Royaume-Uni, les autorités doivent garantir la sécurité de Colin Harvey au nom de la liberté d’expression

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Amnesty International est préoccupée par la campagne d’hostilité dirigée contre Colin Harvey, professeur d’université spécialisé dans les droits humains et le droit constitutionnel, en raison de ses activités universitaires pourtant légitimes.

Cette campagne, menée par des élus, des commentateurs dans les médias et des militant·e·s sur les réseaux sociaux, vise depuis des années Colin Harvey dans le but de nuire à sa réputation d’universitaire, en raison de sa participation au débat public sur des sujets concernant l’Irlande du Nord, notamment son avenir constitutionnel, les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) et la proposition de Charte des droits.

Cette campagne de dénigrement s’est intensifiée au cours des dernières semaines, et suscite à présent des inquiétudes quant à la sécurité de Colin Harvey et, plus généralement, quant à la possibilité pour les universitaires, entre autres personnes, de s’exprimer dans de tels débats publics en Irlande du Nord sans craintes pour leur sécurité et leur réputation professionnelle.

Colin Harvey est professeur de droit relatif aux droits humains à la faculté de droit de la Queen’s University de Belfast, membre du Senator George J. Mitchell Institute for Global Peace, Security and Justice, chercheur associé à l’Institute of Irish Studies et ancien commissaire de la Commission des droits humains d’Irlande du Nord [1].

« Cette campagne de dénigrement (...) suscite à présent des inquiétudes quant à la (...) possibilité pour les universitaires, entre autres, de s’exprimer dans de tels débats publics en Irlande du Nord sans craintes pour leur réputation professionnelle »

En 2019, des représentants élus de deux partis politiques ont contacté l’université qui l’emploie, exigeant de savoir si elle approuvait son travail sur « la planification et la préparation d’un changement constitutionnel en Irlande [2] ».

En novembre 2021, la présidente du comité de l’Assemblée nord-irlandaise chargé de la Charte des droits pour l’Irlande du Nord a signalé que le Premier ministre et la vice-Première ministre d’Irlande du Nord n’avaient pas désigné un panel composé de cinq experts pour conseiller le comité, alors que cela était prévu dans l’accord « Nouvelle décennie, nouvelle approche » [3], car le parti du Premier ministre refusait de désigner Colin Harvey [4].

Dans ce contexte, le dénigrement public de Colin Harvey s’est intensifié et l’enseignant est devenu le sujet de commentaires dans les médias et sur les réseaux sociaux, qui affirment directement ou indirectement qu’il a profité de sa position d’universitaire ou qu’il pourrait avoir eu d’autres comportements inappropriés [5]. D’autres commentaires sur les réseaux sociaux l’ont accusé de soutenir la violence armée illégale et l’ont comparé à un nazi. Un des commentaires disait : « Il devrait être viré de son poste... Colin Harvey est un serpent. Débarrassez-vous de lui. »

En Irlande du Nord, de telles insultes ont déjà mené par le passé à des violences contre les personnes visées. L’histoire de la région est profondément marquée par la violence, notamment à l’encontre d’avocat·e·s, d’universitaires et de responsables politiques, par exemple l’assassinat, en 1983, d’Edgar Graham, professeur de droit à la Queen’s University de Belfast, avocat et député, et celui des avocats Patrick Finucane (1989) et Rosemary Nelson (1999).

Alors que les dernières décennies ont connu une baisse notable de la violence, les groupes armés illégaux ont continué à se livrer à divers actes de violence, notamment à des menaces contre des journalistes et d’autres personnes, des passages à tabac, des attentats à la bombe et des assassinats [6].

« En Irlande du Nord, de telles insultes ont déjà mené par le passé à des violences contre les personnes visées »

Les universitaires et les établissements universitaires jouent un rôle particulier dans la société et, comme l’a noté le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, « sans liberté académique, toutes les sociétés perdent l’un des éléments essentiels de l’autogouvernance démocratique, à savoir la capacité d’autoréflexion, de génération de connaissances et de recherche constante de moyens d’améliorer la vie de la population et la situation sociale [7] ».

Le rapporteur spécial a signalé que « les universitaires et les établissements auxquels ils appartiennent doivent faire face au harcèlement social et à la répression de l’État en raison de leurs recherches, des questions qu’ils posent, des points qu’ils soulèvent et des méthodologies qu’ils mettent au service des politiques publiques – ou simplement en raison de la place que leurs travaux universitaires leur ont conférée dans la société [8] ». Il a également appelé les États et les établissements universitaires à prendre les mesures qui s’imposent pour protéger et promouvoir la liberté académique.

Amnesty International appelle les autorités du Royaume Uni et les établissements universitaires nord-irlandais, conformément à leurs obligations internationales en matière de droits humains, à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la protection de Colin Harvey et de toutes les personnes exerçant leur droit à la liberté d’expression, y compris à la liberté académique.

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