Pakistan, Il faut enquêter sur l’usage excessif de la force lors de manifestations de médecins

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Les autorités pakistanaises doivent veiller à ce qu’une enquête approfondie, indépendante et impartiale soit menée sur les allégations selon lesquelles la police du Pendjab a recouru à une force excessive contre des médecins et des étudiants en médecine qui manifestaient contre un nouvel examen d’aptitude le mois dernier, comme le montre l’examen des séquences vidéo des manifestations.

Des témoins oculaires ont dit à Amnesty International que des dizaines de policiers avaient chargé les manifestant·e·s à coups de matraque et recouru à des canons à eau et à un gaz irritant pour disperser des protestataires pacifiques lors de manifestations distinctes à Lahore les 27 et 30 août. Au moins 20 manifestant·e·s auraient été hospitalisés à la suite de ces événements. Sur les séquences vidéo examinées par Amnesty International, on constate une utilisation importante des matraques par la police, assimilable à un recours excessif et illégal à la force.

Amnesty International demande instamment qu’une enquête approfondie et impartiale soit menée sans délai sur le recours excessif à la force par la police. S’il est avéré qu’une force excessive a été utilisée, les auteurs devront rendre des comptes pour violation du droit à la liberté de réunion pacifique, garanti par la Constitution pakistanaise et le droit international relatif aux droits humains

« S’en prendre à des manifestant·e·s pacifiques qui ne présentent aucune menace de violence en recourant à une force excessive est choquant, punitif et constitue une violation du droit de réunion pacifique », a déclaré Rimmel Mohydin, chargée de campagne pour l’Asie du Sud à Amnesty International.

« Les professionnel·le·s de santé sont en première ligne face à la pandémie, et à l’heure où ces personnes ont besoin de soutien et de ressources, elles sont agressées et hospitalisées. Les autorités doivent ouvrir immédiatement une enquête sur ces graves allégations. »

« C’était comme si on nous avait mis le feu. »

Selon quatre manifestant·e·s avec qui Amnesty International s’est entretenue, 20 médecins au moins ont été admis dans les services de soins intensifs de deux hôpitaux de Lahore. D’après les informations recueillies, au moins deux d’entre eux présentaient des fractures osseuses, et beaucoup souffraient de brûlures causées par un gaz irritant dont la police les avait aspergés. Certains ont dit avoir des difficultés respiratoires consécutives à l’inhalation du gaz. Amnesty International a pu vérifier qu’un aérosol avait été utilisé par la police, mais l’organisation n’a pas été en mesure de déterminer sa composition.

« S’en prendre à des manifestant·e·s pacifiques qui ne présentent aucune menace de violence en recourant à une force excessive est choquant, punitif et constitue une violation du droit de réunion pacifique »

Mudassar Malik, médecin, 24 ans, est l’un des manifestants qui ont été grièvement blessés le vendredi 27 août. Il a dit qu’après avoir été aspergé de gaz en plein visage, il ne pouvait plus respirer et avait été pris de vomissements. Il a été évacué en urgence vers un hôpital par les secours. « Je ne pouvais plus ouvrir les yeux, j’avais l’impression qu’on y avait planté des aiguilles », a-t-il témoigné.

Akbar Ranjha, un médecin de 25 ans présent le dimanche 29 août, lorsque les affrontements ont éclaté, a également reçu du gaz au visage et souffre d’une fracture du bras. Un autre manifestant a tenté de l’asperger d’eau, ce qui n’a fait qu’aggraver les brûlures. D’après les médias, la police a affirmé avoir utilisé du gaz poivre, mais Mudassar Malik a souligné : « Nous sommes médecins. Nous sommes bien placés pour savoir que l’eau soulage les brûlures causées par le gaz poivre. Il ne s’agissait pas de gaz poivre. C’était comme si on nous avait mis le feu. »

Mahnoor Lodhi, une femme médecin âgée de 23 ans, a indiqué que la campagne contre l’examen d’aptitude durait depuis quatre mois et était menée de façon pacifique. Présente à la manifestation du vendredi 27 août, elle a reçu un coup de matraque au bras, puis a été touchée par un canon à eau. « C’était censé être une manifestation pacifique. Même si mes blessures physiques guérissent, je ne sais pas comment surmonter le traumatisme psychologique que cela a provoqué », a-t-elle déclaré.

« Les autorités doivent se pencher sérieusement sur la façon dont le maintien de l’ordre a été assuré lors des manifestations »

« Il est préoccupant que les autorités, 11 jours après, n’aient toujours pas ouvert d’enquête officielle sur ces événements malgré le nombre élevé de personnes blessées lors de ces manifestations. Les autorités doivent se pencher sérieusement sur la façon dont le maintien de l’ordre a été assuré lors des manifestations. Les témoignages des victimes ne permettent pas de déterminer si la police a tenté d’apaiser les tensions et d’utiliser d’autres moyens que la force pour gérer la situation », a déclaré Rimmel Mohydin.

Amnesty International demande instamment qu’une enquête approfondie et impartiale soit menée sans délai sur le recours excessif à la force par la police. S’il est avéré qu’une force excessive a été utilisée, les auteurs devront rendre des comptes pour violation du droit à la liberté de réunion pacifique, garanti par la Constitution pakistanaise et le droit international relatif aux droits humains.

Complément d’information

Les étudiant·e·s et les médecins protestaient contre un nouvel examen d’aptitude obligatoire pour s’enregistrer auprès du Conseil médical pakistanais, examen imposé jusqu’ici uniquement aux personnes diplômées en médecine ou en chirurgie par des universités étrangères.

Les autorités chargées du maintien de l’ordre sont tenues de faciliter les manifestations pacifiques, et doivent s’abstenir de disperser des manifestations ou d’arrêter des manifestant·e·s pour de simples questions de régulation de la circulation

Le 6 avril 2020, 53 médecins et autres professionnel·le·s de santé qui manifestaient contre le manque de ressources, d’équipements de protection individuelle (EPI) et de sécurité à Quetta ont été chargés à coups de matraque, arrêtés et placés en garde à vue. Les médecins ont été libérés dans les vingt-quatre heures, mais on ignore si ces événements ont donné lieu à une enquête.

Les autorités chargées du maintien de l’ordre sont tenues de faciliter les manifestations pacifiques, et doivent s’abstenir de disperser des manifestations ou d’arrêter des manifestant·e·s pour de simples questions de régulation de la circulation. En vertu des Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, la police ne peut utiliser la force que dans un but légitime d’application des lois, et l’usage de la force doit être proportionnel à l’objectif à atteindre. En cas de recours à la force, la police doit s’efforcer de ne causer que le minimum de dommages et d’atteintes à l’intégrité physique, et ne doit jamais occasionner des dommages supérieurs à ceux qu’elle cherche à prévenir. En conséquence, elle ne doit jamais utiliser d’armes risquant de causer des blessures à des personnes qui ne font qu’opposer une résistance pacifique.

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