Égypte : Il faut libérer le défenseur des droits humains Hisham Gaafar

Les autorités égyptiennes doivent libérer immédiatement et sans condition le journaliste et défenseur des droits humains Hisham Gaafar, a déclaré Amnesty International. Le 21 octobre, cela fera deux ans qu’il est maintenu en détention provisoire arbitraire. Il est soumis à des conditions inhumaines et à un isolement prolongé, ce qui se traduit par une grave détérioration de son état de santé.

Les forces de sécurité ont arrêté Hisham Gaafar pour des accusations forgées de toutes pièces en octobre 2015. Depuis, un collège de juges a renouvelé à maintes reprises sa détention provisoire sans examiner les maigres preuves présentées contre lui par le parquet.

« Il est honteux qu’Hisham Gaafar ait dû passer deux ans derrière les barreaux. Sa détention provisoire arbitraire et prolongée illustre une nouvelle fois la manière dont les autorités judiciaires en Égypte se servent du système pénal pour sanctionner les détracteurs et les dissidents pacifiques, a déclaré Najia Bounaim, directrice des campagnes pour l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« Hisham Gaafar est un prisonnier d’opinion, détenu uniquement en raison de ses activités en faveur des droits humains. Il n’aurait jamais dû être arrêté. Son incarcération prolongée et arbitraire est une violation flagrante du droit égyptien et du droit international, et les juges ne devraient pas permettre qu’elle dure ne serait-ce qu’un jour de plus. »

Hisham Gaafar, 53 ans, est le directeur de la Fondation Mada pour le développement des médias, une ONG qui propose des consultations, des formations et des informations sur toute une série de questions liées aux droits humains et au développement. Avant d’être arrêté, il faisait des recherches sur les violences interconfessionnelles et la transition démocratique.

Le 21 octobre 2015, des agents de l’Agence de sécurité nationale du ministère de l’Intérieur l’ont interpellé à son bureau du Caire, sans mandat d’arrêt. Ils ont fouillé les locaux et ont confisqué des documents et des ordinateurs portables. Simultanément, d’autres agents ont effectué une descente à son domicile au Caire. Ils ont retenu son épouse et ses enfants pendant 17 heures à l’intérieur de la maison, avant de repartir avec leurs téléphones portables, leurs ordinateurs portables et des documents personnels.

Hisham Gaafar est incarcéré en raison d’accusations infondées selon lesquelles il aurait reçu des fonds d’agences étrangères dans le dessein de « porter atteinte à la sécurité nationale » et appartiendrait à « une organisation interdite », les Frères musulmans. S’il est déclaré coupable, il encourt la réclusion à perpétuité.

Selon l’article 143 du Code de procédure pénale égyptien, la période maximale de détention précédant le procès ne doit pas excéder six mois pour les suspects encourant des peines pouvant aller jusqu’à trois ans de prison, 18 mois pour les personnes encourant des peines pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison, et deux ans pour les personnes encourant la peine de mort ou la réclusion à perpétuité.

Les juges qui contrôlent le bien-fondé de la détention d’Hisham Gaafar sont donc tenus, au titre de la loi, de le libérer au bout de deux années passées en détention provisoire. Sa prochaine audience consacrée à cet examen est fixée au 26 octobre.

Son avocat Karim Abdelrady, du Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme, a déclaré à Amnesty International que depuis son arrestation, le service du procureur général de la sûreté de l’État n’a présenté aucun élément de preuve justifiant son maintien en détention. Il a ajouté que l’accusation fonde ses investigations sur des informations émanant de l’Agence de sécurité nationale et que ses avocats n’ont pas été autorisés à consulter le dossier.

Utilisation systématique de la détention provisoire

Depuis juillet 2013, des milliers de personnes ont été placées en détention dans le cadre du système de détention provisoire abusif en vigueur en Égypte, qui confère aux juges et aux procureurs de vastes pouvoirs pour justifier le maintien en détention des accusés avant et après le procès.

Pendant l’ère Moubarak, les autorités égyptiennes contournaient les limites de la détention provisoire en invoquant la Loi relative à l’état d’urgence, qui leur permettait de se servir de la détention administrative pour détenir des suspects pendant une durée indéterminée sans inculpation ni jugement. Aujourd’hui, elles se servent couramment de la détention provisoire prolongée pour esquiver les garanties d’équité des procès et réduire au silence toute forme de dissidence pacifique.

« Depuis que le président Abdelfattah el Sissi est arrivé au pouvoir, la détention provisoire prolongée n’est plus une mesure préventive prise à titre exceptionnel, mais un moyen systématique de sanctionner les dissidents. Des centaines de personnes sont placées en détention pendant des périodes allant jusqu’à quatre ans dans l’attente de leur jugement, a déclaré Najia Bounaim.

« L’incapacité de la justice à garantir que la détention provisoire ne soit utilisée que lorsque cela est nécessaire, dans des circonstances exceptionnelles, met à mal son indépendance. »

En outre, on note des incohérences majeures dans le recours à cette mesure. L’ancien président Hosni Moubarak, qui a été jugé pour avoir ordonné l’homicide de manifestants durant le soulèvement du 25 janvier et encourait la peine capitale, a été libéré en avril 2013 après deux années de détention provisoire, alors qu’au moins 737 personnes jugées pour avoir participé au sit-in de Rabaa en août 2013 sont détenues depuis plus de quatre ans.

Conditions de détention inhumaines

Hisham Gaafar est incarcéré à la prison d’al Aqrab dans des conditions très dures et est maintenu à l’isolement depuis sept mois. Il n’est pas autorisé à faire de l’exercice physique régulièrement hors de sa cellule. Parfois, des gardiens l’autorisent à marcher le long du couloir de son bâtiment pendant 30 à 60 minutes. D’autres jours, il est enfermé dans sa cellule 24 heures sur 24. Selon ses proches, sa cellule n’a pas de lit ni de matelas, pas d’éclairage ni de ventilation appropriés, et elle est infestée d’insectes en raison de fuites des canalisations d’eaux usées.

Manar Tantawie, l’épouse d’Hisham Gaafar, a déclaré à Amnesty International que depuis mars 2017, sa famille n’a pu lui rendre visite que quatre fois – pendant moins de 15 minutes à chaque fois. Elle a ajouté qu’il souffre d’une atrophie du nerf optique des deux yeux et d’une hypertrophie de la prostate. En outre, du fait des conditions déplorables et de l’insuffisance de nourriture correcte, son état de santé se détériore. Manar Tantawie a ajouté que la famille avait remis des pétitions et des plaintes au président, au procureur général et au ministre de l’Intérieur, réclamant la libération d’Hisham Gaafar.

« Toutes nos demandes sont restées sans réponse. La détention d’Hisham détruit notre famille », a-t-elle déclaré à Amnesty International.

Peu après son arrestation en octobre 2015, Hisham Gaafar a dit de sa cellule à la prison d’al Aqrab que c’était « une tombe ».

« Maintenir des détenus dans des conditions sordides n’est pas seulement cruel et inhumain, c’est une violation du droit international qui, dans certaines circonstances, s’apparente à de la torture », a déclaré Najia Bounaim.

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