Communiqué de presse

Danemark. Il ne faut procéder à aucun renvoi forcé vers la Somalie où la situation reste très instable

Le renvoi forcé de personnes en Somalie, où la situation est très instable en termes de sécurité, constituerait une violation du droit international, a déclaré Amnesty International alors que des tribunaux danois doivent prendre une décision au sujet du renvoi de cinq ressortissants somaliens qui vivent actuellement au Danemark.

Les audiences de jeudi et vendredi interviennent alors qu’au moins deux autres États européens – la Norvège et les Pays-Bas – ont déjà mis fin à la suspension des renvois forcés vers Mogadiscio, la capitale somalienne.

Les décisions prises par les autorités hollandaises et norvégiennes – en décembre 2012 et février 2013 respectivement – se référaient à une amélioration des conditions de sécurité dans la capitale pour expliquer ce changement de politique. Or, la Cour européenne des droits de l’homme et des tribunaux hollandais ont depuis suspendu le renvoi par les Pays-Bas de quatre ressortissants somaliens, et la situation en termes de sécurité reste précaire à Mogadiscio et très mauvaise dans d’autres régions de la Somalie.

« Même si les conditions de sécurité se sont améliorées à Mogadiscio, elles restent fragiles et instables, a déclaré Sarah Jackson, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International.

« L’autorité et l’influence du gouvernement somalien restent faibles, et hors de la capitale, dans de vastes régions du centre et du sud de la Somalie, le groupe armé al Shabab continue de facto de contrôler la situation, qui est toujours très précaire en termes de sécurité. La situation dans le pays est tout simplement trop dangereuse et instable pour que l’on puisse y renvoyer de force des personnes, et une telle mesure constituerait une violation du droit international. »

Poursuite des violences

En août 2012, la mise en place d’un nouveau gouvernement a marqué la fin d’une période de « transition » de huit années mettant un terme à deux décennies de conflit et de faillite de l’État à la suite de la chute du régime de Siad Barre en 1991. Depuis la nomination de ce gouvernement, des améliorations ont été constatées en matière de sécurité mais Amnesty International estime que ces changements ne sont pas suffisamment importants ni assez durables et stables pour que des gouvernements étrangers puissent envisager de renvoyer dans le pays des ressortissants somaliens.

Mogadiscio, la capitale, est dans une large mesure contrôlée par le gouvernement mais un conflit armé continue de faire rage entre les Forces armées nationales somaliennes et le groupe armé al Shabab. Les civils restent confrontés à l’insécurité et risquent toujours d’être victimes de graves atteintes aux droits humains, notamment de violences aveugles ou ciblées, de viol, de meurtre et aussi d’extorsion.

De l’avis général, toutes les parties au conflit sont responsables de tels agissements.

Des attaques aveugles ou ciblées continuent d’avoir lieu à Mogadiscio même – y compris des attentats-suicides et des attaques à la grenade ou avec des engins explosifs improvisés.

Il n’y a pas plus tard que le 5 mai, un attentat perpétré dans la capitale avec des engins explosifs improvisés a tué au moins huit civils et en a blessé de nombreux autres. Le 14 avril, al Shabab a commis dans la ville deux attentats de grande ampleur qui ont coûté la vie à au moins trente personnes. Ils venaient à la suite d’une série d’attaques violentes perpétrées au cours des derniers mois.

Les journalistes, les hommes d’affaires, les chefs de clans et les responsables politiques sont tout particulièrement susceptibles d’être la cible d’homicides ciblés. Vingt-quatre journalistes ont été tués à Mogadiscio depuis décembre 2011, dont quatre depuis le début de l’année 2013. L’un d’eux, Mohamed Ibrahim Rageh, a été abattu devant son domicile dans la capitale peu après son retour d’exil en Ouganda.

Dans des régions du sud et du centre de la Somalie – encore largement contrôlées par al Shabab –, les conditions de sécurité sont très précaires du fait de la lutte que se livrent le groupe armé et les forces de sécurité.

Les forces gouvernementales manquent souvent de l’autorité, de la discipline et de la position de contrôle nécessaires pour protéger les civils, et leur dépendance vis-à-vis des forces éthiopiennes et de l’Union africaine rend très fragile toute avancée réalisée en matière de sécurité.

Un exemple récent : le 17 mars 2013, des soldats éthiopiens venus soutenir les forces gouvernementales se sont retirés de Xudur, dans la province de Bakool, ce qui a obligé les Forces armées nationales somaliennes à s’en retirer également. Dans les heures qui ont suivi leur départ, al Shabab a repris le contrôle de la ville, ce qui a poussé des milliers de personnes à fuir pour rejoindre la frontière avec l’Éthiopie. De nombreuses violences ont alors été commises et il a été signalé qu’al Shabab s’était livrée à une série de décapitations, des enfants et un dignitaire religieux âgé figurant parmi les victimes.

Amnesty International a déclaré en mars que la levée partielle par l’ONU de l’embargo sur les armes en place de longue date contre la Somalie risquait de favoriser une multiplication des violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains dans la mesure où al Shabab pouvait continuer de recevoir des armes de l’étranger.

Une situation humanitaire très préoccupante

Selon des agences de l’ONU, plus de la moitié des Somaliens survivent grâce à l’aide humanitaire, et un sixième de la population se trouve toujours en état de crise – la majorité de ces personnes vivent dans des camps de déplacés.

La sécheresse qui a frappé le pays en 2011 a certes contribué à cette situation, mais la crise humanitaire persistante est dans une large mesure imputable aux hommes. Ainsi, 89 % des 19 000 personnes nouvellement enregistrées en tant que personnes déplacées entre le 1er novembre 2012 et le 1er février 2013, ont signalé que l’insécurité faisait partie des principales raisons qui les avaient poussés à se déplacer.

Les personnes qui vivent dans des camps de déplacés sont fortement exposées aux violences et subissent de manière persistante des atteintes aux droits humains. Les violences liées au genre commises contre des femmes et des jeunes filles sont particulièrement nombreuses et fréquentes et il semble qu’elles soient souvent le fait de ceux-là même qui ont pour mandat de protéger la population, à savoir les forces gouvernementales.

« Du fait de la poursuite du conflit armé et de la crise humanitaire qui contribuent aux graves atteintes aux droits humains perpétrées dans le centre et le sud de la Somalie, les pays étrangers, y compris le Danemark, ne devraient en aucune circonstance tenter de procéder à des renvois forcés vers ce pays », a ajouté Sarah Jackson.

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