Les arrestations se multiplient depuis la manifestation pacifique organisée par des agriculteurs

Les arrestations se multiplient depuis la manifestation pacifique organisée par des agriculteurs de la région du Kouban, dans le sud de la Russie. Les personnes interpellées sont placées en détention dite « administrative » à Rostov-sur-le-Don et dans la région de Krasnodar, en violation flagrante de leurs droits à la liberté d’expression et de rassemblement pacifique. Toutes les personnes détenues à la suite de cette manifestation non violente d’agriculteurs doivent être remises en liberté immédiatement et sans conditions, car leur seul tort est d’avoir voulu exercer pacifiquement leurs droits fondamentaux.

Andreï Bazoutine, Arkadi Mochnikov, Sergueï Roudametkine et Nadejda Kourajkovskaïa, quatre membres de l’Association du transport routier de Russie, un syndicat indépendant, ont été arrêtés arbitrairement le 2 septembre, à 6 heures du matin, et placés en détention pour participation à « une réunion non autorisée ». Les autorités avaient déjà procédé à plusieurs autres interpellations dans le cadre de cette affaire. Ces quatre chauffeurs routiers étaient venus de Moscou et d’autres villes de Russie et s’étaient installés dans un parc de poids lourds situé à Rostov-sur-le-Don, en solidarité avec plusieurs de leurs collègues arrêtés les jours précédents.

Tout a commencé le 21 août, lorsqu’un convoi d’agriculteurs de Kazanskaïa, un village du territoire de Krasnodar, composé de 17 tracteurs et de quelques voitures, s’est mis en route, avec pour objectif de rallier Moscou, à 1 300 kilomètres de là. Les manifestants voulaient aller protester auprès du président Vladimir Poutine en personne, pour dénoncer la complicité de certains responsables et de certains magistrats locaux dans des opérations d’appropriation illégale de terres par de grands groupes agricoles. Le convoi a été arrêté le 22 août près de Rostov-sur-le-Don par une centaine de policiers.

Le représentant présidentiel plénipotentiaire régional a rencontré le jour même et à plusieurs reprises les manifestants dans un restaurant routier et a promis d’examiner leurs revendications. Toutefois, après son départ, les agriculteurs ont été retenus jusqu’au lendemain matin dans un motel voisin par des membres des unités spéciales du ministère de l’Intérieur. La plupart d’entre eux ont été arrêtés le 23 août et inculpés d’atteinte à la Loi sur les rassemblements publics, un acte considéré comme une infraction administrative. Selon l’acte d’inculpation, la « réunion non autorisée » aurait eu lieu dans l’enceinte du restaurant routier (où les manifestants ont rencontré les représentants de l’État) et aurait été dispersée par la police.

Le lendemain, trois des manifestants – Sergueï Vladimirov, Nikolaï Maslov et Oleg Petrov – ont été condamnés à 10 jours de détention administrative. Dix autres personnes, dont le leader du mouvement des « Agriculteurs polis », Alexeï Voltchenko, ont été condamnées à des amendes comprises entre 10 000 et 30 000 roubles. La répression contre les agriculteurs contestataires s’est poursuivie au cours des jours qui ont suivi.

Alexeï Voltchenko a de nouveau été arrêté le 25 août, non loin de son domicile. Il a été inculpé, au titre d’une loi répressive entrée en vigueur en mars 2016 et interdisant les cortèges de véhicules dans le cadre de rassemblements et de manifestations. Il a été condamné le lendemain par le tribunal du district de Kavkaz (territoire de Krasnodar) à 10 jours de détention administrative, pour avoir pris part à un « rassemblement public non autorisé ». Roustam Mallamagomedov, membre de l’Association du transport routier de Russie, a été jugé en son absence. Frappé par des policiers lors de l’intervention qui visait à stopper le convoi, le 22 août, il se trouvait à l’hôpital au moment de son procès.

Les 27 et 28 août, 11 autres militants – Oleg Lounev, Andreï Pezine, Viatcheslav Petrovski, Semion Smikov, Sergueï Gorbatchev, Sergueï Gerassimenko, E. Mirochnik, N. Svetlitchni, Victor Zelenski, Vladimir Pavlov et S. Vatouline – ont été condamnés par le même tribunal à des peines allant de trois à 10 jours de détention administrative.

Alexeï Voltchenko a plaidé coupable lors de son premier procès. Les fonctionnaires qui avaient mené son interrogatoire avaient apparemment menacé de le faire inculper au pénal, au titre « de la législation sur l’extrémisme ». Son avocat a indiqué à Amnesty International qu’il n’était pas en mesure de confirmer ni d’infirmer cette information. Il estimait cependant que la présence d’un agent du Service fédéral de sécurité (FSB) lors de l’interrogatoire n’était pas innocente.

L’Association du transport routier a été créée au lendemain d’une vague de protestations de la part des chauffeurs routiers, en décembre 2015, contre la mise en place d’une nouvelle taxe pour les poids lourds.

Les manifestations pacifiques sont de plus en plus nombreuses en Russie, sur fond de mécontentement croissant face à la situation économique et à la corruption.

Lioudmilla Voltchenko, la mère d’Alexeï Voltchenko, a déclaré à Amnesty International que des responsables des pouvoirs publics locaux s’étaient entendus avec un grand groupe agricole de la région pour leur prendre des terres qui leur appartenaient. Dans certains cas, des canaux auraient été creusés pour bloquer l’accès aux parcelles. Les agriculteurs avaient tenté de faire valoir leurs droits devant les tribunaux, mais leurs recours n’avaient pas été traités de manière équitable. « Les tribunaux ont rejeté nos demandes, alors que nous avions 20 personnes prêtes à témoigner en notre faveur », a expliqué Lioudmilla Voltchenko à Amnesty International.

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