Indonésie. Il convient d’enquêter sur le recours excessif à la force contre des manifestants papous pacifiques

Déclaration publique

Index AI : ASA 21/002/2009

Amnesty International exhorte les autorités indonésiennes à mener une enquête impartiale sur le fait que la police aurait recouru à une force excessive afin de disperser une manifestation pacifique à Nabire, dans la province de Papouasie.
Le 27 janvier 2009, une coalition regroupant ceux qui se préoccupent de l’élection du chef de région (Koalisi Masyarakat Peduli Pemilihan Kepala Daerah) a organisé une manifestation pacifique pour demander la tenue d’élections locales déjà reportées à plusieurs reprises. Une centaine de personnes ont manifesté devant le bâtiment de la Commission des élections générales à Nabire.

Elles ont monté une tente, bloquant l’une des rues principales. Lorsque les policiers les ont exhortées à la démonter, elles ont refusé.
Selon certaines informations, deux jours plus tard, à l’aube, des unités de la police ont violemment dispersé les manifestants pacifiques qui étaient restés dormir sur le site. Selon des sources locales, les policiers ont tiré des balles en caoutchouc sur la foule, blessant au moins cinq manifestants. Ils les ont également frappés à coups de pieds, de cannes en rotin et de crosses de fusil. De nombreuses personnes ont souffert de contusions et de coupures.
Les policiers auraient aussi frappé à coups de bottes, à trois reprises, Yones Douw, défenseur des droits humains âgé de quarante ans. Ils l’ont frappé sur les oreilles et lui ont donné des coups de poing au visage lorsqu’il a tenté d’intervenir pour empêcher les affrontements entre policiers et manifestants.

Ils ont également détruit sa clé USB sous ses yeux. Yones Douw est membre de l’église papoue Kingmi (branche papoue de l’Église évangélique du Tabernacle d’Indonésie) et bénévole au sein de l’Institut pour la protection des droits humains (ELSHAM).
La police a ensuite arrêté Yones Douw et sept manifestants.
Durant leur journée de détention, ces huit personnes se sont vues fermement refuser tout contact avec le monde extérieur et ont été privées de nourriture et d’eau potable. D’après celles qui étaient blessées, les policiers ne leur ont pas permis de bénéficier de soins médicaux appropriés. Mis à l’écart dans une cellule, seul, Yones Douw a été interrogé plusieurs heures durant. Le 30 janvier, les policiers ont relâché ces huit personnes, leur enjoignant de se présenter au poste tous les jours.
Le maintien de l’ordre dans le cadre des manifestations publiques ne doit pas priver les participants de leur droit de réunion pacifique. Cet événement s’inscrit dans une vague de répression généralisée qui touche la liberté d’expression et de réunion en Papouasie.

Le 14 janvier 2009, Amnesty International a demandé la libération immédiate et inconditionnelle de 11 manifestants papous risquant d’être emprisonnés pendant au moins trois ans simplement pour avoir déroulé une bannière. Les autorités indonésiennes doivent réaffirmer publiquement qu’elles garantissent la liberté d’expression et de réunion en Papouasie.
Elles doivent aussi faire part de leur soutien au travail légitime effectué par les défenseurs des droits humains dans tout le pays et prendre de toute urgence des mesures visant à garantir leur pleine et entière protection dans l’exercice de leurs activités.
Amnesty International reconnaît les problèmes inhérents au maintien de l’ordre lors de manifestations et sait que certains manifestants ont bloqué des bâtiments publics alors que les forces de l’ordre leur avaient demandé de se disperser.

Toutefois, les actions des policiers ont peut-être enfreint les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois. Ces textes disposent notamment que la force doit être utilisée uniquement en dernier recours, proportionnellement à la menace et dans le but de ne causer que le minimum de dommages et d’atteintes à l’intégrité physique.
Amnesty International demande instamment qu’une enquête soit menée dans les meilleurs délais sur les événements de Nabire et se penche sur la tactique et les armes utilisées pour maintenir l’ordre lors des manifestations.

Ses conclusions et des recommandations devront être rendues publiques dans un délai raisonnable. S’il apparaît que la force employée était excessive et a bafoué les principes de nécessité et de proportionnalité, il incombe aux autorités indonésiennes de sanctionner et de déférer à la justice les personnes impliquées. Enfin, elles doivent mettre en œuvre diverses mesures et dispenser des formations afin de veiller à ce que les opérations de maintien de l’ordre soient conformes aux normes internationales.

Complément d’information

La situation des droits humains en Papouasie, province la plus orientale de l’Indonésie, s’est considérablement détériorée au cours des dernières années. La population locale, d’origine ethnique différente du reste de la population indonésienne, remet de plus en plus en cause la politique du gouvernement indonésien en ce qui concerne les ressources naturelles de la Papouasie et la migration d’une population non papoue dans cette province. Le gouvernement indonésien maintient sur place un important contingent policier et militaire dont les membres sont accusés d’intimider et menacer les membres de la population locale qui demandent de manière pacifique une plus grande autonomie ou l’indépendance pour cette province de l’Indonésie.

Le 18 août 2008, Amnesty International a instamment demandé au gouvernement indonésien de veiller à ce que les responsables du meurtre d’Opinus Tabuni, manifestant pacifique abattu ce jour-là, soient tenus de rendre compte de leurs actes.
Le 25 septembre 2008, la Commission nationale des droits humains (Komnas HAM), qui avait envoyé une équipe enquêter sur ce meurtre, a déclaré que la balle n’était pas « une balle standard de la police. C’était une balle de 9 mm. Elle appartient de toute évidence à l’armée. » Depuis lors, l’enquête sur cet homicide est toujours au point mort. La famille d’Opinus Tabuni a tenté à maintes reprises de rencontrer le chef de la police de Papouasie pour s’entretenir de cette affaire, mais en vain.

Les autorités indonésiennes doivent ouvrir dans les meilleurs délais une enquête impartiale, indépendante et transparente sur cet homicide afin que les responsables répondent de leurs actes.

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