Communiqué de presse

Nigeria. Le président doit opposer son veto à un projet de loi anti-LGBTI discriminatoire

Le président du Nigeria, Goodluck Jonathan, ne doit pas promulguer une nouvelle loi draconienne qui officialiserait la discrimination envers les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) et aurait de multiples conséquences sur les libertés publiques dans le pays, ont déclaré mercredi 5 juin 10 organisations nigérianes et internationales de défense des droits humains.

Le 30 mai 2013, la Chambre des représentants du Nigeria a adopté le projet de loi relatif à la prohibition du mariage entre personnes de même sexe, qui rendrait passible de 14 ans de prison toute personne reconnue coupable de relations homosexuelles. Le Sénat avait déjà adopté un texte similaire.

Si ce projet de loi était adopté, il érigerait également en infraction pénale la liberté d’expression, d’association et de réunion.

« Ce projet de loi ramène aux décennies passées où, sous le régime militaire, ces droits civiques étaient traités avec mépris, a souligné Lucy Freeman, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International.

« Il rend passible d’emprisonnement quiconque soutient publiquement, rencontre ou forme une organisation défendant les droits des personnes LGBTI. Il criminalise la vie des personnes LGBTI, mais les dégâts qu’il causerait s’étendent à tous les Nigérians.

« Il porte atteinte aux libertés fondamentales pour lesquelles la société civile nigériane se bat depuis longtemps. Les libertés publiques des Nigérians ne peuvent pas être simplement supprimées par des mesures législatives. »

Les « mariages homosexuels » et les « unions civiles » – qui seraient passibles de 14 ans de prison – sont définis de manière si vague dans le projet de loi qu’ils incluent presque toute forme de cohabitation entre personnes de même sexe. En outre, ce texte vise à imposer des peines d’emprisonnement à diverses personnes qui s’associent avec des LGBTI ou les aident.

Les individus ou groupes, y compris les prêtres et autres ecclésiastiques, qui « sont témoins et complices de la célébration d’un mariage ou d’une union entre personnes de même sexe » encourraient 10 ans de prison. La même sanction est prévue pour toute personne qui « fait directement ou indirectement étalage public d’une relation amoureuse homosexuelle » ou qui « fait enregistrer, gère ou fréquente des clubs, associations et organisations gays ».

Enfin, quiconque « soutient » des groupes, « défilés ou rassemblements » LGBTI serait également passible de 10 années de réclusion.

Le Code criminel applicable dans les États du Sud et le Code pénal en vigueur dans ceux du Nord prévoient déjà une peine maximale de 14 ans pour toute personne ayant des « relations charnelles » ou des « rapports charnels » « contre nature » avec une autre personne. Les organisations de défense des droits humains ont précisé qu’il s’agissait de dispositions datant de l’ère victorienne qui ont perduré après la fin de l’Empire colonial britannique.

La charia (loi islamique), mise en place dans le nord du Nigeria en 1999, érige en infraction la « sodomie », passible d’une peine de bastonnade, d’emprisonnement ou de mort par lapidation.

Actuellement, les mariages et les unions civiles entre personnes de même sexe ne sont pas reconnus au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, et aucune mesure n’est envisagée en vue de les légaliser.

« En raison de la formulation vague de la loi, un grand nombre de personnes seront soupçonnées de cohabiter en couple homosexuel ou de soutenir les relations homosexuelles », a noté Adebisi Alimi, un militant nigérian qui défend les droits des gays et les droits civiques.

Par ailleurs, cette loi irait à l’encontre des initiatives visant à couvrir une plus grande frange de la population en matière de santé publique au Nigeria.

Le Nigeria se place au troisième rang mondial quant au nombre de personnes vivant avec le VIH ou le sida, et son organisme national chargé de la lutte contre cette maladie a reconnu la nécessité de chercher à atteindre les populations à risque dans le cadre du travail de terrain concernant le VIH/sida, notamment les personnes ayant des relations homosexuelles. La nouvelle loi entraverait ces efforts en rendant passibles de poursuites les personnes qui mènent des actions en direction des LGBTI. Elle pousserait encore davantage dans la clandestinité certaines populations touchées par l’épidémie, qui craindraient alors d’être emprisonnées.

« Le gouvernement nigérian sait que sa législation pénale compromet déjà l’accès aux services et a reconnu la nécessité de diriger les services vers les populations à risque, a précisé Graeme Reid, directeur du programme Droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres à Human Rights Watch.

« Cependant, si cette loi entre en vigueur, ceux qui cherchent simplement à informer des personnes LGBTI pourraient se retrouver en prison – cela aura sûrement un effet dissuasif sur leur travail. »

Les organisations publiant l’appel au président Jonathan sont :

  • Amnesty International
  • Centre nigérian pour l’environnement, les droits humains et le développement (CEHRD)
  • Collaborative Media and Advocacy Platform (CMAP)
  • Human Rights Watch
  • Civil Society Legislative Advocacy Centre (CISLAC)
  • Projekt Hope/Nigeria HIV INFO
  • Queer Alliance Nigeria
  • Stakeholders Democracy Network (SDN)
  • The Initiative for Equal Rights (TIER)
  • Centre de recherche et de documentation pour les défenseurs des droits des femmes (WARDC)
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