POLOGNE - Les droits des minorités sexuelles toujours réprimés

Index AI : EUR 37/002/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International est préoccupée par le climat d’intolérance qui règne en Pologne à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) : des événements publics organisés sous leurs auspices sont interdits, certains politiciens de haut rang relaient un discours ouvertement homophobe et plusieurs mouvements de droite incitent à la haine homophobe. Dans ce contexte, Amnesty International note également avec inquiétude la récente suppression du bureau gouvernemental chargé de la promotion du traitement équitable des minorités sexuelles.

Le 15 novembre 2005, le maire de la ville de Pozna ?, Ryszard Grobelny, a interdit la Marche pour l’égalité, mise sur pied par diverses organisations polonaises de défense des droits des femmes et des LGBT, qui devait avoir lieu le 19 novembre. Selon les organisateurs, la Marche pour l’égalité devait constituer une plateforme de discussion sur la tolérance, la lutte contre la discrimination et le respect des droits des minorités sexuelles.

Le maire a justifié cette interdiction en invoquant des « raisons de sécurité » et une soi-disant « menace pour les habitants de Pozna ? ». Pourtant, selon certaines sources, la municipalité et les organisateurs s’étaient déjà entendus sur les questions de sécurité, notamment sur le fait de modifier l’itinéraire pour se conformer aux directives en la matière. Amnesty International déplore que l’intolérance envers les membres de la communauté des LGBT en Pologne, plus que les considérations relevant purement de la sécurité, n’ait conduit à interdire cette marche - comme d’autres événements auparavant.

Bravant cette interdiction, quelques centaines de personnes se sont rassemblées le 20 novembre pour manifester. Elles auraient été harcelées et intimidées par les membres d’un mouvement de droite, Mlodziez Wszechpolska (MW, Jeunesse de la grande Pologne), qui auraient scandé « Gazons les pédés » et « Nous vous ferons ce qu’Hitler a fait aux Juifs ». La police est intervenue à la fin de la manifestation pour la disperser, semble-t-il en malmenant plusieurs personnes. Elle a interpellé et interrogé plus de 65 personnes, qui ont plus tard été relâchées.

Amnesty International s’inquiète de ce que l’épisode de Pozna ?, loin d’être un événement isolé, s’inscrive dans une série d’interdictions visant les manifestations organisées par la communauté des LGBT. En novembre 2004, la Marche pour l’égalité à Pozna ? avait été interrompue, la police n’ayant pas protégé les manifestants contre les membres de la Jeunesse de la grande Pologne, qui avaient bloqué la marche. Les Parades pour l’égalité organisées dans la capitale Varsovie en juin 2004 puis en mai 2005 ont été interdites.

Refusant pour la deuxième année consécutive d’autoriser la Parade pour l’égalité à Varsovie en mai 2005, le maire de l’époque, Lech Kaczy ?ski, du parti Prawo i Sprawiedliwo ?c (PiS, Droit et justice) - élu depuis président de Pologne -, a déclaré qu’une telle manifestation serait « obscène » et offenserait les sentiments religieux du reste de la population. Une parade improvisée a tout de même eu lieu le 10 juin, rassemblant plus de 2 500 participants. Moins d’une semaine après, le maire autorisait la Parade de la « normalité », au cours de laquelle des membres de la Jeunesse de la grande Pologne auraient scandé dans les rues de la capitale des slogans incitant à l’intolérance et à l’homophobie. En septembre 2005, un tribunal de Varsovie a déclaré illégale la décision du maire d’interdire la Parade pour l’égalité.

Au cours de l’année, d’autres personnalités politiques auraient également fait des déclarations ouvertement homophobes, prônant « la tolérance zéro pour les homosexuels et les déviants », expliquant que si un homosexuel « tente de " contaminer " les autres avec son homosexualité, l’État doit intervenir contre une telle entrave à la liberté », et aussi : « Ne prenons pas la féroce propagande des comportements homosexuels pour des appels à la tolérance. Le fait est que, pour eux, notre autorité sera synonyme de nuit noire. »

À la lumière de ce climat à l’égard de la communauté des LGBT en Pologne, Amnesty International est préoccupée par la récente suppression du Bureau du plénipotentiaire pour l’égalité des sexes, chargé de la promotion du traitement équitable des minorités sexuelles. La Pologne devient ainsi le seul pays de l’Union européenne (UE) à ne pas être doté d’un organisme de surveillance officiel en matière d’égalité, ce qui met en cause son respect des normes européennes concernant l’interdiction de toute discrimination. En 2004, le Comité des droits de l’homme des Nations unies avait salué l’instauration de ce bureau et l’extension de son mandat aux questions de discrimination fondées sur le sexe mais aussi sur l’orientation sexuelle. Le Comité était alors préoccupé par le fait que le droit des minorités sexuelles de ne pas subir de discrimination n’était pas pleinement reconnu en Pologne et que les actes et attitudes discriminatoires fondés sur l’orientation sexuelle n’étaient pas dûment examinés ni sanctionnés. Il a recommandé que l’État dispense une formation appropriée aux personnels de la police et de l’appareil judiciaire afin de les sensibiliser aux droits des minorités sexuelles. En outre, il a demandé que le droit polonais interdise expressément toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Le droit international prohibe la discrimination sous toutes ses formes et encourage les États à adopter des lois protégeant les particuliers contre les incitations à la haine. Plus particulièrement, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales obligent les États parties à garantir à toute personne la jouissance de ses droits fondamentaux, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. En tant que signataire de ces deux textes, la Pologne est pleinement liée par leurs dispositions.

Amnesty International invite les autorités polonaises à s’acquitter des obligations qui leur incombent au titre du droit international relatif aux droits humains. Elles doivent notamment prohiber expressément la discrimination contre les minorités sexuelles et enquêter sur toutes les expressions publiques d’incitation à la haine et d’intolérance envers ces minorités - avant de sanctionner ces actes. Par ailleurs, les membres du gouvernement et les politiciens influents doivent s’abstenir de toute remarque homophobe en public. Ils doivent aussi s’employer à promouvoir le droit fondamental de vivre libre de toute discrimination et les libertés d’expression et d’association, et œuvrer à édifier une société où tous pourront en bénéficier.

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