Myanmar, Le gouvernement n’a pas pris les mesures de protection des Rohingyas ordonnées par la CIJ

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Avant le 23 mai 2020, le Myanmar doit rendre compte de ce qu’il a fait pour se conformer à la décision de la Cour internationale de justice (CIJ) lui ordonnant de prendre des « mesures conservatoires » pour protéger les Rohingyas.

« Malgré l’ordonnance de la Cour internationale, rien n’a changé pour les quelque 600 000 Rohingyas qui vivent dans des conditions déplorables dans l’État d’Arakan, dont 126 000 environ sont détenus dans des camps par les autorités pour une durée indéterminée, a déclaré Nicholas Bequelin, directeur régional d’Amnesty International.

« Les Rohingyas de l’État d’Arakan sont toujours privés du droit à une nationalité, du droit de circuler librement et de l’accès aux services, dont les soins de santé. Ils sont aussi pris dans un conflit armé qui s’intensifie »

« Les Rohingyas de l’État d’Arakan sont toujours privés du droit à une nationalité, du droit de circuler librement et de l’accès aux services, dont les soins de santé. Ils sont aussi pris dans un conflit armé qui s’intensifie entre l’armée du Myanmar et l’Armée d’Arakan.

« Les coupures d’Internet privent les Rohingyas et les autres minorités de l’État d’Arakan et de l’État chin d’informations vitales et empêchent la surveillance de la situation humanitaire sur le terrain. Cette privation d’informations met les gens en grand danger, en particulier en lien avec la pandémie de COVID-19.

« Si les récentes directives de la présidence du Myanmar ordonnant aux agents gouvernementaux de ne pas commettre de génocide ni détruire des preuves semblent conformes à l’ordonnance de la CIJ, en réalité aucune mesure sérieuse n’a été prise pour mettre un terme aux atrocités – dont le crime d’apartheid.

« Une autre directive ordonnant aux agents de l’État de cesser de tenir des “discours de haine ” était attendue de longue date, mais elle manque de garde-fous garantissant qu’elle ne sera pas utilisée pour réduire encore davantage la liberté d’expression. Sans véritable suivi ni réelle transparence concernant la manière dont le Myanmar se conforme à l’ordonnance de la CIJ, ces mesures ne peuvent qu’être considérées comme de la poudre aux yeux.

« Tant que les responsables de crimes de droit international ne seront pas véritablement amenés à rendre des comptes, il y aura peu d’espoir de voir s’améliorer la vie des Rohingyas et des autres minorités ethniques dans l’État d’Arakan, l’État kachin et le nord de l’État chan. Ces populations sont toujours victimes de violations généralisées des droits humains aux mains des autorités du Myanmar. Amnesty International appelle une nouvelle fois le Conseil de sécurité des Nations unies à saisir la Cour pénale internationale de la situation au Myanmar. »

Complément d’information

Le 11 novembre 2019, la Gambie a saisi la CIJ au motif que le Myanmar ne respectait pas ses obligations au regard de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. Elle demandait notamment à la CIJ d’ordonner de toute urgence des « mesures conservatoires » pour empêcher la perpétration de tout acte pouvant s’apparenter ou contribuer au crime de génocide contre les Rohingyas et pour protéger ce peuple de nouvelles atrocités, en attendant qu’il soit statué sur le fond de l’affaire.

Des audiences publiques sur les mesures conservatoires se sont tenues à La Haye du 10 au 12 décembre 2019. La délégation du Myanmar, menée par la conseillère d’État Aung San Suu Kyi, a nié les accusations de génocide et appelé la CIJ à rejeter l’affaire et la demande de mesures conservatoires.

Le 23 janvier 2020, la CIJ a pris des mesures conservatoires et ordonné au Myanmar de rendre compte de leur mise en œuvre dans les quatre mois, puis tous les six mois jusqu’à la conclusion de l’affaire. Dans son ordonnance, elle a demandé au Myanmar de « prendre toutes les mesures en son pouvoir » pour protéger les Rohingyas du génocide, pour assurer la conservation des preuves relatives aux allégations de génocide et pour empêcher toute incitation publique à commettre un génocide.

Cette ordonnance a été rendue quelques jours seulement après que la commission d’enquête indépendante mise en place par le gouvernement du Myanmar a présenté au président son rapport final sur l’État d’Arakan. Cette commission a conclu que les forces de sécurité s’étaient peut-être rendues coupables de crimes de guerre et d’un « recours disproportionné à la force », mais a indiqué n’avoir trouvé aucune preuve d’intention génocidaire. La version intégrale de son rapport n’a toujours pas été rendue publique.

Depuis février 2020, les combats se sont intensifiés dans l’État d’Arakan et l’État chin voisin entre l’armée du Myanmar et l’Armée d’Arakan, un groupe armé de l’ethnie rakhine. Des informations ont fait état de graves violations et d’une hausse du nombre de victimes civiles, parmi lesquelles un membre du personnel de l’Organisation mondiale de la santé tué lors d’affrontements le 20 avril. Les deux camps se sont rejeté mutuellement la responsabilité de cette attaque.

Le cessez-le-feu adopté en raison de la pandémie de COVID-19 ne s’applique pas aux régions dans lesquelles l’armée du Myanmar combat l’Armée d’Arakan, considérée comme une « organisation terroriste » par les autorités.

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