KOSOVO : Un an après les violences de mars 2004

Amnesty International a exprimé, ce jeudi 17 mars, son inquiétude à propos de l’absence de responsabilisation de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et de la Force internationale de paix au Kosovo (KFOR) sous commandement de l’OTAN et du refus continu de ces deux instances à admettre toute responsabilité dans l’échec de la mission de protection des droits des minorités ethniques qui leur incombait, au cours des affrontements inter-ethniques qui se sont produits au Kosovo les 17 et 18 mars 2004.
Un an après ces évènements, Amnesty International continue d’appeler la MINUK, la KFOR et plusieurs gouvernements de l’OTAN à rendre publics les résultats de leurs enquêtes sur les violences de mars 2004 ; l’organisation demande que les personnels militaires et les responsables de l’application des lois qui se seraient rendus complices ou seraient responsables d’atteintes aux droits humains soient poursuivis en justice.
Dans un rapport sur les violences de mars 2004, rendu public l’année dernière, Amnesty International exprimait sa profonde inquiétude face à l’échec des forces de sécurité internationales et nationales dans leur mission de protection des minorités ethniques au cours des violents affrontements qui s’étaient produits, qualifiant les réactions de la MINUK et de la KFOR à l’époque d’inconsistantes et d’incohérentes.
Le rapport d’Amnesty International demandait à l’OTAN et à la KFOR de rendre publics les résultats de leur enquête sur l’échec de la KFOR à protéger certaines minorités ethniques au cours des violences de mars 2004 ; il demandait également aux gouvernements français et allemand respectivement d’ouvrir des enquêtes sur le rôle de leurs forces, qui avaient apparemment failli à leur mission de protection de membres des communautés serbes de Svinjare/Frasher et de Prizren et de rendre publiques les conclusions de ces enquêtes.
L’organisation a été informée par la MINUK et la KFOR que des mesures avaient été prises pour tirer les leçons de ce qui s’était passé, notamment en améliorant la communication entre la MINUK et la KFOR, en révisant les plans visant à parer à toute éventualité en cas d’émeutes et en menant des exercices d’entraînement conjoints de contrôle des foules à la fois avec la police de la MINUK et la KFOR. Toutefois, ni l’OTAN ni aucun État membre de l’OTAN n’a rendu public le résultat d’enquêtes menées sur la conduite de leurs forces respectives durant les violences de mars 2004.
Amnesty International salue cependant les progrès réalisés par la police de la MINUK qui a fait traduire en justice 179 auteurs présumés de violences perpétrées en mars de l’année dernière. La rapidité de la police de la MINUK à faire comparaître devant la justice des personnes soupçonnées d’avoir perpétré des crimes inter-ethniques traduit un changement significatif par rapport à la culture d’impunité pour les violences inter-ethniques qui a trop longtemps régné au Kosovo. Toutefois, l’organisation reste préoccupée par la manque apparent de responsabilisation des membres de la police de la MINUK, de la KFOR et du Service de police du Kosovo (SPK).
Bien que des enquêtes menées sur la mort d’un émeutier, tué par un policier de la MINUK, aient conclu que le policier avait apparemment agi en légitime défense, l’organisation s’inquiète de voir que les conclusions de l’enquête menée sur la mort de trois autres personnes au cours d’une opération de la KFOR n’ont pas été rendues publiques.
Selon des informations reçues par Amnesty International, quelque 69 enquêtes auraient été menées sur des allégations concernant des policiers du SPK, mais les éléments de preuve à leur encontre auraient été insuffisants pour engager des poursuites pénales. Selon la MINUK, qui envisage toujours une procédure disciplinaire, les poursuites n’ont pu être engagées du fait d’inconsistances relevées dans les éléments de preuve fournis par les témoins et de la réticence de certaines personnes à venir témoigner. Amnesty International craint que les membres de communautés minoritaires à l’origine des allégations n’aient pas suffisamment confiance dans les autorités pour accepter de venir témoigner contre le SPK.
Bien que les violences inter-ethniques ne se soient pas reproduites, Amnesty International reste préoccupée par le fait que, selon le HCR, sur les 4 100 personnes forcées de quitter leur domicile en mars 2004, plus d’un tiers - environ 1 690 personnes - restent des personnes déplacées, pour la majorité d’entre elles dans des enclaves serbes. L’organisation s’inquiète aussi du fait qu’un an après les violences, peu de progrès semble avoir été fait sur la question des droits des membres des communautés minoritaires qui doivent être les mêmes que ceux de la majorité.
Amnesty International renouvelle son appel :

  au gouvernement français, à l’OTAN et à la KFOR pour qu’ils confirment l’ouverture d’une enquête approfondie sur le rôle et les actions des Français de la KFOR lors des affrontements de Svinjare/Frasher et rendent publiques les méthodes et conclusions de cette enquête ;

  au gouvernement allemand pour qu’il rende publics les résultats de l’enquête menée par la sous-commission parlementaire allemande au Kosovo ;

  à la police de la MINUK et à la KFOR pour qu’elles rendent publics les résultats de toute enquête menée sur l’attitude de la police de la MINUK, du SPK et du personnel de la KFOR soupçonnés d’atteintes aux droits humains lors des affrontements de mars 2004.

Complément d’information
Au cours des violences inter-ethniques qui se sont déroulées au Kosovo en mars 2004, au moins dix-neuf personnes sont mortes - onze Albanais et huit Serbes - et plus de 1 000 ont été blessées ; quelque 730 maisons appartenant à des minorités, des Serbes du Kosovo pour la plupart, ainsi que 36 églises, monastères et autres sites culturels ou religieux orthodoxes ont été endommagés ou détruits. En moins de 48 heures, 4 100 personnes appartenant à des communautés minoritaires ont rejoint les personnes déplacées (soit plus que les 3 604 personnes déplacées ayant regagné leur domicile au cours de l’année 2003) ; 82 p. cent étaient des Serbes, 18 p. cent des Rom et des Ashkalis, auxquels il faut ajouter environ 350 Albanais des zones à majorité serbe de N.Mitrovia/Mitrovice et Leposavic/Leposaviq.
Le Kosovo est administré depuis juillet 1999 par la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) au titre de la Résolution 1244/99 du Conseil de sécurité des Nations unies qui donne mandat à la KFOR pour « établir un environnement sûr pour que les réfugiés et personnes déplacées puissent rentrer chez eux en toute sécurité ». La MINUK elle-même est chargée au titre de la même résolution de la protection et de la promotion des droits humains. Veiller au respect des droits des communautés minoritaires est considéré comme l’une des étapes essentielles du processus visant à établir le statut final du Kosovo.
En Allemagne, en septembre 2004, les déclarations faites par le ministre de la Défense après un rapport interne de la Bundeswehr (l’armée allemande) ont conduit à la mise en place d’une sous-commission parlementaire chargée d’enquêter sur le déploiement de la Bundeswehr lors des violences de mars 2004 ; les conclusions de cette enquête sont restées confidentielles.

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