Maroc : La condamnation d’un avocat défenseur des droits humains du Hirak établit un dangereux précédent

La condamnation de l’avocat défenseur des droits humains Abdessadak El Bouchattaoui par un tribunal marocain pour ses publications en ligne est une manœuvre visant à faire taire toute critique sur la manière dont les forces de sécurité gèrent les manifestations du Hirak, dans la région du Rif, a déclaré Amnesty International le 19 février 2018.

Le 8 février, le tribunal de première instance d’Al Hoceïma a condamné Abdessadak El Bouchattaoui à 20 mois de prison et à une amende de 500 dirhams (environ 50 dollars américains). Il était accusé d’avoir posté sur Facebook des informations sur des violations des droits humains et d’avoir critiqué les forces de sécurité. Il était notamment inculpé d’« outrage à des représentants de l’État », « menace et outrage à des organes publics » et « contribution à l’organisation d’un rassemblement non autorisé et interdit ». Cette dernière accusation faisait référence à une publication sur Facebook, dans laquelle il déclarait qu’il participerait à une manifestation locale le 20 juillet 2017 en tant qu’observateur.

Dans le cadre de la répression générale visant les manifestations du Hirak, les autorités harcèlent désormais ceux qui défendent les manifestants du Hirak et ont convoqué au moins deux autres avocats spécialisés dans la défense des droits humains en raison de leurs publications sur Facebook. Entre mai et novembre 2017, les forces de sécurité ont arrêté au moins 410 personnes pour des accusations en lien avec les manifestations. Plus d’une dizaine de manifestants sont actuellement jugés pour avoir exercé leur droit de réunion pacifique et encourent jusqu’à 20 ans d’emprisonnement. D’autres, dont des mineurs, ont été placés en détention provisoire pendant des périodes allant jusqu’à six mois.

Le tribunal a présenté à titre de preuves 114 posts d’Abdessadak El Bouchattaoui publiés sur son compte Facebook personnel, ainsi que des commentaires adressés à des médias nationaux, dans lesquels il critiquait le recours à la force excessive par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques.

Abdessadak El Bouchattaoui restera en liberté jusqu’à ce que son appel soit jugé. Il a déclaré à Amnesty International : « C’est la première fois depuis les années 1980 [la période des ʺ Années de plomb ʺ au Maroc] qu’un verdict est prononcé contre un avocat uniquement sur la base de ses opinions. Cette sentence est arbitraire, inique et bafoue la liberté d’expression. C’est une décision politique et nous allons faire appel.  »

Abdessadak El Bouchattaoui a été interrogé au poste de Tétouan à trois reprises au sujet de 150 autres publications sur Facebook critiquant la réponse répressive des autorités face aux manifestations pacifiques dans le Rif. En juillet 2017, Abdelaziz Nouaydi, lui aussi avocat défenseur des droits humains, a été passé à tabac par la police alors qu’il manifestait.

Certain articles du Code pénal, comme les articles 263 et 265, criminalisent l’exercice du droit à la liberté d’expression, en violation de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Maroc est partie, et vont également à l’encontre de l’article 25 de la Constitution marocaine de 2011, qui garantit les libertés de pensée, d’opinion et d’expression sous toutes leurs formes.

Amnesty international engage les autorités à annuler immédiatement la condamnation d’Abdessadak El Bouchattaoui et de tous les manifestants pacifiques, défenseurs des droits humains et journalistes poursuivis ou détenus uniquement parce qu’ils ont exercé sans violence leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

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