Paraguay. Le Congrès met en danger la vie de 90 familles autochtones

Le Congrès paraguayen a délibérément mis en danger la vie de 90 familles autochtones, a déclaré Amnesty International après l’annonce de la décision de la Commission sur la réforme agraire et le bien-être en zone rurale, adoptée à la majorité, de se prononcer contre la procédure d’expropriation du propriétaire actuel de terres ancestrales yakyes axas en faveur de cette communauté autochtone.

Les membres de cette communauté survivent depuis plus de dix ans dans des conditions inhumaines au bord de la route reliant Pozo Colorado et Concepción. Faute de pouvoir accéder à ces terres, ils sont privés de la possibilité de mener des activités traditionnelles indispensables à leur autosuffisance, telles que la chasse, la pêche et la collecte de miel. Les aides accordées par l’État tant qu’ils se trouvent loin de ces terres sont insuffisantes et irrégulières.

Le projet de loi d’expropriation concernant ces terres a été introduit devant le Congrès en 2008 par le président Lugo dans l’optique de la mise en œuvre d’une décision prononcée à l’intention de l’État paraguayen par la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

Le rejet exprimé par la Commission, s’il n’est pas contraignant, compromet tout éventuel vote en faveur du projet au Sénat en session plénière.

« La décision de la Commission est tout simplement inacceptable, a déclaré Louise Finer, chercheuse sur l’Amérique du Sud à Amnesty International. Chacun des votes exprimés par ces membres du Congrès contre la restitution bafoue les obligations internationales en matière de défense des droits des peuples autochtones. »

« Il serait préoccupant que l’existence d’intérêts économiques puissants constitue un obstacle à la protection des droits des couches les plus marginalisées de la société paraguayenne, a ajouté Louise Finer. Une année s’est écoulée depuis l’arrivée à échéance du délai accordé par la Cour interaméricaine à l’État pour la restitution des terres, et aucune avancée n’a encore été observée. »

Amnesty International a appelé l’État paraguayen dans son ensemble à prendre au sérieux son engagement en faveur des droits fondamentaux des peuples autochtones, en cherchant une solution efficace et réelle pour une application tardive de l’arrêt rendu par la Cour interaméricaine des droits humains.

Complément d’information
Le droit des peuples autochtones à la propriété foncière communautaire est clairement inscrit dans la Constitution paraguayenne (article 64) et dans certains instruments internationaux que les autorités paraguayennes ont ratifiés.

Dans le jugement prononcé en 2005, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a ordonné à l’État paraguayen de restituer à la communauté yakye axa des terrains d’une superficie suffisante pour le maintien et le développement du mode de vie de cette dernière. La Cour interaméricaine a clairement expliqué que cette mesure d’expropriation constituerait une restriction légitime du droit à la propriété privée, valable dans des cas comme celui-ci.

Les autorités paraguayennes ont déclaré, dans le cadre des démarches auprès de la Cour interaméricaine, qu’il y avait aux termes de la législation nationale deux manières possibles de procéder à la restitution de ces terres aux communautés concernées : 1) en négociant directement avec les détenteurs d’un titre de propriété et en leur rachetant ces terres ou, en cas d’échec ; 2) en les expropriant pour cause d’utilité publique et en leur versant une indemnisation juste.

Par ailleurs, la Cour a rendu un autre jugement relatif aux droits des peuples autochtones au Paraguay, en faveur de la communauté sawhoyamaxa cette fois-là. Cette communauté vit une situation similaire à celle des Yakyes Axas, dans l’attente de la restitution par l’État de terres ancestrales, entre autres décisions prononcées par la Cour. À cet effet, le ministère public a été chargé de négocier avec la personne se trouvant actuellement en possession des terrains concernés afin d’obtenir leur restitution à la communauté. À ce jour, ces négociations n’ont semble-t-il livré aucun résultat.

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