L’Azerbaïdjan ferme ses portes

Par Natalia Nozadze, chercheuse d’Amnesty International sur l’Azerbaïdjan

Par un après-midi chaud et brumeux, nous avons atterri à l’aéroport Gueïdar Aliev de Bakou, aux apparences faussement modernes et qui porte bien évidemment le nom du président.

Aux postes de contrôle de l’immigration, on pouvait voir des visages amicaux, calmes et endormis, qui traitaient tout aussi calmement une petite queue de personnes devant eux. Ces visages ont soudain exprimé la confusion quand mon collègue et moi-même nous sommes approchés du comptoir. En quelques minutes, tous les agents du service de l’immigration installés aux autres comptoirs se sont réunis autour de nous et ont commencé à passer des appels. Je pouvais entendre les mots « expulser » et « problème », mais personne ne nous donnait la moindre explication.

Enfin, le responsable du service s’est approché de nous et nous a fait savoir que nous n’étions pas autorisés à entrer dans le pays. « Je ne peux vous donner aucune explication, c’est ce que le système me dit », a-t-il déclaré en prenant nos passeports et en nous orientant vers une zone d’attente pour que nous montions à bord du prochain vol.

Pendant que j’attendais, j’ai pensé à toutes les personnes que je devais rencontrer ici. La liste était plus courte que d’habitude : les quelques journalistes encore en Azerbaïdjan qui osent publier des articles critiques à l’égard du gouvernement, les défenseurs des droits humains encore moins nombreux qui ne peuvent plus mener à bien leurs activités, et les très rares partis d’opposition qui sont autorisés à exister mais pas à être actifs.

Ces cinq dernières années, cette liste est devenue de plus en plus courte. L’Azerbaïdjan détient plus de 20 personnes qu’Amnesty International considère comme des prisonniers d’opinion. Ces personnes ont été incarcérées uniquement parce qu’elles se sont opposées de façon pacifique au gouvernement et à ses politiques, ou qu’elles sont venues en aide à des victimes de violations des droits humains. Toutes les organisations non gouvernementales spécialisées dans la défense de ces droits, soit une vingtaine, ont également été fermées. Certains responsables de ces organisations ont été arrêtés, ou ont dû fuir le pays, pendant que d’autres ont assisté à la fermeture de leurs bureaux et au gel de leurs comptes bancaires. Les journalistes indépendants et les militants ont subi le même sort.

Les partis d’opposition ont été démantelés après que leurs dirigeants eurent subi des actes de harcèlement permanents et des menaces avant d’être arrêtés. Ils ont de fait été supprimés de la scène publique et de la vie politique. Expulsés de leurs bureaux, ils n’ont pas le droit de louer de salles, ni d’organiser de réunions publiques ou de communiquer leurs messages au grand public et à leurs sympathisants. Ils sont absents des grands médias, télévisés ou radiophoniques, qui ne leur accordent plus de temps d’antenne. Parallèlement, les jeunes qui s’élèvent contre le gouvernement sur les réseaux sociaux et, de fait, toute personne qui dénonce le gouvernement dans un espace public, se retrouvent l’objet d’une attention intempestive de la part des autorités.

Après avoir réduit au silence tous ses détracteurs sur son territoire, le gouvernement a fermé ses portes aux organisations internationales de défense des droits humains. L’interdiction d’entrée sur le territoire qui frappe Amnesty International est l’une des mesures les plus récentes prises par l’Azerbaïdjan pour limiter la surveillance exercée par la communauté internationale. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a annulé la mission qu’elle prévoyait d’effectuer dans le pays pour surveiller l’élection présidentielle de novembre, déclarant qu’elle faisait l’objet d’un trop grand nombre de restrictions. En septembre, le pays a annulé une visite de la Commission européenne, après que le Parlement européen eut engagé le gouvernement à libérer les militants des droits humains emprisonnés.

Ces dernières années, la communauté internationale n’a pris que de rares mesures face à la grave détérioration des droits humains en Azerbaïdjan. Le pays a malheureusement pu échapper aux conséquences de ses actes, faisant preuve d’une répression sans précédent et anéantissant pratiquement sa société civile dans le même temps.

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