Nicaragua. L’interdiction totale de l’avortement prive les femmes et jeunes filles de soins qui pourraient leur sauver la vie Les victimes d’inceste et de viol sont contraintes de mener à terme leur grossesse

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI
lundi 27 juillet 2009, 17h01 TU

Mexico – L’interdiction totale de l’avortement au Nicaragua met en danger la vie de femmes et de jeunes filles, les privant de soins médicaux qui pourraient leur sauver la vie, empêchant les professionnels de santé de pratiquer une médecine efficace et contribuant à l’augmentation de la mortalité maternelle dans le pays, a conclu Amnesty International dans un nouveau rapport publié ce lundi 27 juillet 2009.

Selon des chiffres officiels, 33 femmes et jeunes filles sont mortes au cours de leur grossesse depuis le début de l’année 2009, contre 20 sur la même période en 2008. Amnesty International estime que ces chiffres sont en-deçà de la réalité, le gouvernement lui-même ayant reconnu que le taux de mortalité maternelle est sous-évalué.

Le rapport intitulé The total abortion ban in Nicaragua : Women’s lives and health endangered, medical professionals criminalized est la première étude qu’Amnesty International consacre aux implications en termes de droits humains du refus de pratiquer l’avortement lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la jeune fille est en péril, y compris lorsqu’elle a été victime d’inceste ou de viol.

Au Nicaragua, le Code pénal révisé prévoit des peines d’emprisonnement pour les femmes ou les jeunes filles qui sollicitent une interruption de grossesse et pour les professionnels de santé qui prodiguent des soins liés à l’avortement. Seuls 3 p. cent des pays du monde maintiennent l’interdiction absolue de l’avortement.

D’après le nouveau Code pénal, des sanctions sont prévues pour le personnel soignant qui prodigue des soins à une femme ou une jeune fille enceinte souffrant de cancer, de paludisme, du VIH/sida ou de graves troubles cardiaques, si ce traitement est contre-indiqué en cas de grossesse et risque de nuire à la santé de l’embryon ou du fœtus ou de causer sa mort.

Le Code pénal prévoit même de sanctionner les femmes et les jeunes filles qui font une fausse couche, car il s’avère bien souvent impossible de faire la différence entre un avortement spontané ou provoqué.

Cette nouvelle loi entre en conflit avec les règles et protocoles obstétriques prescrits par le ministère nicaraguayen de la Santé, qui autorise les avortements thérapeutiques et les réponses cliniques à des cas spécifiques. Toutefois, les autorités se sont abstenues de donner aux médecins l’assurance qu’ils ne seraient pas poursuivis s’ils respectaient ces règles.

«  L’interdiction de l’avortement thérapeutique au Nicaragua est une honte. C’est un scandale en matière de droits humains, qui tourne la médecine en ridicule et fait de la loi une arme empêchant d’offrir des soins essentiels aux femmes et aux jeunes filles enceintes, a indiqué Kate Gilmore, secrétaire générale adjointe d’Amnesty International, lors d’une conférence de presse à Mexico, après s’être rendue au Nicaragua.

« Le Code pénal nicaraguayen est un artéfact inhumain et cynique des manigances politiques qui ont empreint les élections de 2006. Aujourd’hui, cependant, il sanctionne les femmes et les jeunes filles désireuses d’obtenir des soins susceptibles de leur sauver la vie et les médecins qui les leur prodiguent. »

Au Nicaragua, la délégation d’Amnesty International s’est entretenue avec des organisations de défense des droits humains, des professionnels de santé, des membres de l’Assemblée nationale et le ministre de la Santé. En dépit de demandes répétées, la commission Femmes de l’Assemblée nationale, le président Ortega et l’Institut pour les femmes de son gouvernement ont refusé de rencontrer l’organisation afin de discuter des répercussions de la loi sur les femmes, les jeunes filles et les fillettes, et sur les victimes de viol et d’inceste.

Les délégués d’Amnesty International ont rencontré des fillettes qui, après avoir subi des violences sexuelles infligées par des membres de leur famille ou des amis proches, ont été contraintes de mener leur grossesse à terme – donnant ainsi naissance dans de nombreux cas à leurs propres frères ou sœurs – parce qu’on leur avait refusé toute autre solution. Il est particulièrement inquiétant de constater une augmentation du nombre d’adolescentes enceintes qui se sont donné la mort par empoisonnement en 2008.

Des obstétriciens, des gynécologues et des médecins de famille ont affirmé à Amnesty International qu’en vertu de ce nouveau Code pénal, ils ne sont plus en mesure de prodiguer légalement des soins efficaces à des femmes et des jeunes filles enceintes atteintes de maladies potentiellement mortelles, en raison du risque qu’encourt le foetus.

Une femme médecin a expliqué qu’elle priait pour ne pas recevoir de patiente dont le fœtus serait atteint d’anencéphalie (ce qui signifie qu’il n’est pas viable), parce qu’elle redoutait de devoir lui annoncer qu’elle devrait poursuivre la grossesse jusqu’à son terme, en dépit des effets dévastateurs pour la patiente sur le plan physiologique et psychologique.

« Un seul mot peut décrire ce que nous avons constaté au Nicaragua : l’horreur, a poursuivi Kate Gilmore. Des fillettes sont contraintes de mener leur grossesse à terme. Les femmes enceintes sont privées des soins médicaux essentiels, y compris de traitements qui pourraient leur sauver la vie.

« Quelle solution ce gouvernement propose-t-il à une fillette de dix ans, enceinte parce qu’elle a été violée ? Et à une femme atteinte d’un cancer à qui on ne prodigue pas les soins qui pourraient lui sauver la vie simplement parce qu’elle est enceinte, alors que ses autres enfants l’attendent à la maison ?, s’est indignée Kate Gilmore.

« Les fillettes dont la grossesse est consécutive à un inceste ont eu le courage de nous rencontrer et de dénoncer cette situation – contrairement au président Ortega. Il semble que les autorités nicaraguayennes ne soient pas disposées à défendre la loi, à assumer la responsabilité de cette loi ni à s’engager à l’abroger immédiatement. »

Amnesty International exhorte les autorités nicaraguayennes à :
– abroger immédiatement la loi qui interdit toutes les formes d’avortement ;
– garantir des services d’avortement sûrs et accessibles aux victimes de viol et aux femmes dont la vie ou la santé est mise en péril par la poursuite de la grossesse ;
– protéger la liberté de parole des personnes qui dénoncent cette loi et offrir aux femmes et aux jeunes filles concernées tout le soutien dont elles ont besoin.

Enfin, Amnesty International demande à la Cour suprême du Nicaragua de se prononcer de toute urgence sur la légalité et la constitutionnalité de cette loi.

Vous pouvez consulter le document intitulé The total abortion ban in Nicaragua : Women’s lives and health endangered, medical professionals criminalized, en cliquant sur : www.amnesty.org.

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