Communiqué de presse

Espagne — Le projet de loi sur l’avortement met en péril la vie et la santé des femmes

Le gouvernement espagnol doit retirer un projet de loi visant à limiter la possibilité pour les femmes et les jeunes filles d’accéder légalement et en toute sécurité à des services d’interruption de grossesse, a déclaré Amnesty International dans une lettre envoyée au ministre espagnol de la Justice.

« Si ce texte était adopté, il ferait régresser le pays de plusieurs décennies, jusqu’à une époque précaire pour les droits des femmes et des jeunes filles », a déclaré Jezerca Tigani, directrice adjointe du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« Cette réforme pourrait mener à une augmentation du nombre de femmes et de jeunes filles recourant à des procédures illégales, risquées et clandestines, mettant ainsi leur santé, voire leur vie, en danger. Elle limiterait par ailleurs le droit des femmes et des jeunes filles de prendre leurs propres décisions, et restreindrait leur autonomie. »

Ce projet fait fi des obligations internationales du pays en matière de droits humains, ainsi que des recommandations émises par des experts internationaux concernant la pleine application de la législation en vigueur.

« Ce projet de loi est en outre discriminatoire. S’il était adopté, il affecterait de manière disproportionnée les femmes jeunes et pauvres car elles n’ont pas les moyens de se rendre à l’étranger afin d’interrompre leur grossesse légalement et en toute sécurité », a déclaré Esteban Beltrán, directeur d’Amnesty International Espagne.

Le texte proposé dresse une série d’obstacles limitant l’accès à des services d’interruption de grossesse légaux et sûrs. Par exemple, toute femme souhaitant avorter serait obligée d’obtenir deux certificats délivrés par des médecins exerçant dans des cabinets différents, qui confirmeraient l’existence d’un éventuel danger pour la santé ou la vie de la femme ou du fœtus. Elle serait par ailleurs tenue de rencontrer un conseiller et de recevoir des informations sur des questions non médicales, puis d’attendre sept jours pour une période de « réflexion ». L’accord parental serait obligatoire pour les jeunes filles âgées de 16 à 18 ans.

Le projet de loi indique par ailleurs que les femmes et les jeunes filles dont la grossesse résulte d’un viol devront signaler celui-ci à la police avant de pouvoir subir une interruption de grossesse légalement et en toute sécurité. Cela serait particulièrement problématique pour les femmes et jeunes filles migrantes sans papiers, qui risqueraient dans certains cas d’être expulsées du pays si elles portaient leur viol à la connaissance des autorités.

« Les femmes et jeunes filles qui ne veulent pas signaler un crime ne devraient pas y être forcées, à plus forte raison si elles essaient d’accéder à des services susceptibles de les aider à faire face aux conséquences d’un viol », a déclaré Esteban Beltrán.

« Ce nouveau projet de loi crée une série d’obstacles humiliants que femmes et jeunes filles doivent surmonter avant de pouvoir interrompre leur grossesse légalement et en toute sécurité. Il limite l’autonomie des femmes », a déclaré Jezerca Tigani.

L’organisation a par ailleurs indiqué que ce texte aurait un impact négatif sur les professionnels de santé, instaurant un climat de peur qui conduirait certains médecins à refuser d’aider des patientes et à s’abstenir de fournir des informations aux femmes concernées. Il remet le jugement médical en question et limite la capacité des professionnels de santé à fournir des informations, des conseils et des services médicaux à leurs patientes.

« Il s’agit d’une mesure régressive au regard du droit international, qui aurait de lourdes répercussions sur la protection des droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles. Amnesty International exhorte les autorités à la retirer immédiatement », a déclaré Esteban Beltrán.

Complément d’information

Le 20 décembre 2013, le projet de loi intitulé « Loi organique de protection de la vie de la personne conçue et des droits de la femme enceinte » a été adopté par le Conseil des ministres espagnol. Ce texte doit encore être soumis au débat parlementaire.

En 2012, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies (CDESC) a demandé au gouvernement espagnol de veiller à ce que la loi 2/2010 soit appliquée, afin que toutes les femmes puissent bénéficier d’un accès équitable aux services d’interruption volontaire de grossesse, légalement et en toute sécurité. Le CDESC a par ailleurs engagé l’État à faire en sorte que le droit des membres du personnel de santé à l’objection de conscience ne constitue pas un obstacle pour les femmes voulant mettre fin à leur grossesse ; et à se soucier tout particulièrement de la situation des adolescentes et des immigrées.

Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la santé, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Conseil de l’Europe ont déclaré que les lois limitant le recours aux interruptions de grossesse mènent à une augmentation du nombre d’avortements illégaux et dangereux, et contribuent à la mortalité maternelle.

Le projet de loi propose d’interdire les brochures sur les centres de santé pratiquant des interruptions volontaires, ce qui est contraire aux recommandations du CDESC sur l’obligation d’informer les femmes au sujet des services procédant à des interventions de ce type légalement et en toute sécurité. L’OMS préconise de dépénaliser la diffusion et la réception d’informations sur l’avortement légal.

Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la santé, l’OMS et le Conseil de l’Europe estiment que les périodes d’attente obligatoires ne sont pas nécessaires sur le plan médical, que la nécessité d’obtenir l’approbation de plus d’un médecin pour que la procédure ait lieu ou l’accord parental constituent des obstacles à l’accès à des services d’interruption de grossesse légaux et sûrs, en particulier pour les femmes les plus jeunes et celles ayant de faibles revenus. L’OMS a également recommandé que les conseils prodigués à toute femme, si elle en a fait la demande, n’aient pas pour but de l’influencer mais seulement de lui permettre de prendre une décision éclairée.

Amnesty International demande au gouvernement espagnol de garantir que les personnes et organisations concernées puissent véritablement et activement participer à l’élaboration du projet de loi proposé. Cela n’a pas été le cas avant son adoption par le Conseil des ministres le 20 décembre 2013.

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