Communiqué de presse

République dominicaine. Les apatrides n’ont pas de droits Par Chiara Liguori, chercheuse sur les Caraïbes à Amnesty International

Il y a une question que chacun devrait poser lors de l’examen aux Nations unies à Genève, le 5 février, par un collège d’experts, du bilan en termes de droits humains de la République dominicaine : pourquoi ce pays retire-t-il leur nationalité à des centaines de milliers de personnes ?

Les Dominicains d’origine haïtienne attendent depuis longtemps une réponse.

La discrimination de longue date qui touche les Dominicains d’ascendance haïtienne a pris un tournant désastreux en septembre 2013, lorsque la Cour constitutionnelle, plus haute instance du pays, a statué que toute personne née depuis 1929 de parents étrangers qui ne pouvaient pas prouver qu’ils étaient en situation régulière, avait été inscrite à tort sur les registres comme citoyenne dominicaine.

Depuis lors, plus de 250 000 personnes auraient perdu la nationalité dominicaine, se retrouvant aujourd’hui apatrides.

Depuis 2007, le gouvernement refuse de délivrer aux Dominicains d’origine haïtienne des papiers d’identité, les privant du droit de travailler, de se marier, d’envoyer leurs enfants à l’école ou de voter.

On craint également que des milliers d’autres personnes ne soient contraintes de s’installer dans le pays de leurs ancêtres, même si elles n’y ont jamais mis les pieds ou n’en parlent pas la langue.

C’est le cas de Felipe Fortines, père de deux enfants. Ses ancêtres sont nés à Haïti.

« Si vous n’avez pas de certificat de naissance, il est impossible d’obtenir une carte d’identité et votre vie perd tout son sens, explique-t-il.

« Selon la décision de la Cour constitutionnelle, je devrais me rendre à Haïti, leur demander de m’accorder la nationalité, puis revenir pour être naturalisé. C’est absurde. »

La Commission interaméricaine des droits de l’homme, la Communauté des Caraïbes (CARICOM), des gouvernements et des organisations de défense des droits humains telles qu’Amnesty International ont dénoncé cette décision.

Cependant, le gouvernement du président Danilo Medina ignore les critiques et reste déterminé à l’appliquer. Il prépare actuellement un projet de loi sur la naturalisation.

Bien qu’on ignore encore le contenu de ce projet de loi, on craint qu’il ne présume à tort que les personnes concernées par cette décision sont des étrangers qui doivent être naturalisés.

Le président Danilo Medina affirme que ces mesures ne bafouent aucun droit fondamental.

C’est faux.

En affirmant cela, il passe sous silence le fait que, si les conditions permettant d’obtenir la nationalité sont à la discrétion de chaque pays, le droit international prévoit qu’aucun individu ne peut être privé arbitrairement de sa nationalité, particulièrement si cette privation doit le rendre apatride.

En outre, il fait mine d’ignorer que son gouvernement est tenu de respecter et de faire respecter les droits humains et la dignité de tous ses citoyens, notamment leur droit au travail, à la santé et à l’éducation.

Dans le cadre de l’examen périodique universel (EPU), le bilan en termes de droits humains de chacun des 193 États membres de l’ONU est passé en revue, sous les auspices du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Certains hauts responsables de la République dominicaine avancent que les critiques s’inscrivent dans le cadre d’un complot international contre leur pays et qu’elles s’ingèrent dans des questions d’intérêt national.

C’est absurde. Les autorités dominicaines doivent au contraire envisager l’EPU comme l’occasion de démontrer leur attachement aux droits fondamentaux.

Lors d’une rencontre de haut niveau entre les autorités dominicaines et haïtiennes, les représentants dominicains se sont engagés à respecter les droits des Dominicains d’origine haïtienne. Ils doivent prouver au monde qu’ils ont la ferme intention de tenir cet engagement.

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