans les termes suivants : « Des badauds attroupés nous attendaient, ils ont demandé à la police de nous livrer à eux tandis qu’ils nous jetaient des pierres et criaient : "Ce sont des pédés, il ne faut pas les mettre en prison, il faut les lyncher, laissez-les dehors, on les tuera nous-mêmes". »

Depuis deux ans, les agressions homophobes, les arrestations arbitraires et l’hostilité à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres sont en hausse au Sénégal. L’homophobie de la société est exacerbée par le fait que les relations sexuelles consenties entre adultes du même sexe constituent une infraction dans ce pays.

Le Code pénal dispose que « sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100 000 à 1 500 000 francs, quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe. Si l’acte a été commis avec un mineur de 21 ans, le maximum de la peine sera toujours prononcé. »

Cette criminalisation a pour effet une certaine tolérance vis-à-vis des violations de droits fondamentaux commises contre les personnes soupçonnées d’être lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, et se solde par le fait que les victimes de ces agressions ne peuvent pas compter sur l’aide de la justice ou très peu.

« Les autorités sénégalaises doivent abroger la législation criminalisant les pratiques sexuelles consenties entre adultes du même sexe, et accorder une protection immédiate à ceux qui sont susceptibles d’être victimes de discriminations ou d’agressions en raison de leur comportement sexuel présumé ou avéré », a ajouté Véronique Aubert.

Amnesty International demande également qu’une enquête soit ouverte sur les allégations selon lesquelles ces neuf hommes ont été soumis à la torture et à d’autres types de mauvais traitements lorsqu’ils étaient en garde à vue au poste de police de Mbao Sicap, à Dakar, et que les auteurs présumés de ces agissements soient déférés à la justice. L’organisation est préoccupée par le fait que les « aveux » semble-t-il arrachés à ces hommes sous la torture aient été retenus à titre de preuve par le tribunal durant le procès, et qu’ils n’aient pas pu lire les comptes-rendus d’interrogatoires retranscrivant ces « aveux ».

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit