Ouzbékistan. Le gouvernement doit mettre en œuvre les recommandations du Comité des Nations unies contre la torture

Déclaration publique

EUR 62/008/2007

Amnesty International exhorte le gouvernement de l’Ouzbékistan à prendre des mesures pour mettre en œuvre les recommandations du Comité des Nations unies contre la torture (le Comité), qui a publié ses observations et recommandations finales le 23 novembre 2007. Le Comité avait examiné les 9 et 11 novembre le troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan sur le respect de la Convention contre la torture par ce pays, ainsi que les réponses écrites de l’Ouzbékistan à une série de questions abordées par le Comité lors de sa pré-session, en mai.

Dans ses conclusions, le Comité exprime de nouveau son inquiétude quant aux allégations nombreuses et cohérentes concernant des actes de torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants se produisant de manière régulière ; le Comité regrette le manque d’enquêtes promptes et impartiales sur ces allégations. Ces préoccupations sont partagées depuis longtemps par Amnesty International.

Il faut prendre d’urgence des mesures plus concrètes et décisives, comme l’introduction de l’habeas corpus (supervision judiciaire de la détention) et l’abolition de la peine de mort – qui entrera en vigueur le 1er janvier 2008, et que le Comité a saluée. Ces mesures sont nécessaires pour garantir les droits des citoyens ouzbeks et les protéger contre l’arbitraire des forces de sécurité et autres représentants de l’État.

Même si des textes de loi votés par les autorités garantissent les droits des détenus, des règlements internes laissent à la discrétion des membres des forces de l’ordre l’accès d’un détenu à un avocat de son choix, aux membres de sa famille ou à un médecin. Le Comité craint que ces règles n’aboutissent à entériner des pratiques abusives. Les coups qu’aurait reçus en détention Ikhtior Khamroev en novembre constitue un exemple éloquent de ces pratiques. Ikhtior Khamroev, fils du défenseur des droits humains Bakhrom Khamroev, purge une peine de trois ans d’emprisonnement pour houliganisme. D’autres prisonniers ont déclaré à son père qu’Ikhtior avait été roué de coups par des gardiens de prison et qu’il avait également reçu des coups de couteau, dans des circonstances peu claires cependant. Selon les prisonniers, Ikhtior Khamroev n’aurait reçu aucun soin médical et aurait été enfermé dans un cachot. Le directeur de la prison a refusé de donner des informations sur son état de santé et l’endroit exact où il se trouvait, refusant le droit de visite à Bakhrom Khamroev ou à un avocat. L’absence d’un système pleinement indépendant de surveillance des lieux de détention s’ajoute aux difficultés d’enquête sur les allégations de mauvais traitements tels que ceux-ci, aggravant la détresse des proches. Amnesty International demande aux autorités de faire en sorte que tous les lieux de détention puissent être surveillés par des organisations nationales et internationales indépendantes, sans restriction, afin que les allégations de torture ou d’autres mauvais traitements puissent faire l’objet d’enquêtes promptes et impartiales.

Amnesty International salue la demande du Comité à l’Ouzbékistan d’appliquer une tolérance zéro face au problème persistant de la torture et de l’impunité, et son exhortation à condamner publiquement et sans ambiguïté la pratique de la torture sous toutes ses formes. Malgré les assurances répétées selon lesquelles le gouvernement prend les mesures nécessaires pour lutter contre la torture, à la connaissance d’Amnesty International, les plus hautes autorités publiques de l’Ouzbékistan n’ont jamais condamné ouvertement et de manière absolue la torture, comme le recommandait le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture en 2003.

Étant donné le refus persistant opposé par les autorités à une enquête indépendante et internationale sur les massacres d’Andijan en mai 2005, Amnesty International se félicite de ce que le Comité recommande instamment aux autorités d’Ouzbékistan de prendre des mesures efficaces pour ouvrir une enquête complète, efficace et impartiale sur cet épisode. Selon le Comité, cette enquête doit être menée, dans le respect des recommandations du Haut-commissaire aux droits de l’homme et d’autres, par des experts indépendants et crédibles. Le Comité s’est également dit préoccupé par le fait que les autorités avaient limité ou empêché un suivi indépendant de la situation des droits humains après ces épisodes, restreignant encore plus la possibilité de dresser un bilan fiable des atteintes aux droits humains en obtenant, par exemple, des informations sur les lieux où se trouvaient des personnes détenues ou ayant disparu et sur les actes de torture ou mauvais traitements qui leur auraient été infligés.

Complément d’information

Avant l’examen du troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan par le Comité, Amnesty International avait écrit au Comité pour signaler que de nombreuses préoccupations exprimées par le Comité en 2002, après le deuxième rapport périodique de l’Ouzbékistan, étaient toujours d’une actualité pressante, et que nombre des recommandations du Comité n’étaient toujours pas mises en œuvre.

En outre, Amnesty International avait attiré l’attention du Comité sur certaines de ses préoccupations relatives aux épisodes de mai 2005 à Andijan, au cours desquels des centaines de personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées après que les forces de sécurité eurent ouvert le feu sur des manifestants majoritairement pacifiques. Plusieurs centaines de personnes, dont des militants des droits humains, ont été condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement pour leur implication présumée dans ces épisodes, la plupart d’entre elles après des procès secrets ou à huis clos. Selon certaines allégations, des inculpés avaient subi des actes de torture ou des mauvais traitements en détention provisoire. Les autorités ont continué de rejeter les demandes d’enquête indépendante et internationale sur l’épisode d’Andijan, affirmant que les deux sessions de discussions d’experts ayant eu lieu sous les auspices de l’Union européenne en décembre 2006 et avril 2007 constituaient une enquête internationale. Amnesty International a salué ces discussions, mais elle estime qu’une telle initiative ne saurait remplacer une enquête internationale et indépendante sur l’épisode d’Andijan. Ces discussions d’experts ne respectaient pas les normes internationales pour une enquête efficace, indépendante et impartiale, notamment les Principes des Nations unies relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions.

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