Espagne, le cargo de la mort est arrivé dans le port de Sagonte

• Le cargo saoudien Bahri Abha est arrivé dans le port de Sagonte, dans la province de Valence
• Depuis le début de la guerre au Yémen, ce cargo a transporté depuis les États-Unis vers l’Arabie saoudite des cargaisons d’armes d’une valeur de 143 millions d’euros.
• Le gouvernement espagnol est tenu d’empêcher le transit de navires transportant des armes qui pourraient être utilisées pour commettre des crimes de guerre.

Le cargo Bahri Abha, qui bat sous pavillon saoudien, est arrivé tôt dans la matinée du 10 décembre dans le port de Sagonte (province de Valence), alors que des organisations telles qu’Amnesty International, FundiPau, Greenpeace et Oxfam Intermón avaient demandé au gouvernement de l’empêcher d’entrer dans un port espagnol.
 
Ces organisations, qui mènent la campagne Contrôlez les armes en Espagne, sont arrivées le 10 décembre dans le port de Sagonte pour protester contre l’arrivée de ce navire, et demander au gouvernement espagnol d’interdire le transit et le chargement en Espagne d’armes susceptibles d’être utilisées pour commettre des crimes de guerre.
 
« Depuis le début, en 2015, de la guerre qui déchire actuellement le Yémen, ce cargo a transporté des armes, principalement des composants pour des avions militaires, représentant une valeur de 143 millions d’euros lors de huit voyages à destination de l’Arabie saoudite effectués depuis les États-Unis. Le gouvernement espagnol doit intervenir pour veiller à ce que ce navire saoudien ne transporte pas de nouvelles cargaisons d’armes meurtrières susceptibles d’être utilisées pour commettre d’autres atrocités au Yémen. S’il transporte cette fois encore des armes utilisées pour commettre des violations du droit international humanitaire au Yémen, son transit par le territoire espagnol viole le droit espagnol, a déclaré Alberto Estévez, porte-parole de la campagne qui demande au gouvernement de suspendre les exportations d’armes vers la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis qui intervient au Yémen.
 
Le Bahri Abha a fait escale dans plusieurs ports de la côte est des États-Unis avant d’annoncer un soudain déroutement vers Sagonte le 26 novembre. On ignore s’il transporte actuellement des armes, mais cela semble fort probable compte tenu de ses récentes activités.


D’après les informations réunies par Amnesty International concernant les lettres de transports, depuis le début de la guerre au Yémen, en 2015, le Bahri Abha a transporté des cargaisons d’armes d’une valeur de près de 143 millions d’euros lors de huit voyages à destination de l’Arabie saoudite effectués depuis les États-Unis. Presque un quart de cette somme concerne l’année 2019, et il s’agit majoritairement de composants pour des avions militaires. La guerre aérienne menée au Yémen par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis a fait des milliers de morts et de blessés parmi les civils, y compris lors d’attaques constituant des violations du droit international humanitaire.

De plus, les ONG craignent que ce navire n’embarque en Espagne de nouvelles armes. C’est ce qui s’est produit avec un autre cargo appartenant à la même flotte, le Bahri Yanbu, qui a embarqué des armes destinées aux Émirats arabes unis, à Santander, en mai 2019. 

D’après les informations qu’Amnesty International Espagne a reçues du gouvernement espagnol, à Sagonte le navire doit embarquer des containers qui doivent être transportés jusqu’à Abou Dhabi (aux Émirats arabes unis) et Alexandrie (en Égypte). Cependant, le gouvernement espagnol n’a révélé ni le contenu de ces containers ni la nature du chargement transporté depuis les États-Unis. L’organisation est extrêmement préoccupée par le secret qui entoure ces activités commerciales, a déclaré Alberto Estévez.


« Les exportations destinées à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite sont illégales parce qu’elles violent le droit espagnol et international : le gouvernement espagnol a l’obligation de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire. S’il autorise cette opération, il risque de se rendre complice de la commission de crimes de guerre. Il doit donc empêcher ce cargo d’embarquer des armes à Sagonte et de transporter vers l’Arabie saoudite des armes qui sont susceptibles d’être utilisées pour commettre des atrocités au Yémen.  »

Une guerre oubliée qui dure depuis cinq ans

 
Le conflit armé au Yémen a débuté quand, en mars 2015, une coalition d’États dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (à laquelle participent également Bahreïn, l’Égypte, la Jordanie, le Koweït et le Maroc, qui a annoncé son retrait de la coalition en janvier 2019) est intervenue à la demande du président Hadi, dans le but de ramener au pouvoir le gouvernement internationalement reconnu, après la prise de Sanaa, la capitale yéménite, par le groupe armé des Houthis début 2015.
 
Selon les Nations unies, fin 2019, plus de 233 000 Yéménites auront perdu la vie en raison des combats ou de la crise humanitaire ; quelque 14,3 millions de personnes risquent d’être victimes de la famine, et 24 millions de Yéménites, sur une population totale de 29 millions d’habitants, ont besoin d’une aide humanitaire pour survivre.
 
Une personne sur trois, au Yémen – essentiellement les femmes et les enfants –, est au bord de la famine. Plus de 16 millions d’habitants n’ont pas accès à l’eau potable, et 15 millions n’ont pas accès aux services de santé minimums, car les hôpitaux ferment en raison d’un manque de moyens.

Les Nations unies ainsi que des ONG internationales et yéménites ont rassemblé des informations sur de très nombreuses violations, y compris des crimes de guerre, commises par toutes les parties au conflit, notamment des attaques ayant directement visé des civils et des biens de caractère civil, des attaques menées de façon aveugle et disproportionnée, des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements. Durant les quatre premières années du conflit, Amnesty International a réuni des informations sur au moins 41 frappes aériennes menées par la coalition saoudienne qui sont présumées avoir violé le droit international humanitaire, et un grand nombre de ces attaques pourraient constituer des crimes de guerre. Ces attaques ont fait 512 morts et 433 blessés parmi la population civile.
 
Complément d’information


L’Espagne, qui a ratifié le Traité sur le commerce des armes (TCA) en 2014, a à ce titre un certain nombre d’obligations. L’article 6 du TCA dispose qu’un État partie ne doit autoriser aucun transfert d’armes classiques ou de munitions si ces armes ou ces biens sont susceptibles de servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre.

De plus, l’article 9 dispose que chaque État partie doit prendre « les mesures nécessaires » pour « réglementer le transit ou le transbordement, sous sa juridiction et sur son territoire, des armes classiques visées par l’article 2(1), conformément au droit international applicable », comme dans ce cas précis.
 
Sous la pression de l’opinion publique, plusieurs pays comme les Pays-Bas, la Belgique, la Grèce et l’Allemagne ont réagi en suspendant partiellement ou totalement leurs ventes d’armes à l’Arabie saoudite [1], aux Émirats arabes unis et aux autres membres de la coalition. À la suite de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, d’autres États européens, dont la Norvège, la Finlande et le Danemark, ont annoncé qu’ils allaient suspendre leurs transferts d’armes vers l’Arabie saoudite.
 

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