ÉRYTHRÉE : L’anniversaire de l’indépendance est l’occasion de lancer un nouvel appel en faveur de l’amélioration urgente de la situation des droits humains dans le pays

Index AI : AFR 64/004/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

En ce jour de commémoration de l’indépendance, Amnesty International prie instamment le président de l’Érythrée, Issayas Afeworki, de faire de cette quatorzième année d’indépendance officielle une année d’amélioration de la situation des droits humains dans le pays, amélioration considérée comme des plus urgentes par la communauté internationale et par de nombreux Érythréens vivant dans le pays ou à l’étranger.

Amnesty International appelle de nouveau le gouvernement à libérer ces hommes et ces femmes prisonniers d’opinion, qui sont incarcérés sans inculpation, ni jugement ni situation au regard de la loi, en raison de leurs convictions politiques ou religieuses, ou de leur insoumission - ou de celle de leurs enfants - au service militaire. L’organisation de défense des droits humains exhorte une fois encore la communauté internationale - l’Organisation des Nations unies (ONU) et ses institutions spécialisées ; l’Union africaine ; l’Union européenne, et les pays ayant des liens bilatéraux spécifiques avec l’Érythrée - à soutenir ces demandes lors de leurs échanges avec le gouvernement de l’Érythrée.

Cinq des six prisonnières d’opinion dont Amnesty International avait demandé la libération inconditionnelle le jour anniversaire de l’indépendance en 2005, sont toujours détenues au secret et dans des conditions extrêmement pénibles. Il s’agit de Helen Berhane, Aster Fissehatsion, Aster Yohannes, Miriam Hagos et Senait Debessai.

Pratiquement tous les prisonniers d’opinion qui se trouvaient en prison il y a un an et en faveur desquels Amnesty International et beaucoup d’autres ont mené campagne sont toujours derrière les barreaux, dont certains depuis plus d’une décennie. Qu’ils soient incarcérés dans des prisons officielles civiles ou militaires ou dans des prisons secrètes, ils ne sont toujours pas autorisés à recevoir la visite de leurs proches. Aucun d’entre eux n’a été inculpé ou jugé ; l’absence de soins médicaux demeure la norme ; les actes de torture se sont poursuivis et des personnes continuent d’être soumises à des conditions de détention cruelles dans des conteneurs métalliques de transport maritime.

Amnesty International rediffuse également ce mercredi 24 mai 2006 le rapport qu’elle avait rendu public en décembre 2005 sur les persécutions religieuses et d’autres violations des droits humains en Érythrée, accompagné d’une nouvelle traduction en arabe et en tigrinya pour le rendre plus accessible aux Érythréens. (Les versions en arabe et en tigrinya du rapport de décembre 2005 intitulé Eritrea : Religious Persecution, index AI : AFR 64/013/2005, se trouvent sur le site de l’organisation www.amnesty.org, ou peuvent être obtenues en envoyant un message à eastafric@amnesty.org.) Depuis la première publication de ce rapport en 2005, il n’y a pas eu d’amélioration significative en ce qui concerne les persécutions des groupes religieux, et un très petit nombre de personnes ont été libérées.

Le gouvernement érythréen a écarté avec mépris les préoccupations que la communauté internationale a exprimées au sujet des violations graves et systématiques des droits humains dans le pays. La seule réponse des autorités au rapport d’Amnesty International sur les persécutions religieuses a été le commentaire suivant du ministre de l’Information par intérim, cité dans les médias : « Qui sont ces gens d’Amnesty International ? Nous n’avons pas le temps de nous préoccuper chaque jour de telles élucubrations. » Le gouvernement prétend qu’il règne dans le pays une « liberté religieuse absolue », telle que garantie par la Constitution.
La politique du secret et les manœuvres d’intimidation à l’encontre des Éthiopiens dans le pays et à l’étranger sont telles que très peu d’informations sont disponibles sur les nouveaux prisonniers politiques depuis l’année dernière. Parmi eux se trouvent 10 membres du personnel érythréen de la Mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE) gérant la zone de sécurité temporaire entre les deux pays, qui ont été arrêtés il y a quelques jours alors que les relations entre l’Érythrée et les Nations unies ne cessent de se détériorer.

