RWANDA. Il faut mettre un terme aux mesures répressives menaçant les droits humains en amont des présidentielles

DÉCLARATION PUBLIQUE

ÉFAI-23 avril 2010

Amnesty International condamne fermement le rétrécissement de l’espace réservé à la liberté d’expression au Rwanda, alors que le pays se prépare pour les élections présidentielles d’août 2010.

Dans un contexte de répression constante des droits fondamentaux, les services rwandais de l’immigration ont rejeté le 23 avril une demande de renouvellement de visa de travail déposée par la chercheuse officiant au Rwanda au nom de Human Rights Watch, organisation internationale de défense des droits humains.

Cette expulsion de fait d’une personne œuvrant en faveur de ces droits pour le compte d’une organisation internationale est un nouvel élément attestant la dégradation de la situation des droits fondamentaux au Rwanda en amont des élections. Cet épisode s’inscrit dans une politique gouvernementale systématiquement répressive, qui laisse de moins en moins de place aux comptes-rendus indépendants et au débat au Rwanda.

Les organisations internationales de défense des droits humains, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont récemment été attaquées dans des discours prononcés en public par de hauts représentants du gouvernement. La presse pro-gouvernementale a publié plusieurs articles et tribunes libres tentant de discréditer le travail qu’elles accomplissent.

Ces derniers mois, le gouvernement a pris diverses mesures visant à réduire au silence les critiques et les opposants au gouvernement ; celles-ci ont entre autres pris la forme de restrictions à la liberté d’expression et d’association. Amnesty International demande au gouvernement rwandais de respecter la liberté d’expression et d’association, notamment en permettant à l’action en faveur des droits humains d’exister.

Le 21 avril, une candidate à l’élection présidentielle, Victoire Ingabire - présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi), parti cherchant à être enregistré au Rwanda - a été arrêtée ; accusée « de négation et minimisation du génocide, de divisionnisme et de collaboration avec une organisation terroriste », elle a été remise en liberté le lendemain tandis que la procédure se poursuivait.

Si un procès devait avoir lieu, le parquet serait tenu de prouver que les propos de cette femme relèvent de l’appel à la haine, afin de démontrer qu’elle n’est pas sanctionnée pour son opposition au gouvernement sur le plan politique. Il faudrait également montrer que Victoire Ingabire elle-même a commis une infraction dûment reconnue par la loi.

Il y a plusieurs jours, le Haut conseil des médias (HCM) a suspendu deux journaux en langue kinyarwanda ; cette mesure prendra fin après les élections. Les deux publications, Umuseso et Umuvigizi, doivent ainsi cesser leurs activités pendant six mois. Le HCM a affirmé qu’Umuseso avait insulté le président, et semé le trouble au sein de l’armée avec des propos susceptibles d’inciter à l’insubordination.

Amnesty International a fermement condamné les manœuvres de harcèlement et d’intimidation qui ont visé des groupes d’opposition, dont le Parti démocrate vert et le Parti social idéal, en février 2010. Par le passé, les élections organisées au Rwanda ont été entachées de menaces ; la capacité des membres de l’opposition politique à mener leurs activités à bien, conformément à leurs droits fondamentaux, s’en est trouvée restreinte.

Complément d’information

Les services de l’immigration ont dans un premier temps, le 10 mars, annulé le visa de travail de Carina Tertsakian, chercheuse pour le compte de Human Rights Watch basée au Rwanda. Les autorités ont dit avoir trouvé certaines incohérences dans ses papiers entre plusieurs exemplaires de la signature de son employeur. Elles ont également évoqué une erreur figurant sur son contrat, daté par erreur d’octobre 2010 au lieu de 2009.

En mars, la direction de la police criminelle a convoqué Carina Tertsakian à deux reprises afin qu’elle réponde d’accusations d’utilisation de faux papiers. Elle a déposé une seconde demande de visa le 16 mars, accompagnée de courriers supplémentaires authentifiés émanant du siège de Human Rights Watch.

Le 23 avril, les services d’immigration ont indiqué à Carina Tertsakian que les explications fournies par Human Rights Watch étaient insuffisantes. Ils ont refusé de lui donner une réponse par écrit et lui ont rappelé qu’en tant que ressortissante britannique elle avait 90 jours pour quitter le pays. Cette période de 90 jours expirait le 24 avril.

Ces derniers événements coïncident quasiment avec la date limite pour le dépôt de la demande de renouvellement du certificat d’enregistrement de toutes les ONG internationales basées au Rwanda, dont Human Rights Watch. D’abord fixée au 31 mars, la date butoir a été reportée au 30 avril.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement rwandais entrave le travail de défense des droits humains en amont d’élections. En septembre 2008, Alison Des Forges, alors conseillère principale de Human Rights Watch, décédée depuis, a été interdite de séjour au Rwanda peu avant les élections législatives. On lui a de nouveau refusé l’entrée dans le pays en décembre 2008.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit