Érythrée. Plus de 500 parents de conscrits arrêtés

Déclaration publique

Index AI : AFR 64/015/2006 (Public)
Bulletin n° : 329
ÉFAI
21 décembre 2006

Recourant à des mesures de sanction collective, le gouvernement érythréen a arrêté plus de 500 proches – essentiellement les parents – de jeunes hommes et femmes ayant déserté l’armée ou évité la conscription. Condamnant vigoureusement ces détentions arbitraires, Amnesty International demande aux autorités érythréennes de libérer immédiatement ces personnes ou de les inculper d’infractions prévues par la loi et de les juger dans un délai raisonnable et dans le plein respect des normes internationales d’équité des procès.

Cette vague d’arrestations a été lancée le 6 décembre 2006 dans la région d’Asmara, la capitale. Aucune des personnes interpellées n’a été inculpée d’une infraction pénale ni présentée devant un tribunal dans les 48 heures, comme le prévoient la Constitution et la législation érythréennes. Les autorités ont déclaré que les détenus doivent convaincre les conscrits manquants à l’appel de se présenter ou s’acquitter d’une amende de 50 000 nafka (environ 910 euro). Sinon, ils devront servir six mois dans l’armée à la place de leur proche.

Le principe de responsabilité pénale individuelle, selon lequel nul ne peut être passible de sanctions pour un acte qui n’engage pas sa responsabilité personnelle, est un principe fondamental du droit repris dans le droit international relatif aux droits humains. Ces interpellations foulent aux pieds ce principe, et particulièrement le droit à la liberté et à la sécurité et le droit en vertu duquel nul ne peut être arbitrairement arrêté ou détenu, que consacrent le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, auxquels l’Érythrée est partie.

Ces arrestations s’inscrivent dans une politique gouvernementale de plus en plus établie qui consiste à infliger des châtiments arbitraires exercés à titre punitif contre la société civile, les groupes religieux et les défenseurs des droits humains.

Neuf journalistes travaillant dans des médias publics ont été interpellés en novembre et huit sont toujours incarcérés dans un complexe de la police à Asmara. En octobre, plus de 150 membres d’Églises évangélistes ont été arrêtés – portant à plus de 2 000 le nombre de personnes incarcérées en Érythrée en raison de leurs croyances religieuses. Toutes sont détenues au secret sans avoir été jugées ni même inculpées. Amnesty International les considère comme des prisonniers d’opinion, incarcérés uniquement pour avoir mené leurs activités et exprimé leurs croyances de manière pacifique. Cette répression étatique généralisée bafoue les obligations qui incombent à l’Érythrée au titre du PIDCP et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, à savoir respecter le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion et le droit à la liberté d’expression.

Complément d’information

Depuis le conflit qui a opposé l’Érythrée à l’Éthiopie de 1998 à 2000, des milliers de jeunes hommes et femmes ont fui l’Érythrée et cherché refuge notamment au Soudan, afin de se soustraire au service militaire ou après avoir déserté l’armée. Instauré à dix-huit mois en 1994, le service national, obligatoire pour l’ensemble des hommes et des femmes âgés de dix-huit à quarante ans, a été prolongé indéfiniment. Il se décompose en un service militaire et des travaux effectués sur des chantiers de construction liés à l’armée. Les autorités érythréennes ne reconnaissent pas le droit à l’objection de conscience. De nombreuses rafles sont organisées afin de mettre la main sur les insoumis et les déserteurs. L’insoumission, la désertion et d’autres délits militaires sont souvent sanctionnés par des mesures de détention arbitraire pour une durée indéterminée, des actes de torture ou d’autres mauvais traitements.

Les mesures prises par les autorités posent des difficultés croissantes aux organisations non gouvernementales (ONG) humanitaires internationales pour mener leurs actions. En 2006 seulement, 11 organisations expulsées d’Érythrée ont été contraintes de mettre un terme à leur travail dans le pays.

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