Égypte. Amnesty International exprime ses inquiétudes face à une politique de maintien de l’ordre inconsidérée

Déclaration publique

Index AI : MDE 12/023/2008

Alors que des opérations de police se sont récemment soldées par des homicides, Amnesty International déplore les morts qu’engendre fréquemment le recours croissant à une force excessive par la police et l’armée en Égypte dans le cadre de leurs opérations de perquisition, de dispersion des manifestants ou de patrouille le long des frontières du pays. L’organisation craint que ces pratiques bien établies ne perdurent tant que les responsables ne seront pas traduits en justice et que des instructions claires et des formations appropriées ne seront pas dispensées aux forces de police et de sécurité.

Amnesty International lance son appel à la suite de deux événements qui démontrent que les forces de sécurité égyptiennes maintiennent l’ordre de manière inconsidérée. Le 23 novembre, les forces de sécurité ont tué un migrant qui tentait de franchir la frontière entre l’Égypte et Israël – ce qui porte à au moins 26 le nombre de personnes tuées le long de cette frontière en 2008. Ce même jour, à Assouan, trois policiers de la brigade antidrogue qui souhaitaient perquisitionner la maison d’Abdel Wahab Abdel Razeq dans le cadre d’une enquête sur un trafic de stupéfiants ont tiré et tué cet homme. Soupçonnant un trafiquant de drogue de se trouver chez Abdel Wahab Abdel Razeq, les policiers se sont rendus à son domicile. Abdel Wahab Abdel Razeq, qui n’était semble-t-il pas armé, leur a demandé de lui montrer le mandat de perquisition. Les policiers ont refusé, se sont introduits de force dans la maison et lui auraient tiré dans la poitrine. Le 24 novembre, le ministère public d’Assouan a inculpé les trois policiers de meurtre pour la mort d’Abdel Wahab Abdel Razeq et d’ effraction de domicile – charges qu’ils ont niées. Il a également ordonné la détention pendant quatre jours du policier soupçonné d’avoir tué Abdel Wahab Abdel Razeq, dans l’attente de nouvelles investigations. Les deux autres ont été libérés sous caution.

Après lui avoir tiré dessus, les policiers ont emmené Abdel Wahab Abdel Razeq à l’hôpital d’Assouan, mais il est mort en route. Des manifestants en colère, notamment des membres de sa famille et des voisins, se sont plus tard rassemblés pour demander que les responsables de sa mort soient traduits en justice. Scandant des slogans hostiles au ministre de l’Intérieur, ils ont jeté des pierres sur la police antiémeutes et l’hôpital, brisant des vitres. Les policiers antiémeutes ont répliqué avec des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène, et ont fait usage de matraques afin de disperser les centaines de manifestants. Yehya Abdel Megid Maghrabi, âgé de plus de soixante ans, habitant non loin et souffrant de problèmes respiratoires, est mort chez lui après avoir inhalé du gaz lacrymogène, selon le rapport médical d’un médecin privé. À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête n’a été ouverte sur sa mort. De nombreux manifestants ont été blessés, tandis qu’une cinquantaine étaient arrêtés et incarcérés au camp des Forces centrales de sécurité de Shallal, près d’Assouan, où ils auraient été battus. Le 24 novembre, 27 d’entre eux ont été présentés au parquet d’Assouan et inculpés de rassemblement, d’ émeute et de dégradation de biens publics . Cinq autres ont été inculpés de tentative de meurtre sur la personne d’un policier antiémeutes. Les autres ont été remis en liberté sans inculpation.

Ces deux événements interviennent un mois après la mort de Mervat Abdel Salam, battue par des policiers qui opéraient une descente à son domicile, à Samalout, dans le gouvernorat d’El Minya, dans le cadre d’une enquête sur un cambriolage. Alors qu’elle était enceinte, les policiers l’ont abandonnée, en sang, et l’auraient enfermée chez elle, retardant ainsi les secours. Elle était morte lorsqu’elle est arrivée chez le médecin.

Amnesty International demande l’ouverture d’une enquête indépendante, impartiale et approfondie sur la mort d’Abdel Wahab Abdel Razeq et de Yehya Abdel Megid Maghrabi, ainsi que sur les allégations de recours excessif à la force par la police antiémeutes lors de la manifestation. Ces investigations sont primordiales pour que l’Égypte s’acquitte de ses obligations internationales en matière de protection des droits fondamentaux et se conforme à des normes telles que les Principes des Nations unies relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions. En outre, l’organisation engage les autorités égyptiennes à enquêter sur les allégations selon lesquelles les personnes détenues au camp des Forces centrales de sécurité de Shallal ont été battues.

Par ailleurs, elle invite une nouvelle fois les autorités à diligenter des enquêtes sur les homicides de migrants, notamment originaires d’Afrique subsaharienne, dont se rendent responsables les forces de sécurité qui patrouillent à la frontière entre l’Égypte et Israël.

Tant que les autorités égyptiennes ne donneront pas des instructions claires aux agents des forces de l’ordre et que les auteurs de tirs inconsidérés ne seront pas tenus de rendre des comptes, ces pratiques ne pourront que s’ancrer davantage.

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