Inde, Quand les jeunes qui manifestent pacifiquement n’ont pas leur place dans leur pays

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À l’heure où le pays commémore le 74e anniversaire de son indépendance, le gouvernement indien doit cesser de criminaliser la contestation, et libérer immédiatement les jeunes manifestant·e·s pacifiques actuellement menacés, harcelés et arrêtés en raison de leur participation à des actions de protestation contre la Loi portant modification de la législation sur la citoyenneté (CAA), a déclaré Amnesty International Inde vendredi 14 août, veille du lancement de son action sur le droit à l’opposition.

« L’Inde est le pays comptant le plus de jeunes au monde, mais au lieu de les écouter, au lieu de dialoguer avec eux, le gouvernement essaie de les réduire au silence au moyen d’opérations de répression brutales lorsque ces jeunes mènent des actions de protestation. Des étudiant·e·s sont accusés d’être "hostiles à la nation" pour avoir fait état de leur désaccord avec les politiques gouvernementales et manifesté de manière non violente contre celles-ci. Le moment est tout indiqué pour rappeler au gouvernement que la Cour suprême indienne a estimé en 2018 que la "contestation est la soupape de sécurité d’une démocratie". Il est temps d’agir en conséquence », a déclaré Avinash Kumar, directeur exécutif d’Amnesty International Inde.

À Delhi, une ville qui a été le théâtre d’émeutes en février 2020, de nombreux étudiant·e·s ayant pris part à des manifestations pacifiques contre la Loi portant modification de la législation sur la citoyenneté (CAA) sont soit arrêtés et incarcérés en vertu de lois draconiennes de lutte contre le terrorisme, soit soumis à des manœuvres d’intimidation et de harcèlement véhémentes lorsqu’ils sont convoqués pour des interrogatoires en pleine pandémie de COVID-19. Amnesty International Inde a demandé l’abrogation de la CAA. Il s’agit d’une loi tendancieuse relative à la citoyenneté qui introduit des discriminations sur la base de la religion. Elle est particulièrement porteuse d’exclusion à l’égard des musulmans.

Au moins cinq étudiant·e·s sont maintenus en détention à Delhi - Asif Iqbal Tanha, Devangana Kalita, Gulfisha Fatima, Meeran Haider et Natasha Narwal ; de nombreux autres sont toujours incarcérés dans le reste du pays. Plusieurs étudiant·e·s ont été libérés sous caution, ou convoqués et soumis à des interrogatoires par la police de Delhi, qui les accuse de meurtre, de tentative de meurtre et de participation à des émeutes.

Des plaintes ont également été déposées contre des étudiant·e·s en vertu de lois draconiennes contre la sédition et de la Loi relative à la prévention des activités illégales. Les autorités recourent souvent à celle-ci pour harceler, menacer et incarcérer des personnes qui critiquent le gouvernement. La lenteur des enquêtes et la nature très restrictive des dispositions relatives aux libérations sous caution dans le cadre de cette loi garantissent que ces personnes resteront en détention pendant des années avant passer en jugement, ce qui représente en soi un châtiment.

« J’ai seulement participé à des manifestations, mais maintenant je suis pris pour cible, comme de nombreux autres étudiants de ma connaissance »

S’adressant à Amnesty International Inde, un étudiant qui a été interrogé par la police de Delhi a déclaré, sous couvert d’anonymat : « Les policiers m’ont dit : vous êtes hindou, alors pourquoi manifestez-vous ? Les musulmans vous détruisent la tête. Ils sont en train de corrompre les étudiants hindous, pourquoi vous mêlez-vous de tout ça ? »

Un autre étudiant convoqué par la police de Delhi a déclaré à Amnesty International Inde : « Je suis actuellement dans ma ville natale, loin de mon université à Delhi. La police m’a appelé et a dit que je devrais me rendre à Delhi immédiatement pour y être interrogé. Je leur ai dit qu’il me serait difficile d’effectuer le trajet en raison du confinement dû à la pandémie de COVID-19. Ils m’ont ensuite dit que je devrais les contacter dès mon arrivée à Delhi. Mes parents sont très inquiets pour moi. J’ai seulement participé à des manifestations, mais maintenant je suis pris pour cible, comme de nombreux autres étudiants de ma connaissance. »

Depuis décembre 2019, la police aurait fait irruption à plusieurs reprises sur des campus à travers le pays et aurait recouru à la violence contre des étudiant·e·s, en utilisant des matraques et du gaz lacrymogène.

Sous couvert d’anonymat, un étudiant récemment contacté par la police de Delhi a déclaré à Amnesty International Inde : « J’ai vraiment l’impression de vivre dans une dimension parallèle. Autrement, pour quelle raison un jeune de 19 ou 20 ans devrait subir une chose pareille ? Oui, j’ai pris part aux manifestations à Delhi. Mais regardez ce que les policiers ont fait. Un de mes camarades a été grièvement blessé. La police est arrivée sur le campus et a terrorisé les étudiants. Nous avons élevé la voix parce qu’en tant que citoyens de ce pays, nous disposons de droits fondamentaux qui nous y autorisent. Nous n’avons pas fait ni dit quoi que ce soit d’illégal. Notre action de protestation respectait pleinement le droit. »

La police a réagi avec brutalité face à la contestation sur la plupart des campus universitaires, en particulier ceux où les musulmans sont les plus nombreux ou ceux qui encouragent une multiplicité de points de vue, notamment l’université Jamia Milia Islamia, l’université Aligarh Muslim, Gujarat Vidyapith, la faculté d’anglais et de langues étrangères de l’université d’Hyderabad, l’Indian Institute of Management, l’université d’Ahmedabad et l’université Jawaharlal Nehru, entre autres.

« Cette répression vise à réduire au silence les étudiant·e·s qui s’opposent au gouvernement. L’espace dans lequel on peut dire ce que l’on pense et réclamer un monde meilleur se réduit à toute vitesse et nous devons le protéger. Amnesty International Inde lancera samedi 15 août une action défendant le droit à la contestation. Le but de cette action est de demander la libération de personnes illégalement placées en détention en vertu de lois draconiennes, pour avoir parlé vrai aux puissants. Elle remettra en question des lois iniques et demandera au gouvernement indien de cesser de réprimer la liberté d’expression et d’opinion des citoyen·ne·s. Le gouvernement doit dialoguer avec eux, pas les arrêter », a déclaré Avinash Kumar.

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