Communiqué de presse

La Grèce doit retirer la mesure sur le dépistage obligatoire du VIH et mettre un terme au harcèlement des femmes transgenres

La réintroduction par le ministre grec de la Santé de la réglementation sur la transmission des maladies infectieuses expose les groupes vulnérables, notamment les travailleurs du sexe, les personnes séropositives aux VIH et les consommateurs de drogues injectables, à une discrimination et une stigmatisation accrues. Amnesty International demande aux autorités grecques d’abroger immédiatement la mesure et de mettre un terme à ces pratiques discriminatoires, qui sont contraires aux obligations européennes et internationales en matière de droits humains.

La mesure réglementaire prononcée par le nouveau ministre grec de la Santé, Adonis Georgiadis, intervient alors que la police de Salonique multiplie depuis la fin mai les contrôles d’identité arbitraires contre les femmes transgenres.

Des représentants de l’Association grecque de soutien aux personnes transgenres ont déclaré à Amnesty International que 25 femmes transgenres de Salonique avaient ainsi été interpellées pour un contrôle d’identité, puis conduites au poste de police et détenues arbitrairement pendant plusieurs heures, avant d’être remises en liberté. Les contrôles se poursuivent, selon l’association. L’avocate Elektra Koutra, qui représente l’association, a par ailleurs expliqué à Amnesty International que, s’étant rendue à un poste de police de Salonique en juin dernier pour assister certaines de ses clientes, elle avait été détenue arbitrairement et avait fait l’objet d’intimidations de la part de policiers.

Le ministre de l’Ordre public et de la Protection du citoyen a tenté de justifier ces actes en indiquant qu’il s’agissait d’« améliorer l’image » de certains quartiers de Salonique. Ces mesures, a-t-il expliqué, interviennent dans le cadre de la lutte contre la prostitution et ont pour objectif d’améliorer la sécurité et « l’image » de la ville.

À la suite de l’adoption initiale de la mesure, en mai 2012, des centaines de travailleurs du sexe, de toxicomanes et de migrants supposés avaient été interpellés, conduits au poste et soumis de force à un test de dépistage du VIH. La réglementation avait été suspendue il y a un mois par la précédente vice-ministre de la Santé, Fotini Skopouli, à la suite des nombreuses critiques formulées par des organes internationaux chargés des droits humains ainsi que par des organisations non gouvernementales nationales et internationales, parmi lesquelles Amnesty International.

Au nom de la protection de la santé publique, les noms, les informations personnelles et les photographies de 29 femmes dont la séropositivité avait été établie lors d’un test obligatoire pratiqué en 2012 ont été publiés dans la presse. Accusées dans les médias d’être des « prostituées » et des « bombes sanitaires », elles ont été détenues pendant plusieurs mois après avoir été inculpées de « blessures corporelles volontaires graves ». Huit femmes ont été acquittées et remises en liberté, en janvier et en mars 2013. Les autres ont elles aussi été libérées. Dans 12 cas l’accusation de crime a été requalifiée en infraction moins grave.

Les nouvelles mesures, qui visent de manière disproportionnée les groupes vulnérables, notamment les personnes transgenres, les travailleurs du sexe et les personnes vivant avec le VIH, ne vont faire que marginaliser davantage encore ces personnes et les exposer à de nouvelles violations de leurs droits fondamentaux.

Amnesty International se déclare profondément préoccupée et appelle les autorités grecques à mettre un terme au harcèlement des groupes vulnérables. Elle demande le retrait immédiat de cette disposition réglementaire. L’organisation demande en outre aux autorités grecques de mener sans délai une enquête impartiale sur la détention arbitraire qu’aurait subie Elektra Koutra, la représentante légale des femmes transgenres.

Complément d’information

Amnesty International souligne que les initiatives de prévention en matière de VIH doivent être fondées sur des données fiables et être conformes au droit relatif aux droits humains. Le dépistage doit s’effectuer sur une base volontaire. Il doit s’accompagner d’un service de conseil avant et après le test, afin que les personnes concernées soient en mesure de donner un consentement libre et éclairé à tout test et tout traitement. Il a été reconnu au plan international que le dépistage obligatoire du VIH et la répression pénale du travail du sexe et de la transmission du VIH ou de l’exposition au virus étaient contraires aux objectifs de santé publique. Pour que la prévention en matière de VIH soit efficace, il faut que les personnes aient la certitude qu’elles peuvent se soumettre au test de leur plein gré et sans craindre de répercussions ni de poursuites pénales. Les personnes sont moins enclines à se faire dépister lorsqu’il existe des sanctions pénales.

Selon l’Association grecque de soutien aux personnes transgenres, entre 50 et 60 femmes transgenres ont été arrêtées et soumises de force à un test de dépistage du VIH à la suite de l’introduction de la mesure réglementaire l’an dernier.

En ce qui concerne les récentes interpellations de femmes transgenres à Salonique, les représentants de l’association ont indiqué à Amnesty International que les arrestations avaient eu lieu y compris lorsque les intéressées se trouvaient dans leur voiture ou lorsqu’elles allaient simplement acheter quelque chose. Ces personnes ont été la cible de propos injurieux et discriminatoires durant leur détention. Un grand nombre d’entre elles ont ainsi été interpellées et détenues au poste de police plus d’une fois. Amnesty International s’est également entretenue avec certaines des femmes transgenres qui avaient été arrêtées. Elles ont évoqué la peur ressentie après le harcèlement qu’elles ont subi.

Les discriminations et les violences contre les personnes transgenres sont très répandues en Grèce. Une jeune fille transgenre avec qui Amnesty International s’est entretenue a décrit les discriminations dont elle faisait l’objet à l’école du soir qu’elle fréquente, de la part de l’administration, ainsi que les menaces physiques et les brimades infligées par ses camarades d’étude. Comme l’Association grecque de soutien aux personnes transgenres l’a expliqué à Amnesty International, qui a effectué une mission de recherche à Athènes en mars dernier, les personnes transgenres sont régulièrement la cible de violences de la part d’acteurs non étatiques et sont en butte au harcèlement de la police.

Pour en savoir plus

La Grèce doit mettre fin à la criminalisation et à la stigmatisation des travailleurs du sexe séropositifs (Index AI : EUR 25/004/2012).

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