ÉTATS DU GOLFE - En finir avec les discriminations contre les femmes

Index AI : ACT 77/018/2005

Amnesty International demande instamment aux gouvernements du Conseil de coopération du Golfe (CCG) de prendre des mesures concrètes pour améliorer de façon significative la situation des femmes et éliminer la violence à leur égard dans leurs pays respectifs.

Le rapport d’Amnesty International sur la situation des femmes dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (intitulé en anglais GCC States : Women Deserve Better Respect and Dignity) rendu public ce mercredi 11 mai, examine le problème de la violence à l’égard des femmes au sein de la famille et l’incapacité des autorités publiques, en particulier de la police, à assurer leur protection. Il se penche également sur les pratiques légales et sociales qui favorisent et font que se perpétuent les violences contre les femmes, les empêchant de fait d’échapper à la violence familiale. Le rapport fait état de la situation des employées de maison immigrées, abordant notamment les problèmes de violences exercées à leur égard, les formes multiples de discrimination auxquelles elles sont confrontées, les atteintes à leurs droits perpétrées par les autorités et les abus dont elles sont victimes de la part de leurs employeurs. Ce document est le résultat d’une recherche sur le terrain menée l’année dernière dans plusieurs pays du CCG, parmi lesquels l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar.

« Les bonnes intentions restent des paroles tant qu’elles ne sont pas traduites en actes, a déclaré Abdel Salam Sidahmed, directeur du programme Moyen Orient d’Amnesty International. Les gouvernements ne doivent pas renoncer à faire ce qui est en leur pouvoir pour amener de réels changements dans la vie des femmes qui continuent de souffrir en silence dans leurs pays. »

La violence basée sur le genre, qui va souvent de pair avec la discrimination à l’égard des femmes, est courante dans tous les pays du CCG et affecte les femmes à toutes les étapes de leur vie. Jeunes filles, la famille considère qu’elles doivent l’obéissance à leurs frères. Le contrôle exercé à leur égard se manifeste par des restrictions à leur liberté de mouvement et des violences au sein de la famille. De nombreuses jeunes filles et jeunes femmes célibataires subissant des violences au sein de leur famille se résignent à endurer cette situation. Elles considèrent parfois le mariage comme le seul échappatoire possible à la violence exercée par des membres de leur famille. Certaines, parmi celles qui font ce choix, se retrouvent à nouveau confrontées à la violence au sein de leur nouvelle famille. Lorsque la violence devient intolérable, leur absence d’indépendance économique et de toute option possible aboutit souvent à la seule issue qui leur reste, le divorce, qui leur est souvent défavorable, et le retour dans leur famille d’origine où elles risquent de nouvelles violences de la part de leurs proches.

La police ne réagit habituellement pas aux plaintes pour violence déposées par des femmes. La violence à l’égard des femmes au sein de la famille est considérée comme une « affaire familiale » ou « normale » dans les pays du CCG. De plus, les normes sociales en vigueur font que la police ne considère pas ces violences contre les femmes comme relevant de la catégorie des délits. Cette attitude est l’une des principales raisons qui font que les femmes hésitent à faire état des violences subies au sein de la famille. Loin de tout encouragement à s’adresser à la police, on attend des femmes qu’elles supportent la violence de leur partenaire afin de « ne pas ruiner l’honneur de la famille ».

J. A., Saoudienne de vingt-sept ans, a déclaré à Amnesty International avoir été très violemment battue par son père depuis son enfance. À quatorze ans, désespérée, elle envisageait de se suicider. À quinze ans, elle avait essayé de contacter la police, mais on lui avait répondu que comme elle était mineure, elle serait renvoyée chez elle, que la plupart des filles étaient battues et que c’était normal. Elle avait finalement cédé aux souhaits de sa famille et épousé un homme beaucoup plus vieux qu’elle pour échapper aux coups. Elle a expliqué à Amnesty International qu’elle ne savait pas que l’homme avait vingt ans de plus qu’elle lorsqu’elle avait accepté ce mariage. Elle avait ensuite demandé le divorce, mais avait dû alors retourner chez ses parents où les coups reprirent de plus belle ; son père et son frère la battaient à présent. Elle a expliqué qu’elle n’avait nulle endroit où aller en Arabie saoudite où elle pourrait vivre en sécurité et qu’elle se confinait dans sa chambre, dans la maison de ses parents, pour éviter les coups.

« Les États ont l’obligation de veiller à ce que leurs propres agents n’exercent aucune discrimination et ne commettent aucune violence à l’égard des femmes et qu’ils ne cautionnent ni n’avalisent de tels actes commis par d’autres, a déclaré Abdel Salam Sidahmed. Il est inacceptable que des gouvernements laissent aux victimes de violences le soin de faire reconnaître leurs droits fondamentaux. La violence basée sur le genre au sein de la famille est une violation grave des droits fondamentaux des femmes et les États ont l’obligation de prendre des mesures de façon active pour protéger ces droits. »

Dans les pays du CCG, de nombreuses femmes se voient refuser toute autonomie dans le choix de leur partenaire au moment du mariage et subissent des violences physiques de la part de leur famille ou voient leur liberté de mouvement restreinte lorsqu’elles insistent sur leur droit à épouser un partenaire de leur choix. Dans certains cas, des femmes ont été confinées de force à la maison par leurs proches pour avoir choisi un mari sans la permission de la famille.

Entre vingt et quarante pour cent des immigrés dans les pays du CCG sont des femmes ; malgré cela, les femmes immigrées travaillant comme employées de maison dans ces pays ne bénéficient pas de la protection d’un grand nombre de droits fondamentaux. Elles sont particulièrement exposées aux risques de discrimination et de violence liée au genre, à la fois de la part des autorités gouvernementales et de la part d’employeurs et de particuliers.

Dans son rapport, Amnesty International appelle les gouvernements du CCG à veiller à ce que les lois visant à protéger les femmes contre la violence soient soutenues par une politique officielle et dans la pratique, et à ce que des mesures soient prises pour s’assurer de leur mise en application effective.

« Les pays du CCG doivent condamner publiquement la violence à l’égard des femmes et mettre en place des politiques visant à l’éliminer, a déclaré Abdel Salam Sidahmed. Toutes les mesures appropriées doivent être prise pour protéger les femmes de la violence et de la discrimination et pour faire en sorte qu’elles soient traitées avec dignité et respect, ce qui est le droit de tout être humain. »

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