Prisonniers d’opinion de longue date

Onze anciens ministres qui étaient également députés sont toujours détenus dans un ou des lieux secrets, sans avoir été inculpés. Le gouvernement continue d’affirmer sans fondement que l’ancien ministre des Affaires étrangères Haile Woldetensae et d’autres personnes qui avaient lancé un appel en faveur de réformes et d’élections démocratiques se sont rendus coupables de trahison lors du conflit frontalier. Dix journalistes arrêtés en septembre 2001 sont toujours incarcérés sans avoir été inculpés, ainsi que deux autres journalistes arrêtés depuis lors. La presse indépendante est toujours muselée.
Parmi les milliers d’hommes et de femmes qui n’ont toujours pas été jugés depuis la vague de répression qui a frappé l’ensemble de l’opposition en 2001, l’homme d’affaires Hassan Kekiya, âgé d’environ 75 ans et qui avait tenté de réconcilier le gouvernement et ses opposants, a été libéré en décembre 2005 après quatre années de détention au secret, sans doute pour des raisons médicales. Malheureusement, il a été arrêté de nouveau le mois dernier, sans explication. Il est atteint de diabète, ne peut marcher qu’en s’aidant d’une béquille et les conditions carcérales extrêmement pénibles qu’il a endurées ont considérablement détérioré son état de santé général.

Il y a d’autres prisonniers souffrant de maladies chroniques comme le général Bitwoded Abraha (détenu pratiquement sans interruption depuis 1992) ; Aster Yohannes (arrêtée à son retour des États-Unis en décembre 2003) ; Senait Debessai et son frère Ermias Debessai (tous deux arrêtés en novembre 2003). Trois dirigeants de syndicats officiels sont détenus au secret et sans inculpation depuis plus d’un an.

Les persécutions religieuses qui ont fait l’objet des derniers rapport et campagne d’action d’Amnesty International sur l’Érythrée se sont poursuivies bien qu’il semble y avoir eu un peu moins d’arrestations à ce jour en 2006 que l’année dernière. Incarcérée en mai 2004, Helen Berhane, chanteuse de gospel appartenant à une église évangélique et en faveur de laquelle des milliers d’appel en provenance du monde entier ont été envoyés sans susciter de réponse du gouvernement, est toujours détenue par l’armée. Les principales cibles du gouvernement restent les Témoins de Jéhovah, parce qu’ils refusent de faire leur service militaire, et les membres des Églises chrétiennes évangéliques qui ont été interdites en 2002. Environ 70 membres d’un groupe musulman dissident sont également détenus. Vingt-cinq pasteurs évangéliques et trois prêtres « réformistes » de l’Église orthodoxe érythréenne officielle, dont le vieux patriarche à la santé fragile se trouverait en résidence surveillée depuis qu’il a critiqué leur arrestation, sont toujours détenus avec des centaines d’autres personnes, dans des conditions très pénibles à la prison de haute sécurité de Karchele, à Asmara.

Les hommes âgés de dix-huit à quarante ans et les femmes âgées de dix-huit à vingt-sept ans font l’objet d’une conscription militaire illimitée, sans avoir le droit d’effectuer un service civil de remplacement pour des raisons de conscience. De nombreux Érythréens ont cherché à échapper à la conscription militaire, en particulier en fuyant au Soudan, mais ils ont été torturés et arbitrairement détenus une fois capturés. Au cours de l’année qui vient de s’écouler, un nombre croissant de parents d’appelés manquant à l’appel ont été eux-mêmes arrêtés avec la possibilité d’être libérés uniquement en échange du paiement d’amendes illégales exorbitantes, hors de portée de la plupart d’entre eux, qui sont donc toujours détenus pour une durée indéterminée.

Complément d’information

L’Érythrée est devenue officiellement indépendante le 24 mai 1993 à l’issue de deux années d’indépendance de facto d’avec l’Éthiopie et d’un référendum organisé par les Nations unies, dont est sorti vainqueur le Front populaire de libération de l’Érythrée (FPLE) qui a fondé un nouveau gouvernement. Depuis le conflit frontalier avec l’Éthiopie, de 1998 à 2000, le dirigeant du FPLE et actuel président Issayas Afeworki a remis sine die les élections qu’il est tenu d’organiser aux termes de la Constitution (1997). La question de la frontière n’est toujours pas résolue.
Les partis d’opposition et les organisations non gouvernementales indépendantes sont interdites et toute critique à l’égard du gouvernement est violemment réprimée. Les pratiques religieuses de groupes de confessions non reconnues par les autorités (en particulier les chrétiens évangéliques) sont sévèrement punies.
La conscription militaire est appliquée de manière très stricte et les tensions avec l’Éthiopie demeurent vives. Le gouvernement est en outre confronté à la menace d’un conflit armé avec une coalition de l’opposition basée au Soudan.

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