Egypte, Les détentions arbitraires doivent cesser !

Egypte_prison de Torah

Samedi 2 mai, Shady Habash, réalisateur égyptien de 24 ans enfermé depuis mars 2018, est mort dans la prison de Torah, au Caire. Sa mort met une nouvelle fois en lumière la situation inquiétante des prisonniers d’opinion et plus largement celle des droits humains en Egypte, la situation dans les prisons égyptiennes étant d’autant plus inquiétante avec la pandémie de COVID-19. Amnesty International Belgique francophone, le CNCD-11.11.11, la Fédération Internationale pour les Droits Humains et le Cairo Institute for Human Rights Studies appellent la Belgique et l’Union européenne à exercer des pressions sur le gouvernement égyptien afin qu’il libère les prisonniers d’opinion ainsi que les détenus particulièrement à risque face au COVID-19.

Ces dernières années, la situation des droits humains s’est fortement dégradée en Egypte. Depuis la prise du pouvoir par la force d’Abdel Fattah al-Sissi en 2013, les opposants politiques, qu’ils soient islamistes, de gauche ou libéraux, les journalistes, les défenseurs des droits humains, les juristes et les académiques sont tous soumis à une répression sans précédent de la part du régime égyptien. Aujourd’hui, les ONG estiment le nombre de prisonniers d’opinion à plus de 60 000, sur un total d’au moins 114 000 détenus selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU [1].

Aujourd’hui, les ONG estiment le nombre de prisonniers d’opinion à plus de 60 000, sur un total d’au moins 114 000 détenus

Shady Habash avait ainsi été arrêté il y a plus de deux ans pour avoir réalisé le clip d’une chanson [2] très critique du président al-Sissi. Pour cela, il avait été accusé de "diffusion de fausses nouvelles" et "appartenance à une organisation illégale". La santé de Shady s’était fortement détériorée avant sa mort. Il avait été brièvement hospitalisé avant d’être renvoyé en prison, où il est mort la nuit suivante malgré des appels au secours répétés de la part de ses codétenus le voyant agoniser. La négligence médicale dans les prisons égyptiennes a souvent été dénoncée par les organisations de droits humains.

Dans la même prison de Torah se trouve également Ramy Shaath. Ramy est un défenseur des droits humains égypto-palestinien. Il a activement participé à la révolution de 2011 et est également le fondateur du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) Egypte. Ramy est par ailleurs le fils de Nabil Shaath, conseiller principal du président palestinien Mahmoud Abbas. Il a été arrêté en juin 2019 et est depuis lors retenu en détention provisoire, c’est-à-dire sans preuves ni procès. Le 18 avril dernier, les autorités égyptiennes ont décidé d’ajouter Ramy Shaath et une dizaine d’autres personnes à la « liste des entités et des personnes terroristes » pour cinq ans, sans qu’ils puissent assister à l’audience ni connaître les motifs de leur ajout sur la liste. Cette mesure donne la possibilité aux autorités de geler les avoirs de Ramy et de lui confisquer son passeport, lui interdisant ainsi de voyager et donc de rejoindre sa femme en France. Son épouse, Céline Lebrun Shaath, française, a en effet été déportée de manière irrégulière en juillet 2019 dans la foulée de l’arrestation de son mari.

Toujours dans la même prison de Torah, se trouve Zyad el-Elaimy, avocat défendant les droits humains, ancien parlementaire et fondateur du Civil Democratic Movement (CDM), une coalition de partis et de figures de l’opposition, arrêté peu de temps avant Ramy Shaath en juin 2019. Zyad a été inculpé dans une autre affaire, jugé et condamné à un an de prison [3] pour « insulte au Président » lors d’une interview qu’il avait réalisé sur la BBC en 2017. Le 18 avril dernier, Zyad a été ajouté, comme Ramy Shaath, à la « liste des terroristes ».

Enfin, Amnesty International a récemment souligné les cas de trois journalistes Solafa Magdy, Hossam el Sayyad (qui partageait la cellule de Shady Habash) et Mohamed Salah, dont les deux derniers se retrouvent aussi dans la prison de Torah. Le 26 novembre 2019, Solafa, Hossam et Mohamed ont été arrêtés par la police dans un café de Dokki, au Caire. Les trois journalistes ont sans aucun doute été arrêtés à cause de leur militantisme pour la défense de leur amie Esraa Abdelfattah, une autre journaliste et militante détenue et torturée en octobre 2019. Mais les chefs d’accusation retenus ont été une nouvelle fois forgés de toutes pièces en accusant Solafa et Mohamed d’« appartenance à un groupe terroriste » et de « diffusion de fausses nouvelles », tandis que Hossam était accusé d’« appartenance à un groupe terroriste », dans le cadre des manifestations antigouvernementales de mars 2019. Le cas de Solafa Magdy est particulièrement inquiétant, aucune nouvelle d’elle n’ayant été entendue depuis plusieurs semaines.

Ces quelques cas illustrent le sort de milliers d’autres personnes arbitrairement détenues pour leurs opinions en Egypte. De nombreux appels ont été lancés pour demander la libération des prisonniers afin d’atténuer les risques de propagation de la pandémie de COVID-19 dans les prisons égyptiennes. Les personnes incarcérées y sont en effet particulièrement vulnérables à la propagation du virus en raison des conditions de vie insalubres, de l’impossibilité de la distanciation sociale et de l’insuffisance des soins de santé. Mais au lieu de suivre ces recommandations, les autorités égyptiennes ont continué à arrêter des personnes en raison de leur opinion [4], notamment concernant la gestion de la crise de coronavirus par le gouvernement égyptien. Elles ont par ailleurs interdit les visites et suspendu les audiences des tribunaux de mars à fin avril 2020, isolant encore un peu plus les prisonniers. Depuis le 28 avril, les tribunaux sont autorisés à renouveler la détention préventive sans la présence des prévenus ni plaidoiries de leurs avocats. Ils ont procédé ainsi pour plus de 1.600 personnes, qui sont pour beaucoup des prisonnières et prisonniers d’opinion selon Amnesty International.

Parce que Ramy, Zyad, Solafa, Hossam, Mohamed, Esraa et les 60 000 autres n’ont aucune raison d’être enfermés, et parce que le COVID-19 ne fait qu’aggraver les risques sanitaires qu’ils encourent, Amnesty International Belgique francophone, le CNCD-11.11.11, la FIDH et le Cairo Institute for Human Rights Studies appellent la Belgique et l’Union européenne à exercer des pressions sur le gouvernement égyptien afin qu’il libère tous les prisonniers d’opinion ainsi que les personnes les plus fragiles face au COVID-19 afin de réduire le plus possible les risques de propagation de l’épidémie dans les prisons égyptiennes.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit