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Hongrie : les habitants de tout un quartier de Miskolc pourraient devenir des sans-abri

De Barbora Èernušáková, chercheuse spécialiste de la Hongrie pour Amnesty International, et Áron Demeter, coordonnateur Campagnes d’Amnesty International Hongrie.

Tibor est habillé en noir et il a les larmes aux yeux.

Il est l’un des premiers habitants du quartier de Számozott utcák, littéralement les « rues numérotées », de la ville de Miskolc, dans le nord-est de la Hongrie, à avoir reçu une décision de justice confirmant la date à laquelle lui et sa famille seront expulsés.

Les autorités locales ont pour projet de construire un stade de football dans cette zone, bien que certains pensent que la vraie raison de ces expulsions soit liée à une volonté de « nettoyer » la ville des Roms qui représentent 80 pour cent de la population.

« Avant, nous faisions partie de la ville, mais maintenant, ils font de nous des “indésirables”, des boucs émissaires » a déclaré l’un des militants manifestant contre la façon dont la municipalité de Miskolc traite les Roms. »

« Un jour, toutes les familles du quartier seront des sans-abri  », a prédit un autre militant.

Tibor dispose maintenant d’un peu plus d’une semaine pour trouver un nouveau logement pour lui, sa fille et les 3 enfants de sa fille. Le 28 août 2014, à 9 heures, après avoir vécu 25 ans dans le quartier, ils pourraient devenir des sans-abri.

D’après les habitants à qui nous avons récemment parlé, une cinquantaine d’autres familles du quartier, presque toutes roms, pourraient bientôt se retrouver dans la même situation. Au cours des trois dernières années, la municipalité a lancé des procédures d’expulsion contre les personnes qui ont contracté des dettes de logement ou ne peuvent justifier d’un titre foncier en règle dans le quartier. Les résidents n’ont obtenu ni indemnité ni solution de relogement.

Depuis maintenant plusieurs années, la plupart des habitants du quartier sont gravement affectés par la fermeture des usines de la ville. Depuis qu’ils ont perdu leur emploi, beaucoup d’entre eux ont du mal à subvenir à leurs besoins essentiels et ont commencé à accumuler les dettes.

« J’ai travaillé dans l’usine d’à côté pendant 30 ans. Le seul type d’emploi que j’ai réussi à obtenir depuis était un emploi temporaire pour la municipalité  » a expliqué Tibor.

Quand sa femme est décédée récemment, la situation a empiré. « J’ai dû vendre beaucoup de choses pour couvrir le coût de ses funérailles et il ne me restait plus d’argent pour le loyer. »

Sans emploi et devant subvenir aux besoins de sa fille et des enfants de celle-ci, âgés de 14, sept et quatre ans, Tibor a maintenant des arriérés de loyer d’environ 200 000 forints hongrois (630 euros). Lorsqu’il a essayé d’obtenir un échelonnement des remboursements, on le lui a refusé.

Selon Zoltan, un autre habitant, environ 80 pour cent des personnes vivant dans ce quartier ont déjà des arriérés de loyer ou risquent d’en avoir. Il semble que ce ne soit qu’une question de temps avant qu’ils ne soient expulsés.

Raser un quartier de la carte

Les autorités locales et les médias qualifient ce quartier de « bidonville ». Ce terme ne correspond pas du tout à ce que nous avons pu voir.

Le quartier est composé de plusieurs rangées de maisons en briques qui sont jolies, bien qu’en mauvais état, et qui accueillaient naguère les ouvriers des usines voisines. Les rues sont propres, pleines de femmes de tous âges surveillant du coin de l’œil de jeunes enfants qui jouent et font du vélo.

Les premières tentatives des autorités de raser le quartier de la carte remontent au 8 mai 2014, date d’adoption d’un décret mettant fin aux baux de location. Le décret prévoit que les personnes n’ayant pas d’arriéré de loyer ou ayant un contrat de location valide peuvent prétendre à une indemnité s’ils quittent Miskolc (environ 1,5 à 2 millions de forints hongrois, soit entre 4 800 et 6 300 euros).

La plupart des habitants du quartier risquent d’être expulsés sans indemnité et par conséquent, de devenir des sans-abri. La municipalité n’a pas organisé de consultation authentique avec les habitants.

Les expulsions ont déjà commencé. Il y a deux semaines, une femme âgée et handicapée a perdu son logement et une mère et ses trois jeunes enfants ont été jetés à la rue. Cette dernière affirme qu’elle a remboursé ses dettes et qu’elle avait conclu un accord verbal avec la municipalité qui s’était engagée à renouveler son bail. Cela n’a cependant pas suffi. L’autre cas d’expulsion concerne une femme âgée.

En continuant de traverser le quartier, nous avons rencontré Mária. Son expulsion est fixée au 25 août 2014. Mária n’est pas rom et vit dans une maison avec sa fille et ses deux petits-enfants. Elle trouve la décision injuste, déclarant qu’elle avait remboursé ses dettes à ses créanciers. « Ils font de nous des sans-abri. Pourquoi font-ils cela ? N’y a-t-il pas suffisamment de sans-abri déjà ?  »

Les projets de la municipalité représentent une violation des droits humains. Personne ne devrait être expulsé de force, à moins qu’une consultation en bonne et due forme n’ait été organisée et que des solutions de remplacement adaptées n’aient été proposées. Les gens ne devraient pas se retrouver sans logement.

Amnesty International prie le maire de mettre fin à toutes les expulsions et d’organiser immédiatement des consultations.

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