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Le problème avec les services secrets, c’est le secret

Par Harriet Garland, attachée de presse à Amnesty International Royaume-Uni.

Lundi 14 juillet, les agences britanniques du renseignement et leurs ministres de tutelle se trouveront sous le feu des projecteurs dans le cadre d’une procédure historique visant à déterminer si la surveillance de masse des communications est légale.

Grâce aux révélations du lanceur d’alerte Edward Snowden, rendues publiques l’an dernier, nous savons que les agences du renseignement des États-Unis et du Royaume-Uni menaient des programmes de surveillance d’une grande ampleur impliquant l’interception et la collecte d’échanges privés entre citoyens.

Avec l’audience de cette semaine, c’est la première fois depuis ces révélations que les agences britanniques, en particulier le notoirement louche Quartier général des communications du gouvernement (GCHQ), comparaissent publiquement pour répondre d’accusations directes et expliquer leur position sur la globalité des opérations de surveillance de masse.

Le problème avec les services secrets, ceci dit, c’est le secret.

Il est très difficile de se prononcer sur la légalité d’un programme de surveillance lorsque les personnes ayant mis celui-ci en œuvre refusent de reconnaître son existence.

Le programme britannique, nommé TEMPORA, suscite la controverse depuis le début de la procédure. Le GCHQ refuse d’admettre son existence, bien qu’il l’ait tacitement fait en défendant sa raison d’être sur le plan juridique.

Il justifiera donc la nécessité de la mise en œuvre d’un programme de surveillance qu’il ne reconnaît pas avoir mis en œuvre. De plus en plus curieux.

Cela me fait penser à l’aveu sous forme de déni de Billy Bunter, écolier imaginaire créé par l’auteur anglais Charles Hamilton : « Mais je ne l’ai jamais vu, votre affreux gâteau à la crème, et quand je l’ai vu je ne l’ai pas mangé.  »

Cela ne veut pas dire qu’ils nient tout en bloc. Ni qu’ils confirment. La première règle en ce qui concerne Tempora, semble-t-il, c’est… On ne peut ni confirmer ni nier son existence.

C’est toujours le même refrain avec les agences du renseignement, qui ne sont pas en mesure de « confirmer ni d’infirmer » grand-chose. On frôle le ridicule.

Le magazine américain Wired a indiqué que lors d’une audience préliminaire en février, une discussion joviale avait eu lieu sur la prononciation de Tempora, notamment s’il fallait placer l’accent tonique sur « Tem » ou « por ». Lorsqu’il a été demandé si le nom de code avait été prononcé correctement, les avocats du gouvernement n’ont pu… ni confirmer ni infirmer.

Pendant que tout cela sera discuté devant la justice cette semaine, un « débat » aura lieu au Parlement mardi 15 juillet sur un nouveau projet de loi d’« urgence » portant sur la conservation des données et les pouvoirs d’enquête, qui a été présenté dans la précipitation la semaine dernière.

Je dis « débat »parce que ce texte bénéficie apparemment déjà du soutien de tout l’échiquier politique. Je dis d’« urgence » parce qu’il y avait amplement le temps de mener une consultation sur ce projet de loi, mais le gouvernement préfère manifestement les accords discrètement conclus en coulisses.

Alors le moment choisi pour l’adoption de cette nouvelle loi - qui coïncide donc avec une procédure historique d’examen des opérations de surveillance - relève-t-il simplement de la coïncidence ? Le Professeur Heather Brooke, qui devait faire partie d’un groupe d’experts chargés de mener une évaluation indépendante des opérations de surveillance, en analysant ce qui s’est passé jusqu’à présent et en prodiguant des conseils sur la ligne de conduite à adopter à l’avenir, pense que non. Elle a déclaré à l’Evening Standard : « Lundi s’ouvre une procédure judiciaire dans laquelle Liberty, Privacy International et Amnesty International remettent en question le bien-fondé de l’interception et de la collecte de masse d’informations auxquelles se livre le GCHQ. »

« Le gouvernement semble très inquiet à l’idée que l’Investigatory Powers Tribunal puisse déterminer que ce qu’il a fait est illégal. »

En voilà une théorie intéressante sur les motivations de notre gouvernement. Une théorie que je ne peux, pour ma part, ni confirmer ni infirmer.

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