Érythrée. Six ans après la vague d’arrestations de dissidents, les droits humains sont bafoués avec la même intensité.

Déclaration publique

AFR 64/009/2007

Il y a un an, Amnesty International demandait au Président Issayas Afeworki de révéler ce qu’il était advenu des prisonniers d’opinion de renom détenus dans des lieux secrets depuis 2001 – et peut-être morts –, dont certains comptaient parmi ses très proches alliés dans la lutte pour la libération de l’Érythrée. Le gouvernement érythréen demeure sourd à tout appel et fermé à toute enquête concernant les droits humains.

Des centaines d’anciens dirigeants du gouvernement, de journalistes des médias privés et de fonctionnaires ont été incarcérés pour des motifs politiques il y a six ans, le 18 septembre 2001. Depuis, la plupart sont toujours détenus au secret dans des conditions pouvant entraîner la mort. Plusieurs seraient morts en prison des suites de mauvais traitements et de l’absence de soins médicaux, à l’instar de l’ancien général Ogba Abraha et du journaliste Fessahaye « Joshua » Yohannes. En dépit de nombreuses requêtes, le gouvernement a toujours refusé de fournir des preuves attestant du fait qu’ils sont encore en vie.

Le Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ), au pouvoir, est le seul parti politique autorisé. Les associations indépendantes de la société civile, les organisations non gouvernementales de défense des droits humains et les médias indépendants étant interdits, la liberté d’expression est inexistante et toute forme de dissidence vigoureusement réprimée. Des milliers de jeunes Érythréens fuient la conscription militaire, qui débute pour tous à l’âge de dix-huit ans et se poursuit presque indéfiniment. Ceux qui tentent de s’y soustraire ou sont arrêtés alors qu’ils quittent le pays sont sévèrement sanctionnés en étant torturés et placés en détention pour une durée indéterminée.

Persécutions religieuses

Outre ces détentions et les arrestations à caractère politique qui foulent aux pieds les droits constitutionnels à la liberté d’opinion et d’association, le droit constitutionnel à la liberté de croyance religieuse est toujours violemment bafoué. Le gouvernement se contente de nier toute persécution des minorités religieuses, tout en refusant l’accès aux enquêtes. Les membres d’Églises évangéliques, dont des enfants, font régulièrement l’objet d’arrestations lorsqu’ils pratiquent leur foi dans des résidences privées, leurs églises ayant été fermées en 2002. Les prisonniers religieux sont systématiquement torturés, et ce de manière répétée, afin de les contraindre à renier leur foi, ce qu’ils refusent majoritairement.

Plus de 2 000 hommes, femmes et enfants appartenant à des Églises évangéliques et d’autres confessions minoritaires sont actuellement incarcérés en Érythrée. Vingt-cinq témoins de Jéhovah se trouvent derrière les barreaux, dont trois depuis treize ans.

En Érythrée, au cours de l’année 2006, quatre disciples d’Églises évangéliques interdites sont morts en détention des suites de tortures et de l’absence de soins médicaux :
– Nigisti Haile, trente-trois ans, est morte dans le centre d’entraînement militaire de Wia, près du port de Massaoua, le 5 septembre 2007, après avoir été interpellée avec d’autres membres de son Église à Keren début 2006.
– Moges Solomon, trente ans, est mort dans le camp militaire d’Adi-Nefase, près du port d’Assab, le 15 février 2007, après avoir été maintenu en détention en 2003.
– Immanuel Andegergesh, vingt-trois ans, et Kibrom Firemichael, trente ans, sont morts dans le camp militaire d’Adi-Quala le 17 octobre 2006.

Les Églises orthodoxes du monde entier ont lancé un appel en faveur du patriarche Abune Antonios, soixante-dix-neuf ans, chef de l’Église orthodoxe érythréenne officiellement reconnue. Il a été déchu de son autorité en mai 2007, en violation des procédures de l’Église, pour avoir dénoncé l’ingérence du gouvernement dans les affaires religieuses, et a été remplacé par un candidat progouvernemental. Il avait auparavant été assigné à domicile pendant huit mois dans sa résidence officielle. Après avoir fait sa déposition, il a été transféré dans un lieu de détention inconnu et secret. Les autorités n’ont divulgué aucune information sur les conditions de sa détention et on ignore s’il est autorisé à recevoir des soins médicaux pour son diabète et d’autres problèmes de santé.

Torture

Les forces de sécurité érythréennes font régulièrement usage de la torture afin de sanctionner les prisonniers politiques, militaires et religieux. Ils sont détenus au secret sans inculpation ni jugement dans des camps militaires ou des prisons de sécurité. Les soins médicaux sont quasiment inexistants pour les victimes d’actes de torture et les prisonniers ayant contracté des affections liées aux conditions carcérales éprouvantes – nombre d’entre eux sont enfermés dans des conteneurs métalliques de transport maritime. Les autorités judiciaires et de sécurité n’ont jamais mené d’enquêtes ni engagé de poursuites pour des affaires de torture, de disparition forcée et de mort en détention.

Les détenus sont notamment roués de coups et attachés pendant de longues périodes dans des positions douloureuses, torture régulièrement infligée aux hommes et aux femmes qui tentent de se soustraire au service militaire ou sont accusés d’autres infractions militaires.

Réfugiés

En 2006, des milliers d’Érythréens ont fui vers les pays voisins, dont le Soudan et l’Éthiopie, afin d’y demander asile. Plusieurs centaines avaient atteint la Libye en 2006 et y sont toujours incarcérés. Amnesty International a engagé les autorités libyennes à ne pas les renvoyer de force vers l’Érythrée, où ils seraient torturés et placés en détention pour une durée indéterminée, à l’instar des centaines d’Érythréens renvoyés de Libye en 2004. Au Soudan, depuis quelques mois, les réfugiés érythréens sont également placés en détention, semble-t-il en raison d’un rapprochement entre les gouvernements du Soudan et de l’Érythrée.

Amnesty International lance un appel au gouvernement de l’Érythrée
Amnesty International demande au gouvernement érythréen de faire la lumière sur le sort des détenus dont on craint qu’ils ne soient morts en détention et de livrer des preuves indiscutables – en leur permettant par exemple d’entrer en contact direct avec leur famille, leur représentant légal ou un organisme régional ou international compétent.

Par ailleurs, Amnesty International demande que tous les prisonniers d’opinion incarcérés en Érythrée en raison de leurs convictions ou de leurs croyances soient libérés sans délai et que le gouvernement condamne publiquement la torture. En outre, il doit engager le dialogue avec les organismes internationaux de défense des droits humains et les autoriser à se rendre dans le pays.

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