Communiqué de presse

Malte. Les expulsions collectives, les renvois forcés et le non-respect du principe de non-refoulement ne doivent jamais être considérés comme des solutions

Amnesty International est préoccupée par les déclarations du Premier ministre de Malte entre le 4 et le 9 juillet 2013, indiquant que le pays pourrait procéder au refoulement de bateaux transportant des étrangers et à des expulsions collectives de personnes se trouvant déjà sur le territoire maltais. Mardi 9 juillet, le gouvernement a fait savoir qu’il étudiait « toutes les solutions » pour faire face à l’afflux récent d’étrangers sur l’île. Le même jour dans la matinée, 102 ressortissants somaliens, dont des femmes et des enfants en bas âge, étaient arrivés sur l’île après avoir été secourus par les forces armées maltaises, d’après les données du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). L’arrivée cinq jours auparavant d’un autre groupe de 291 personnes, dont 282 Érythréens (toujours d’après les chiffres du HCR), avait amené le gouvernement à déclarer qu’il envisageait de refouler des bateaux, c’est-à-dire de les intercepter avant qu’ils n’atteignent le rivage et de renvoyer leurs passagers vers leur lieu d’embarquement. Les Somaliens du sud et du centre de la Somalie et les Érythréens peuvent généralement prétendre à une protection internationale en tant que réfugiés, ou à d’autres mesures de protection supplémentaires.

Les représentants du HCR à Malte ont pu entrer en contact avec environ la moitié des personnes débarquées le 9 juillet, peu après leur arrivée. Cependant, dans l’après-midi, ils n’avaient toujours pas eu accès au reste du groupe, incarcéré dans des centres de détention de la police. Conformément aux obligations incombant à Malte au titre de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole de 1967, un accord entre le gouvernement et le HCR ainsi que la législation maltaise en matière de réfugiés et d’immigration disposent que le personnel du HCR doit pouvoir librement entrer en contact avec les réfugiés et toute personne relevant de la compétence du HCR.

Amnesty International est préoccupée par le fait que le gouvernement a déclaré envisager « toutes les solutions », laissant entendre qu’il n’excluait pas de mener des expulsions collectives. De telles pratiques seraient contraires à l’article 4 du Protocole n° 4 à la Convention européenne des droits de l’homme, ratifié par Malte, et violeraient en outre le principe de non-refoulement. Ces préoccupations sont d’autant plus fortes que, selon certaines informations, le gouvernement avait affrété deux avions de la compagnie Air Malta pour renvoyer la nuit même vers la Lybie une partie des Somaliens arrivés à Malte le 9 juillet (45 d’entre eux, selon les chiffres des médias). Ces informations avaient amené les avocats à demander à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de prendre des mesures provisoires pour empêcher les expulsions.

Dans l’après-midi du 9 juillet, la CEDH a accédé à la demande des avocats et enjoint Malte de ne pas renvoyer les réfugiés vers la Lybie tant que leurs dossiers n’auraient pas fait l’objet d’une évaluation en bonne et due forme. Si le gouvernement a déclaré qu’il respecterait les mesures provisoires et ses obligations internationales, il a répété que toutes les solutions étaient examinées, cherchant ainsi à attirer l’attention des institutions de l’Union européenne sur le « fardeau » que Malte doit assumer sans recevoir une aide suffisante de la communauté internationale.

Amnesty International prend note de la décision du gouvernement de respecter ses obligations internationales et reconnaît le défi important auquel Malte est confronté en raison de sa situation géographique. Toutefois, l’organisation reste préoccupée par le fait que le gouvernement puisse avoir envisagé d’expulser de façon illégale et sommaire des étrangers, en particulier vers un pays qui ne dispose pas d’un régime national d’asile et dans lequel ils sont exposés à un risque avéré de graves atteintes aux droits humains. Les étrangers présents en Libye - en particulier les personnes en provenance d’Afrique subsaharienne - risquent en permanence d’être victimes d’exploitation ; d’arrestations arbitraires ; de placements en détention pour une durée illimitée dans des conditions éprouvantes et sans la possibilité de consulter un avocat ou de comparaître devant un juge ; d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements et d’expulsions pour raisons médicales. Depuis de nombreuses années, Amnesty International rassemble des informations sur les violations des droits humains et les exactions dont sont victimes les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants en Lybie. L’organisation a récemment publié un rapport à ce sujet en juin 2013, intitulé Scapegoats of fears, Rights of refugees, asylum-seekers and migrants abused in Libya (index : MDE 10/007/2013).

Amnesty International déplore également que les personnes concernées n’aient pas été autorisées à contacter immédiatement et sans restriction le personnel du HCR, et qu’elles aient été maintenues dans l’incertitude concernant le sort qui leur serait réservé.

Amnesty International engage le gouvernement maltais à :

- garantir que tous les migrants arrivés sur l’île ces derniers jours puissent contacter sans délai le personnel du HCR et des avocats, et bénéficier d’une procédure équitable et efficace de détermination du statut de réfugié ;

- s’engager expressément, notamment dans le cadre de son prochain Examen périodique universel par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, à ne jamais avoir recours aux refoulements ou aux expulsions collectives, ainsi qu’à prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les étrangers se trouvant sur le territoire maltais bénéficient d’une procédure équitable et efficace de détermination du statut de réfugié ;

- prendre toutes les initiatives qui s’imposent pour garantir que les opérations de recherche et de sauvetage soient conformes au droit international relatif aux droits humains et aux réfugiés ainsi qu’à la législation européenne, en particulier concernant l’accès à l’asile et la protection contre le renvoi dans un pays où il existe un risque réel de persécution ou d’autres graves atteintes aux droits humains ;

- veiller à ce que toutes les décisions portant sur l’octroi d’une protection internationale soient conformes au droit international relatif aux droits humains et aux réfugiés, ainsi qu’aux obligations incombant à Malte au titre de la législation européenne en matière d’asile ;

- procéder aux modifications législatives nécessaires pour que tous les étrangers qui arrivent à Malte bénéficient des garanties prévues par la directive « retour » de l’Union européenne, quels que soient leurs statuts et la façon dont ils sont entrés sur le territoire maltais ;

- mettre fin à la mise en détention obligatoire des demandeurs d’asile et des « migrants irréguliers », et adopter des mesures de remplacement efficaces permettant d’éviter la détention et l’expulsion, conformément au droit international relatif aux droits humains et aux réfugiés, ainsi qu’aux normes de l’Union européenne.

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