Indonésie : Demande d’enquête sur l’utilisation excessive de la force par la police contre des manifestants à Marosi

Amnesty International demande aux autorités indonésiennes de mener dans les meilleurs délais une enquête indépendante, impartiale et efficace sur l’utilisation présumée d’une force excessive par la police ayant causé la mort d’un homme et blessé au moins un adolescent dans la région côtière de Marosi (district de Sumba-Ouest, province du Nusa Tenggara oriental). Cette enquête doit être menée par un organe indépendant de la police et ses conclusions doivent être rendues publiques. Les responsables présumés, y compris ceux exerçant des fonctions de commandement, doivent être traduits en justice dans le cadre de procès équitables excluant le recours à la peine de mort, et les victimes doivent recevoir des réparations satisfaisantes.

Le matin du 25 avril 2018, une centaine d’habitants du village de Patiala se sont rassemblés près de la zone côtière de Marosi pour manifester contre une opération de mesurage de terrains entreprise par l’Agence foncière nationale (BPN) et une société de gestion hôtelière. Pour les villageois, cette opération était un signe que l’hôtel pourrait occuper ces terrains, dont la jouissance est controversée. Au moins 100 policiers et des soldats étaient présents à la manifestation. Avant le début de celle-ci, les forces de sécurité ont confisqué leurs machettes aux manifestants, alors que ce sont des outils qu’ils utilisent dans leurs activités quotidiennes.

Vers 15 heures, des policiers ont pris de force un téléphone portable à un manifestant, qui l’utilisait pour filmer l’opération de mesurage des terrains. Énervés par cette action des policiers, plusieurs villageois ont tenté de les empêcher de prendre le téléphone portable d’un autre manifestant. Les policiers ont réagi en ouvrant le feu sans sommation, sans que rien ne le justifie, puis ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Un adolescent qui participait à la manifestation a été blessé par balle aux jambes. Une autre victime, Poro Duka, âgé de 40 ans, a reçu une balle dans le ventre ; il est mort sur le coup. Les forces de sécurité ont emmené son corps à l’hôpital local dans une voiture de police.

Le porte-parole du siège de la police nationale à Djakarta a déclaré le 3 mai que les policiers avaient respecté des réglementations en vigueur et qu’ils n’avaient utilisé que des balles en caoutchouc et des balles à blanc. Cependant, l’autopsie qui a été pratiquée par l’hôpital local, à laquelle des proches de la victime ont assisté, a révélé la présence d’une balle dans le ventre de Poro Duka. La Division de la profession et de la sécurité (PROPAM, une unité de contrôle interne de la police) du siège de la police régionale (POLDA) de la province du Nusa Tenggara oriental a déclaré qu’une enquête interne était toujours en cours.

Amnesty International est consciente que les responsables de l’application des lois exercent souvent leurs fonctions dans des conditions difficiles, mais ils n’en doivent pas moins respecter pleinement les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de toutes les personnes, y compris celles soupçonnées d’infractions.

Aux termes du droit international et des normes internationales, l’Indonésie a l’obligation de respecter et de protéger le droit à la vie de toutes les personnes en toutes circonstances. Les responsables de l’application des lois ne doivent utiliser la force que si cela est strictement nécessaire et dans la mesure exigée par un objectif légitime de maintien de l’ordre ; ils ne doivent pas utiliser d’armes à feu, sauf pour se défendre ou défendre d’autres personnes en cas de risque imminent de mort ou de blessure grave ou pour empêcher des actes constituant une menace de mort ou arrêter une personne présentant un tel danger, et uniquement lorsque des moyens moins extrêmes ne suffisent pas à atteindre ces objectifs. Il ne doit y avoir de recours intentionnel à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines.

L’utilisation de la force et d’armes à feu a des répercussions directes sur le droit à la vie, qui est protégé au titre de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que l’Indonésie est tenue de respecter en tant qu’État partie. L’utilisation de la force est donc soumise à des garanties strictes en matière de droits humains, qui sont inscrites dans le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois (ONU, 1979) et dans les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (ONU, 1990). L’utilisation de la force par les responsables de l’application des lois en Indonésie est par ailleurs régie par le Règlement 1/2009 relatif à l’usage de la force lors des interventions de la police nationale indonésienne.

Complément d’information

Amnesty International estime que l’affaire de Marosi n’est pas un cas isolé mais est révélatrice d’une culture de l’impunité qui continue d’exister en Indonésie. Beaucoup de précédentes enquêtes sur des violations des droits humains commises par les forces de sécurité, notamment des homicides illégaux, l’utilisation d’une force injustifiée et excessive et la torture ou d’autres mauvais traitements, ont été retardées de manière inconsidérée ou abandonnées, ou leurs conclusions ont été enterrées, avec pour résultat que les responsables s’en sont sortis en toute impunité et que les victimes et leurs familles n’ont pas pu obtenir vérité, justice ni réparations. Le gouvernement doit également mettre fin au climat d’impunité dont bénéficient les auteurs de telles violations des droits humains.

Amnesty International est en outre préoccupée par le fait que l’obligation de rendre des comptes de la police en Indonésie est freinée par l’absence de mécanisme de contrôle indépendant, efficace et impartial chargé d’enquêter sur les violations des droits humains commises par les forces de sécurité et dont les conclusions se traduiraient, le cas échéant, par des poursuites judiciaires. En Indonésie, il est rare que des enquêtes pénales soient ouvertes sur les violations des droits humains commises par la police, et les tentatives d’amener les responsables à rendre des comptes, principalement à travers des mécanismes disciplinaires internes, privent de nombreuses victimes de justice et de réparations.

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