Employés domestiques en danger de violations des droits humains

Jeudi 15 février, Amnesty International appelle les autorités qatariennes à veiller à ce que le projet de loi sur les employés domestiques, actuellement en cours d’examen, prévoie des protections légales robustes contre les violations des droits humains et des mécanismes applicables afin que les travailleurs puissent amener les employeurs aux pratiques abusives à rendre des comptes.

Le 8 février, le gouvernement du Qatar a annoncé l’approbation d’un projet de loi régissant le travail des employés domestiques. Cela fait suite à près d’une décennie de promesses du gouvernement de réglementer le travail des employés domestiques, actuellement exclus des dispositions du Code du travail de 2004 qui accorde des protections de base à la majorité des travailleurs du pays. Le projet de loi sur les employés domestiques n’a pas encore été publié et aucun calendrier n’a été fourni quant à sa finalisation et sa mise en œuvre. L’annonce du gouvernement indiquait que le projet de loi « s’applique aux parrains et aux employés de maison, précise leurs droits et leurs devoirs, et réglemente leur relation ». Cependant, aucun détail supplémentaire n’a été donné concernant le contenu de ce texte.

En 2012, un projet de loi sur les employés domestiques avait été enterré. Le fait que la réglementation du travail des employés domestiques soit à nouveau d’actualité peut être vu comme un signe positif, cependant, si les autorités qatariennes veulent réellement empêcher les violences et l’exploitation, elles doivent veiller à ce que la nouvelle loi comprenne des protections applicables conformes au droit international et aux normes connexes, notamment à la Convention n° 189 sur les travailleuses et les travailleurs domestiques de l’Organisation internationale du travail, que le Qatar n’a pas ratifiée.

D’après les données du recensement de 2010, 132 401 travailleuses et travailleurs domestiques se trouvaient au Qatar cette année-là, et ce chiffre a très probablement augmenté de manière considérable depuis. La majorité des travailleurs domestiques sont des femmes, qui sont employées pour s’occuper du ménage, de la cuisine et des enfants, mais de nombreux foyers emploient également des hommes en tant que chauffeurs ou jardiniers. Les employés domestiques n’ont aucun droit à une limitation de leurs heures de travail, à une journée de repos hebdomadaire, ni à des congés annuels. En cas de violence ou d’exploitation, ils ne peuvent pas dénoncer leurs employeurs devant le département des relations du Travail.

Entre 2012 et 2014, Amnesty International a recensé des cas dans lesquels des femmes, employées comme travailleuses domestiques, décrivaient toute une gamme de traitements abusifs, notamment : la tromperie sur les conditions de travail et le salaire ; des salaires non-payés ou bien en retard ; des horaires de travail excessifs, avec très peu de jours de repos ; la confiscation de passeports ; des espaces de vie inadaptés ; de graves restrictions à leur droit de circuler librement et à leurs communications ; et le fait d’être soumises à du harcèlement verbal et à des traitements déshumanisants. Dans certains cas, leur traitement s’apparentait à du travail forcé et à de la traite d’êtres humains, et dans les cas les plus extrêmes, les mauvais traitements contre les employées domestiques comprenaient des violences physiques et sexuelles. Les victimes se sont heurtées à d’importants obstacles pour contacter les autorités afin de déposer plainte, demander de l’aide et amener leurs agresseurs à rendre des comptes.

Si, au Qatar, tous les travailleurs migrants sont exposés à des atteintes à leurs droits humains en raison du système de parrainage extrêmement restrictif mis en place par le pays, les employés domestiques sont d’autant plus vulnérables car ils sont isolés au domicile de leur employeur et soumis à un degré de contrôle important. Les employés domestiques qui fuient leurs employeurs aux pratiques abusives sont souvent traités comme des délinquants et placés en détention pour avoir « fui » leur employeur.

Amnesty International appelle les autorités qatariennes à veiller à ce que les droits des travailleuses et des travailleurs domestiques soient pleinement respectés, en conformité avec les normes internationales applicables, notamment en :

− instaurant des restrictions légales à leurs heures de travail et en mettant obligatoirement en place un jour de congé minimum par semaine ;

− obligeant les employeurs à fournir un logement décent et sûr ;

− obligeant les employeurs à fournir des soins médicaux ;

− veillant à ce que le système de protection des salaires du Qatar inclue les salaires des travailleurs domestiques ;

− permettant aux travailleuses et aux travailleurs domestiques d’accéder au département des relations du Travail et au tribunal du travail afin de pouvoir déposer plainte contre les employeurs aux pratiques abusives ;

− interdisant aux employeurs de restreindre le droit de circuler librement de leurs employés et leur capacité à communiquer ;

− veillant à ce que les travailleurs domestiques bénéficient d’une protection efficace contre toutes les formes d’abus, de harcèlement et de violence ; et

− ratifiant la Convention n° 189 de l’OIT concernant le travail des travailleuses et travailleurs domestiques afin de transposer ses dispositions en droit, en politique et en pratique.

Amnesty International appelle également les autorités à profiter de l’occasion de la rédaction d’une nouvelle loi pour réviser son approche de la protection des travailleuses et des travailleurs domestiques contre les traitements abusifs au domicile de leur employeur. Le gouvernement ne devrait notamment jamais détenir des personnes au seul motif qu’elles ont « fui » leur employeur, et doit développer une stratégie pour veiller à ce que les travailleurs domestiques puissent se plaindre de faits de violence, notamment d’agressions sexuelles, sans avoir peur ni subir de harcèlement, s’assurer que leurs plaintes fassent l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales et que, lorsqu’il existe suffisamment de preuves recevables, des poursuites soient d’engagées contre les responsables.

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