Géorgie. La police aurait eu recours à une force excessive contre des manifestants

Déclaration publique

Sur fond de tensions politiques persistantes et alors que les manifestations d’opposition se poursuivent, les autorités auraient eu recours pour la seconde fois en deux mois à une force excessive pour disperser des manifestants. Amnesty International demande instamment au gouvernement géorgien de veiller à ce que les agents de la force publique agissent conformément aux normes internationales dans les opérations de maintien de l’ordre. Plusieurs manifestants, arrêtés récemment, affirment également avoir été frappés et soumis à de mauvais traitements lors de leur détention.

Le 6 mai, les forces de police auraient une première fois usé de la force en violation des droits humains au cours d’un affrontement violent avec des partisans de l’opposition devant le quartier général de la police à Tbilissi, la capitale ; la situation aurait dégénéré lorsqu’un manifestant a escaladé les grilles du bâtiment de la police. Des informations font notamment état de tirs sans discrimination qui auraient fait plusieurs blessés parmi les manifestants, dont certains auraient été touchés à la tête.

Le 15 juin, une cinquantaine de membres et de partisans d’un groupe de jeunes d’opposition se sont rassemblés devant le quartier général de la police à Tbilissi pour protester contre l’arrestation de militants de l’opposition, accusés d’avoir agressé des députés et un garde devant le bâtiment du parlement le 12 juin.

Selon des témoins oculaires, les violences ont éclaté lorsque des policiers, certains casqués et d’autres en civil, ont encerclé les manifestants et commencé à les frapper sans discrimination à coups de matraque. Selon les récits de témoins oculaires, parmi lesquels des journalistes, il n’y avait pas eu de violence ni de provocation de la part des manifestants jusque là ; les policiers auraient commencé à frapper sans avertissement et sans qu’aucun ordre de dispersion n’ait été donné. Des images vidéo diffusées par le groupe Caucasus Internet Media montrent des policiers poursuivant des manifestants et les frappant alors qu’ils essaient de s’enfuir ; on voit également sur les images des policiers s’acharner à coups de pied sur un homme à terre n’offrant aucune résistance, et asséner des coups de matraque sur la tête de manifestants .

Dix-sept manifestants se seraient présentés dans les hôpitaux pour y recevoir des soins ; deux d’entre eux – Zurab Abashidze et Giorgi Bekauri – gravement touchés ont été hospitalisés. Parmi les blessés figurent des journalistes et une équipe technique de télévision dont les bandes son et images ont été confisquées, ainsi qu’un représentant du bureau du médiateur qui aurait été frappé et arrêté par des policiers.

Trente-huit personnes ont été arrêtées, trente-trois d’entre elles ont été remises en liberté après versement d’une amende. La plupart des personnes interpellées affirment avoir été frappées et avoir subi de mauvais traitements aux mains des policiers pendant leur garde à vue. À l’heure où nous rédigeons ces lignes, cinq membres de l’opposition – Merab Chikashvili, Giorgi Chitarishvili, Giorgia Sabandze, Micheil Meskhi, Dachi Tsaguria et David Patsatsia – restent en détention pour trente jours pour des motifs relevant du droit administratif. Les représentants de l’Association des jeunes avocats géorgiens, une organisation non gouvernementale géorgienne, ont fait savoir qu’ils n’avaient pas été autorisés à leur rendre visite ni à les défendre lors de leur procès. Le médiateur qui a vu les cinq hommes en détention administrative le 17 juin a confirmé que les traces de blessures qu’ils portaient concordaient avec les affirmations selon lesquelles ils auraient été frappés à la tête et sur le corps.

Amnesty International reconnaît que les forces de l’ordre ont la responsabilité et l’obligation, aux termes du droit international, d’assurer la sécurité des personnes et des biens. Toutefois, il est du devoir des autorités de veiller à ce que les opérations de maintien de l’ordre pendant les manifestations se déroulent dans le respect des normes internationales. Elles doivent notamment veiller à ce qu’il ne soit fait usage de la force qu’avec modération, à ce que l’action soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et à l’objectif légitime à atteindre, à ce que les responsables de l’application des lois s’efforcent de ne causer que le minimum de dommages et d’atteintes à l’intégrité physique et respectent et préservent la vie humaine. Lors de la dispersion de la manifestation de l’opposition le 15 juin toutefois, les policiers auraient eu recours à la force en violation des normes précédemment citées. Amnesty International est consciente que plusieurs policiers ont également été blessés le 15 juin et que des violences ont également été signalées de la part de partisans de l’opposition. L’organisation réaffirme toutefois que ces allégations ne devraient pas servir d’excuse pour passer outre aux normes internationales relatives à l’usage de la force par des policiers.

Amnesty International salue les mesures prises immédiatement par le procureur général qui a ouvert une enquête sur les faits qui se sont produits le 15 juin et adressé une réprimande à six policiers pour les mauvais traitements infligés aux journalistes. Le ministère de l’Intérieur a également fait des excuses publiques. Toutefois, Amnesty International regrette que, tant les réprimandes que les excuses publiques aient été limitées aux violations ayant concerné des journalistes, à l’exclusion des violences faites aux autres manifestants. La Géorgie a l’obligation internationale de veiller à ce que toutes les personnes soient égales devant la loi et aient droit sans discrimination à une égale protection de la loi, en particulier une protection égale et effective contre toute forme de discrimination, fondée sur l’opinion politique ou autre.

Amnesty International appelle les autorités géorgiennes à se conformer à leurs obligations légales internationales, notamment en menant des enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les allégations individuelles de recours à une force excessive et de mauvais traitements, en engageant des poursuites contre toute personne pouvant raisonnablement être soupçonnée d’être l’auteur de tels actes et en accordant réparation aux victimes.

Complément d’information

Les manifestations anti-gouvernementales ont débuté à Tbilissi le 9 avril 2009 et se sont poursuivies presque quotidiennement pour obtenir la démission du président Mikheil Saakachvili. Le gouvernement s’est engagé à ne pas empêcher la tenue de manifestations pacifiques. Depuis le début des manifestations toutefois, des violences isolées ont été signalées à de nombreuses reprises, des partisans de l’opposition ont été agressés par des inconnus et des enquêtes doivent être ouvertes. Le médiateur a fait part de son inquiétude face à ce qu’il considère comme un manque de détermination des autorités de l’État à protéger les manifestants et à mener une enquête approfondie sur ces violences.

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