NÉPAL : Des réfugiés bhoutanais rendus apatrides - Les principales ONG internationales critiquent le processus de sélection

Index AI : ASA 31/023/2003

Jeudi 19 juin 2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

La décision annoncée par les gouvernements du Bhoutan et du Népal de n’autoriser qu’une poignée de réfugiés bhoutanais à rentrer dans leur pays en conservant la totalité de leurs droits en tant que citoyens pourrait rendre apatrides des dizaines de milliers de réfugiés, ont déclaré ce jeudi 19 juin 2003 six organisations humanitaires internationales et groupes de défense des droits humains. Les réfugiés n’auront que quinze jours pour faire appel de la décision de les ranger dans telle ou telle catégorie à la fin du processus de sélection que les deux gouvernements ont mis en place depuis mars 2001.

Dans une déclaration conjointe, Amnesty International, Human Rights Watch, la Fédération luthérienne mondiale, Refugees International, le Comité américain pour les réfugiés et le Groupe de soutien aux réfugiés bhoutanais ont appelé les gouvernements des pays donateurs et les gouvernements de la région à accroître leur pression sur les gouvernements du Bhoutan et du Népal pour qu’ils trouvent une solution juste et équitable à la crise des réfugiés qui dure depuis trop longtemps.

« Les réfugiés bhoutanais attendent depuis plus de dix ans une solution à leur situation de détresse, a déclaré Rachel Reilly, chargée des questions concernant les réfugiés pour Human Rights Watch. Or il ne s’agit pas d’une solution mais d’une complète violation de leurs droits. »

Le Népal et le Bhoutan ont publié aujourd’hui les résultats du processus de vérification pilote pour un camp. Douze mille réfugiés y ont été classés en quatre catégories :

 deux et demi pour cent des réfugiés (ce qui représente 293 personnes seulement) ont été classés en catégorie I : citoyens bhoutanais à part entière, ils pourraient être rapatriés au Bhoutan ;

 soixante-dix pour cent ont été classés en catégorie II : réfugiés ayant « volontairement émigré » du Bhoutan, ils devraient refaire une demande de nationalité bhoutanaise. La procédure à suivre pour retrouver sa nationalité, sa terre et ses biens est encore floue et pourrait faire l’objet d’une décision lors des pourparlers prévus entre les deux gouvernements en août ;

 vingt-quatre pour cent ont été classés en catégorie III : étrangers dont la demande de nationalité bhoutanaise n’a pas été acceptée, ils seraient rapatriés vers leurs pays respectifs ;

 trois pour cent ont été classés en catégorie IV : considérés comme « ayant commis des actes criminels », ils pourraient être jugés par les tribunaux bhoutanais.

Plus de 100 000 réfugiés d’origine népalaise qui étaient installés dans le sud du Bhoutan, vivent depuis plus de douze ans maintenant dans des camps du sud-est népalais après avoir été arbitrairement dépouillés de leur nationalité et contraints de fuir le Bhoutan au début des années 90. La situation des réfugiés bhoutanais a donné lieu à l’une des crises les plus longues et les plus négligées parmi celles qui concernent des réfugiés dans le monde.

« Cette décision envoie un message aux autres gouvernements ; il serait acceptable légalement de priver arbitrairement tout un groupe de personnes de même origine de leur nationalité, de les expulser de leur pays et de refuser d’accepter qu’ils reviennent », a déclaré Ingrid Massage, directeur par intérim du programme Asie-Pacifique à Amnesty International. Les pays donateurs pour la Bhoutan ne devraient pas avaliser un processus qui pourrait rendre apatrides des dizaines de milliers de personnes. »

Les organisations non-gouvernementales (ONG) dénoncent le temps qu’il a fallu aux deux gouvernements pour achever le processus de vérification au camp de Khudunabari, ainsi que l’absence de transparence et le manque de contrôle international. Bien que le haut-commissaire des Nations unies aux réfugiés gère les camps de réfugiés bhoutanais depuis le début de la crise en 1991, il a été systématiquement exclu par les deux gouvernements et n’a pu jouer aucun rôle dans le processus de détermination du statut des personnes et leur rapatriement.

Les ONG ont critiqué les résultats du processus de vérification soulignant que le classement en quatre catégories comportait de sérieuses lacunes. Des réfugiés dont la demande de nationalité n’avait pas été acceptée pouvaient avoir été privés arbitrairement de leur nationalité avant leur expulsion du Bhoutan en raison de la nature et de l’application discriminatoire des lois sur la citoyenneté bhoutanaise. En outre, beaucoup des réfugiés enregistrés comme ayant volontairement émigré du Bhoutan avaient en fait été forcés de signer des formulaires « d’émigration volontaire » avant leur expulsion. Enfin les réfugiés désignés comme « ayant commis des actes criminels » lors de la répartition par catégories avaient toutes les chances d’avoir été des militants politiques en faveur de la démocratie courant le risque de procès inéquitables en l’absence de procédures régulières s’ils retournaient au Bhoutan.

Le groupe des ONG a souligné que les réfugiés bhoutanais devraient pouvoir faire appel dans le cadre d’une procédure régulière, équitable et impartiale, et disposer de suffisamment de temps pour préparer leur dossier avec possibilité de demander un avis indépendant. Actuellement, ils n’ont que quinze jours pour faire appel de la décision qui les range dans l’une ou l’autre des catégories ; ce sont les mêmes personnes qui jugent des catégories et de l’appel ; l’appel ne peut être examiné que sur la base de nouvelles preuves authentiques. Les ONG ont déclaré être inquiètes du nombre élevé de réfugiés contraints de refaire une demande de nationalité qui pourraient avoir à faire face à des obstacles difficiles à surmonter du fait des exigences très lourdes du Bhoutan en matière de nationalité et des dispositions arbitraires de sa législation en ce domaine.

Amnesty International, Human Rights Watch, la Fédération luthérienne mondiale, Refugees International, le Comité américain pour les réfugiés et le Groupe de soutien aux réfugiés bhoutanais ont appelé les gouvernements des pays donateurs et les gouvernements de la région à accroître leur pression sur les gouvernements du Bhoutan et du Népal pour qu’ils :

 invitent le HCR à aider aux opérations de vérification et de rapatriement et à en effectuer le contrôle ;

 mettent en place un processus d’appel équitable et indépendant accordant suffisamment de temps aux réfugiés pour présenter leur appel à une tierce partie indépendante ;

 respectent les droits des réfugiés bhoutanais, y compris le droit de rentrer dans leur propre pays et le droit de ne pas devenir apatride.

« Le monde a trop longtemps négligé les réfugiés bhoutanais, a déclaré Peter Prove, assistant du secrétaire général de la Fédération luthérienne mondiale. Les gouvernements du Bhoutan et du Népal ont failli à leur mission et n’ont pas proposé de solution acceptable. La communauté internationale doit maintenant intervenir et exiger que les droits des réfugiés soient respectés. »

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