Communiqué de presse

Guinée équatoriale. Détention d’une figure de l’opposition Amnesty International craint que le militantisme de cet homme, et non une affaire médicale, n’en soit le véritable motif

La détention sans inculpation de Wenceslao Mansogo Alo, un médecin également défenseur des droits humains et membre de l’opposition bien connu en Guinée équatoriale, depuis plus de cinq jours à la suite du décès d’une patiente au cours d’une intervention chirurgicale est une source de grande préoccupation, ont déclaré Human Rights Watch et Amnesty International mercredi 15 février. Les deux organisations demandent sa libération immédiate.

« Le docteur Mansogo est déjà détenu depuis plusieurs jours sans justification de la nécessité de sa détention, a souligné Daniel Bekele, directeur de la division Afrique de Human Rights Watch. Les autorités doivent immédiatement le libérer si elles n’ont pas de preuves incontestables établissant un lien entre cet homme et une quelconque infraction, et elles peuvent continuer d’enquêter sur la mort de la patiente sans le maintenir derrière les barreaux. »

Wenceslao Mansogo est membre de la direction du parti d’opposition Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), où il occupe les fonctions de secrétaire chargé des relations internationales et des droits humains. Ce médecin possède et dirige une clinique privée dans la ville de Bata. Il est également membre du conseil municipal.

La CPDS, qui est le principal parti d’opposition, s’occupe aussi de sensibiliser la population aux droits humains et de surveiller, étudier et dénoncer de manière systématique les violations des droits humains. Ses membres sont régulièrement harcelés, intimidés et arrêtés.

Le 1er février 2012, Isilda Mangue Engó, une patiente de 36 ans, est morte au cours d’une hystérectomie réalisée par Wenceslao Mansogo et d’autres médecins dans sa clinique.

La police a arrêté Wenceslao Mansogo le 9 février sans mandat, en violation de la législation équato-guinéenne, après qu’il a volontairement fait une déposition au commissariat central de Bata. Son arrestation fait vraisemblablement suite à une accusation de membres de la famille de la défunte, qui ont affirmé que des organes, plus précisément une partie de ses organes génitaux externes, avaient été prélevés sur son corps.

Cette allégation semble totalement infondée. Une autopsie pratiquée à l’hôpital régional de Bata le 9 février et une enquête effectuée ensuite par le ministre équato-guinéen de la Santé et de l’Action sociale, Salomón Nguema Owono, le 10 février ont toutes deux conclu que la cause immédiate du décès était une crise cardiaque et confirmé que les organes génitaux externes étaient intacts.

Wenceslao Mansogo a été présenté devant un juge dans l’après-midi du 10 février, après avoir passé plus de 20 heures en garde à vue. Le magistrat ne l’a pas inculpé mais a ordonné son maintien en détention dans l’attente d’un complément d’enquête. Dans une déclaration remise à un tribunal datée du 10 février et mise à disposition de ses avocats le 13 février, le juge d’instruction a indiqué qu’il enquêtait sur deux infractions possibles impliquant la négligence professionnelle et la profanation d’un cadavre.

Wenceslao Mansogo est actuellement détenu à la prison centrale de Bata. Selon des sources proches de lui, il n’a pas été maltraité et peut entrer en contact avec sa famille et ses avocats. Human Rights Watch et Amnesty International ont appelé les autorités de la Guinée équatoriale à veiller à ce que le droit de cet homme aux garanties d’une procédure régulière soit scrupuleusement respecté.

Les deux organisations ont en outre exprimé leur crainte que son maintien en détention ne soit motivé par son profil de militant des droits humains et de responsable politique de l’opposition, et non par des éléments crédibles indiquant qu’il a commis une infraction.

En l’absence de preuve à charge contre Wenceslao Mansogo, et au vu de ses activités politiques, Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion et demande sa libération immédiate et sans condition.

« Il est compréhensible que la famille de la défunte soit bouleversée et réclame une enquête sur les causes de sa mort. Cependant, les autorités judiciaires sont tenues de rendre des décisions équitables sur la base de preuves réelles dans les meilleurs délais », a ajouté Aster van Kregten, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International.

Le 14 février, les avocats de Wenceslao Mansogo ont déposé un recours demandant la libération de leur client pour absence de preuve d’une quelconque faute.

Human Rights Watch et Amnesty International sont par ailleurs préoccupées par des menaces visant Elias Nzo Ondo, l’un de ces juristes. Le 13 février, alors qu’il attendait pour obtenir une copie de la décision du juge, il a été menacé par le père de la patiente décédée. Un témoin a confirmé ses allégations.

Le père de la défunte, qui est responsable des archives du commissariat central de Bata, aurait déclaré qu’Elias Nzo Ondo pourrait se retrouver en prison prochainement ou subir des dommages physiques s’il n’arrêtait pas de défendre Wenceslao Mansogo. Selon l’avocat, les membres de la famille de la patiente décédée ont fait des déclarations similaires le soir du 10 février.

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