La Grèce doit rendre des comptes sur les conséquences de ses mesures d’austérité sur le système de santé

LA GRÈCE DOIT RENDRE DES COMPTES SUR LES CONSÉQUENCES DE SES MESURES D'AUSTÉRITÉ SUR LE SYSTÈME DE SANTÉ

Ce mercredi 2 novembre 2022, Amnesty International a déposé auprès du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe une réclamation collective, faisant valoir que le gouvernement grec avait violé plusieurs dispositions de la Charte sociale européenne relatives aux droits à la santé et à la non-discrimination, en raison des répercussions des mesures d’austérité introduites à la suite de la crise économique de 2009-2010 [2] .

Ce mercredi 2 novembre 2022, Amnesty International a déposé auprès du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe une réclamation collective, faisant valoir que le gouvernement grec avait violé plusieurs dispositions de la Charte sociale européenne relatives aux droits à la santé et à la non-discrimination, en raison des répercussions des mesures d’austérité introduites à la suite de la crise économique de 2009-2010 [3] .

En 2020, Amnesty International a publié un rapport intitulé Resuscitation required – The Greek health system after a decade of austerity [4]. Ce document était fondé sur des recherches documentaires approfondies ainsi que sur des entretiens menés avec plus de 210 participant·e·s, notamment des personnes utilisant le système de santé publique, des professionnel·le·s de santé, des spécialistes de la santé publique et des personnes représentant le gouvernement. Le rapport a montré que les mesures d’austérité avaient remis en cause l’accessibilité, notamment financière, des soins de santé en Grèce : de nombreuses personnes ont eu de plus en plus de difficultés à trouver les moyens de se faire soigner et à avoir accès au système de santé publique lorsqu’elles en avaient besoin. Les mesures ont également alourdi la tâche des membres du personnel soignant.Les baisses des salaires et des primes et indemnités se sont en effet accompagnées d’une augmentation de leur charge de travail, car la demande de soins de santé publique s’est accentuée alors que le nombre de postes occupés diminuait.

Nombre de ces mesures ont eu des conséquences manifestes pendant plus d’une décennie après leur introduction, notamment sur la capacité du système de santé à réagir face à la pandémie de COVID-19. Les entretiens menés par Amnesty International ont permis de recueillir des informations sur les répercussions particulières et spécifiques de ces mesures sur certains groupes marginalisés, notamment les personnes handicapées, âgées ou sans domicile fixe.
Le rapport met également en avant les mises en garde formulées par plusieurs organes internationaux et régionaux de défense des droits humains contre les effets pervers des mesures d’austérité en Grèce, par exemplele Comité des droits de l’enfant en 2012, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en 2013, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels en 2015, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale en 2016, ainsi que la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en 2018.

Outre la Charte sociale européenne (révisée), la Grèce a ratifié plusieurs traités relatifs aux droits humains qui l’engagent à respecter, protéger et mettre en œuvre le droit à la santé, notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et son Protocole facultatif, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Plusieurs dispositions de sa Constitution protègent également ce droit. La Grèce est de plus tenue, au titre d’instruments régionaux, de protéger le droit à la santé, et s’est également engagée à mettre en œuvre les droits et les principes inscrits dans le Socle européen des droits sociaux, notamment le Principe 16, relatif aux soins de santé, qui dispose : « toute personne a le droit d’accéder en temps utile à des soins de santé préventifs et curatifs abordables et de qualité ».

Bien que les autorités grecques aient pris certaines dispositions pour limiter l’impact de la crise économique sur la vie quotidienne, elles n’ont pas pris suffisamment d’initiatives pour protéger la population des conséquences négatives des mesures d’austérité, par exemple en menant des études d’impact sur les droits humains avant et après l’introduction de ces mesures.

La réclamation collective déposée par Amnesty International est fondée sur les recherches effectuées pour ce rapport et sur les recherches de suivi menées après la pandémie de COVID-19, et rejoint les conclusions d’organes de défense des droits humains et de groupes de la société civile en Grèce. Elle fait valoir que la Grèce ne se conforme pas à l’article 11 (1) de la Charte sociale européenne révisée de 1996, lu seul ou en combinaison avec l’article E de la Charte. Elle affirme que les mesures d’austérité ont détérioré l’accessibilité, notamment financière, des soins de santé dans le pays, avec des conséquences disproportionnées sur certaines personnes et groupes marginalisés.

Il est important que le gouvernement grec soit tenu responsable des décisions prises durant la crise économique et les années qui ont suivi, pour montrer que les décisions économiques et budgétaires des États ont des conséquences sur les droits humains, et ne doivent pas échapper à tout contrôle ni à l’obligation de rendre des comptes.

Actuellement, alors qu’une série de crises – notamment la pandémie et le conflit en Ukraine – menace la stabilité économique de nombreux pays, y compris en Europe, cela revêt une importance d’autant plus grande. Il est urgent de rappeler aux gouvernements que leurs obligations en matière de droits humains doivent guider leurs décisions en matière de politique budgétaire, et que leurs actions face aux crises économiques doivent protéger les droits économiques et sociaux de la population, et non mettre ces droits en danger.

CONTEXTE

Amnesty International fait partie des organisations habilitées à déposer des réclamations dans le cadre du système de réclamations collectives de la Charte sociale européenne, en cas de présomption de non-application de certaines dispositions de cette Charte. Les décisions du Comité européen des droits sociaux doivent être respectées par les États concernés, les autorités nationales étant tenues de prendre des mesures pour leur donner effet en droit interne [5].

La réclamation évoquée ici est la deuxième à être déposée par Amnesty International dans le cadre de la procédure de réclamations collectives du Comité. La première a été déposée en mars 2019, en réaction au caractère persistant de la situation déplorable des Roms en matière de logement en Italie [6].

Notes

[1Collective Complaint on the Violation of the Right to Protection of Health and the Principle of Non-Discrimination, Violation of Article 11 (1) Read Alone or In Conjunction with Article E, Amnesty International v. Greece, 2 novembre 2022

[2Collective Complaint on the Violation of the Right to Protection of Health and the Principle of Non-Discrimination, Violation of Article 11 (1) Read Alone or In Conjunction with Article E, Amnesty International v. Greece, 2 novembre 2022

[3Collective Complaint on the Violation of the Right to Protection of Health and the Principle of Non-Discrimination, Violation of Article 11 (1) Read Alone or In Conjunction with Article E, Amnesty International v. Greece, 2 novembre 2022

[4“Greece : Resuscitation required – The Greek health system after a decade of austerity”, 28 avril 2020 (Index AI : EUR 25/2176/2020).

[6“Italy : The ongoing scandal of Roma housing in Italy : Amnesty International files complaint before the European Committee of Social Rights”, Déclaration publique, 18 mars 2019 (Index AI : EUR 30/0064/2019)

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