Maroc. Wafae Charaf et Oussama Housne doivent être libérés

Un an après la condamnation en appel de Wafae Charaf à deux ans d’emprisonnement, 202 168 membres, sympathisants et militants d’Amnesty International, issus de 150 pays dans le monde, demandent la libération immédiate et sans condition de cette militante marocaine, ainsi que d’Oussama Housne, un autre militant. Amnesty International les considère comme des prisonniers d’opinion.

Wafae Charaf (28 ans) a affirmé avoir été enlevée et maltraitée par des inconnus après avoir participé à une manifestation ouvrière à Tanger, le 27 avril 2014. Elle a déclaré qu’on l’avait rouée de coups et menacée d’autres sévices si elle ne cessait pas de militer. Elle a porté plainte auprès des autorités judiciaires, qui ont ouvert une enquête sur l’agression dont elle déclarait avoir été victime mais, avant la fin de l’enquête, elle a été arrêtée, placée en détention et inculpée pour avoir porté plainte pour des faits qui n’ont pas eu lieu et pour dénonciation calomnieuse. Le 12 août 2014, un tribunal de Tanger l’a condamnée à un an d’emprisonnement pour avoir porté plainte pour des faits qui n’ont pas eu lieu, pour faux témoignage et pour dénonciation calomnieuse. Il lui a également ordonné ainsi qu’à l’accusé jugé en même temps qu’elle de verser 50 000 dirhams (environ 6 000 USD) de dommages et intérêts à la police marocaine, alors qu’elle n’avait pas accusé les forces de l’ordre. Le 21 octobre 2014, sa peine a été portée à deux ans en appel.

Oussama Housne (23 ans) a affirmé avoir été enlevé et torturé le 2 mai 2014, alors qu’il quittait une manifestation organisée en solidarité avec des militants détenus du Mouvement du 20 février à Casablanca. Des hommes l’auraient brûlé avec une barre de fer chauffée et l’auraient violé avec leurs doigts. Filmées par un autre militant, les déclarations d’Oussama ont été postées sur YouTube, ce qui a conduit les autorités judiciaires à ouvrir une enquête. Celle-ci a conclu que le jeune homme n’avait pas été torturé et il a été inculpé pour avoir porté plainte pour des faits qui n’ont pas eu lieu et pour dénonciation calomnieuse. Le 23 juillet 2014, un tribunal de Casablanca l’a déclaré coupable de ces deux chefs d’inculpation et l’a condamné à trois ans d’emprisonnement. Il lui a également ordonné de verser 100 000 dirhams de dommages et intérêts à la police marocaine, alors qu’il ne parlait que d’agresseurs inconnus dans la vidéo postée sur YouTube. Sa condamnation a été confirmée en appel en mars 2015.

Wafae Charaf et Oussama Housne ne sont pas des cas isolés. Plusieurs autres personnes qui ont signalé des actes de torture, ou déposé des plaintes pour ce type de faits devant la justice marocaine ou à l’étranger, ont été la cible d’une contre-attaque des autorités qui ont, à leur tour, porté plainte et engagé des poursuites judiciaires pour « fausse dénonciation d’une infraction » et pour « dénonciation calomnieuse », comme l’explique Amnesty International dans son rapport L’ombre de l’impunité. La torture au Maroc et au Sahara occidental rendu public en mai 2015.

Le chef d’accusation de « fausse dénonciation » ne devrait jamais être utilisé contre des personnes qui se plaignent d’avoir été victimes de torture. Même une fausse dénonciation de torture qui porte atteinte à la réputation d’un individu devrait faire l’objet d’une procédure civile et non constituer une infraction pénale passible de poursuites. Les victimes de torture et d’autres mauvais traitements au Maroc et au Sahara occidental doivent avoir la certitude qu’elles peuvent signaler les sévices endurés sans craindre d’être poursuivies en justice ou de subir d’autres représailles.

En tant qu’État partie à la Convention des Nations unies contre la torture et à son Protocole facultatif, le Maroc est tenu de protéger les personnes qui signalent des faits de tortures et d’autres mauvais traitements contre toute forme de représailles ou d’intimidation. Ils ne doivent pas notamment être menacés de contre-accusations. En lançant de fausses accusations contre les plaignants, les autorités marocaines ont toutes les chances de semer la peur chez les victimes de tortures et autres mauvais traitements et d’encourager l’impunité de leurs auteurs.

Complément d’information

Plusieurs dispositions du Code pénal marocain mettent en danger celles et ceux qui dénoncent des violations des droits humains et restreignent leur droit à la liberté d’expression. Les articles 263 et 264 du Code pénal définissent comme outrage à agent de la force publique la dénonciation d’une infraction imaginaire, et prévoient des peines allant d’un mois à un an de prison, assorties d’une amende. L’article 445 du Code pénal relatif aux fausses dénonciations et aux dénonciations calomnieuses prévoit des peines allant de six mois à cinq ans d’emprisonnement et des amendes. Amnesty International engage les autorités marocaines à saisir l’occasion qui leur est donnée par les réformes juridiques en cours pour procéder à une révision du Code pénal dans le respect des droits humains.

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